Le plan de relance du nucléaire en France. Construire 6 EPR
Publié : 11 févr. 2022, 19:34
Suite les annonces du président E.Macron hier à Belfort.
https://www.usinenouvelle.com/editorial ... e.N1783202La relance du nucléaire en France imposera un choc de main-d'oeuvre
Pas d’EPR sans ouvriers, techniciens et ingénieurs pour les construire… Selon le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (Gifen), la construction de 6 EPR entraînera la création de 30 000 emplois. La filière, qui souffre déjà de difficultés de recrutement, disposera-t-elle des ressources humaines nécessaires ?
Cécile Maillard 11 Février 2022 Usine Nouvelle
Alors qu'un renouvellement des générations se prépare dans le nucléaire (ici Valinox Nucléaire), la relance des centrales par Emmanuel Macron rend la question des compétences plus urgente que jamais.
Les difficultés de l’EPR de Flamanville s’expliquent notamment par une perte de compétences dans le domaine du nucléaire, expliquait en 2019 le rapport de Jean-Martin Folz. Jeudi 10 février, Emmanuel Macron a annoncé depuis Belfort (Territoire de Belfort), la construction de nouveaux réacteurs d’ici à 2050. Les grands donneurs d’ordre et les entreprises industrielles qui travaillent dans le secteur (3 200 sociétés, dont 85% de TPE et PME) disposeront-ils des compétences nécessaires pour mener à bien cet immense chantier ?
« Nous le disons depuis des mois, il est urgent de prendre des décisions, si la France veut tenir ses objectifs bas carbone ! » martèle Cécile Arbouille, délégué générale du Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (Gifen). Urgent, notamment, de dresser un diagnostic précis des besoins en compétences générés par les projets nucléaires.
Des métiers transverses
Selon le Gifen, pour construire 6 EPR, il faudra créer 30 000 emplois supplémentaires dans la filière, qui occupe actuellement 220 000 salariés. A l'Elysée, on évoque 120 000 créations d'emplois, sans que l'on sache pour combien d'EPR. Où trouver les personnes pour les occuper, alors que le secteur souffre déjà de difficultés de recrutement sur certains métiers ? « Comme les autres filières industrielles, celle du nucléaire subit des tensions sur les métiers de chaudronnier, soudeur, tuyauteur, électricien industriel, spécialiste des machines tournantes, du contrôle non-destructif », énumère Cécile Arbouille.
Très peu de métiers utiles au nucléaire sont spécialisés dans cette énergie. Beaucoup de salariés travaillent dans des entreprises, bureaux d’études, logisticiens, tuyauteurs, où le nucléaire ne pèse en moyenne que 20% du chiffre d’affaires. « Seuls quelques métiers d’ingénieurs, dans la neutronique ou la sûreté, sont spécifiques au secteur, poursuit la déléguée du Gifen. Les besoins sont avant tout en compétences transverses. »
Pas de compétences nouvelles
En juin, le Gifen présentera sa troisième étude annuelle sur les besoins en compétences générés par les projets de la filière, mais aussi par les grands projets comme ceux d’Iter, de Naval Group ou du Grand Paris, qui recrutent sur les mêmes métiers. Grâce à un co-financement de 1,5 million d’euros de l’Etat et de l'OPCO 2i, dans le cadre d’un « engagement développement et compétences » (Edec), un accord signé par les partenaires sociaux et l'Etat, le Gifen prépare une cartographie des métiers, un travail de prospective sur leur évolution à dix ans, et un recensement des formations existantes. Ce travail, qui attend les annonces présidentielles pour refaire ses calculs, sera publié au fil de l’eau en 2022.
« Les métiers nécessaires à la construction des futurs EPR sont les mêmes que ceux d’aujourd’hui, explique Cécile Arbouille. L’exploitation d’un parc nucléaire demande qu’on remplace tous les dix ans certaines pièces, ce qui demande, en permanence, une activité d’études et de fabrication. Et les métiers du génie civil sont ceux que l'on connaît. » Une exception : les savoir-faire nécessaires à des processus spécifiques au temps de la construction, comme certaines soudures des chaudières.
Travailler sur l'attractivité
L’Etat est attendu pour accélérer certaines formations existantes, « et beaucoup d’entreprises sont déjà dotées d’une école interne de formation à leurs métiers », souligne la responsable du Gifen. Pour la filière, le problème est moins celui de la formation que de l’attractivité : comment convaincre les jeunes de se diriger vers ces métiers qui recrutent ? C’est un autre chantier du Gifen. EDF a monté en avril 2021 une « université des métiers du nucléaire », qui rassemble toutes les formations aux métiers du nucléaire pour y attirer les jeunes ou adultes en reconversion.
A Penly (Seine-Maritime), où deux réacteurs EPR2 sont attendus, EDF a déjà réuni ses sous-traitants. L’électricien leur a d’ores et déjà demandé de se mettre en ordre de bataille pour disposer de la main-d'oeuvre nécessaire au moment de la montée en charge du chantier…