Superphénix et Phénix (démantèlements)

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Message par krolik » 07 mai 2009, 23:31

energy_isere a écrit :Krolik, t' aurais pas des anecdotes croustillantes sur Phénix ?
Je n'ai travaillé directemnt sur Phénix, par contre des amis oui.

Le réacteur de Phénix était conçu par le CEA, alors que la salle des machines et l'exploitation était du ressort d'EDF.
Pour le CEA lorsqu'un élément était en fonctionnement le voyant témoin devait etre rouge, alors que pour EDF le voyant devait etre vert.
Donc on s'avançait vers une salle de commande avec deux philosophies différentes, avec les conneries possibles afférentes..
Le Pr Pellerin a appris cela, et comme il devait donner son accord final, et comme EDF et le CEA n'arrivaient pas à s'entendre, il a dit : vous ferez comme cela et pas autrement, sinon je ne signe pas..
Et depuis on a dit de Pellerin qu'il faisait de l'autoritarisme à cause de cela..r

En ce qui concerne SuperPhenix, les problèmes ont une origine différente. Ils viennent du fait qu'il y avait des Allemands et des italiens qui co-finançaient et que chacun avait son mot à dire d'une part et dautre part ils étaient préoccupés par le soucis de voir les investissemens qu'ils faisaient revenir à leur propres industriels pour des montants équivalents.
- Les Allemands montaient leur surgénénérateur à Kalkar, réacteur qui finalement n'a jamais été mis en route , et ferraillé directement alors qu'il se terminait. Dans le concept du réacteur de Karlkar, il y avait un barillet de chargement, et ils ont tenu absolument à utiliser ce pincipe de chargement. Il faut noter que sur Phénx il n'y a pas de barillet de chargement et que ça ne pose aucun problème. Mais sur SPX ce barillet a été à l'origine de la plupart des ennuis.
- Une autre source d'ennuis est venue du fournisseur italien Magrini de charpente métallique, en au moins deux points essentiels.
a- le pont polaire. Ce pont roulant ne fait que tourner au-dessus du réacteur, tous les batiments réacteurs en sont équipés. Cela pararait à priori betement simple un pont tournant Sauf que c'est beaucoup plus compliqué qu'il n'y parait, car ça a toujours envie de sortir des rails si le mouvement d'un galet de rotation n'est pas exactement le meme que celui opposé. EDF avait un fournisseur unique en la matière qui a fait tous les ponts polaires des centrales REP en France, la société suisse"Vevey". Mais les Italiens ont voulu que le marché revienne en Italie.. Magrini a été retenu, et les emmerdes ont commencé, et un pont qui se bloque à 50 mètres du sol, ou qui a tendance à sortir de ses rails.. alors qu'il y a le réacteur en-dessous. ..ce n'est plus une plaisanterie. Le pont à lui seul devait peser une cinquantaine de tonnes (de mémoire).
b- Il y a eu l'appel d'offre pour la fourniture de la charpente sur la salle des machines. Dans ce genre de métier, où l'on se bat pour le prix comme des chiffoniers, car c'est très connu, la valeur ajoutée est faible. La technique est de calculer au plus juste pour mettre le moins de ferraille à monter. Et meme de calculer un peu en dessous des valeurs demandées par le cahier des charges, tout en donnant une garantie sur la tenue dans le temps !! Curieux me direz vous ? Mais dans le contrat il es mentionné qu'il ne peut y avoir aucune charge additionnelle à celles prévues dans le cahier des charges, on a tenu compte du vent, de la neige, du seisme, etc...
Mais d'expérience cette clause n'est jamais respectée par le client qui a un moment ou à un autre a toujours eu l'idée de mettre une cornière métallique de plus , un corbeau dans un coin pour suspendre n'importe quoi.
Et dans ce cas, s'il arrive un sinistre et bien on trouve rapidement une cornière en sus qui n'aurait pas du exister etc.. Dans ce cas la responsabilité du fournisseur est dégagée... C'est ce que font tous les charpentiers métalliques : surcharge amenée par le client, surcharge non demandée par le cahier des charges initial.
C'est ce qui s'est passé lorsqu'il y a eu une belle chute de neige, la neige était prévue,mais pas une petite sucharge annexe qui avait été ramenée là ultérieurement à la définition de la construction..

A part cela, SPX, après sa phase de rodage fonctionnait très bien et aurait pu fonctionner longtemps...
Eternelle infamie que l'arrêt de SPX !

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Re: Superphénix et Phénix (démantèlements)

Message par GillesH38 » 08 mai 2009, 08:24

et cependant, tous ces genres de petits problèmes vont magiquement disparaître au XXIe siècle, permettant de couvrir le monde de surgénérateurs apportant bienfaits et énergie peu chère à tous les pays qui en ont besoin :smt059

c'est curieux quand même, parce que toutes ces petites histoires, comme tu dis c'est courant, et ça arrive aussi avec des barrages et des centrales à charbon, je suppose. Et pourtant y a aucune problème de filière avec eux, merci.
Zan, zendegi, azadi. Il parait que " je propage la haine du Hamas".

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Re: Superphénix et Phénix (démantèlements)

Message par krolik » 08 mai 2009, 10:54

GillesH38 a écrit : permettant de couvrir le monde de surgénérateurs apportant bienfaits et énergie peu chère à tous les pays qui en ont besoin .

c'est curieux quand même, parce que toutes ces petites histoires, comme tu dis c'est courant, et ça arrive aussi avec des barrages et des centrales à charbon, je suppose. Et pourtant y a aucune problème de filière avec eux, merci.
Vous proposez des réponses toutes faites :
- l'énergie serait un bienfait ? Ca me semble un peu "court".
- tous les pays qui en ont besoin: Tous les pays qui ont les moyens de payer et de gérer ...
"Et pourtant y a aucun problème de filière avec eux, merci" Ah, personne ne proteste contre la construction de barrages, de centrales à charbon ?
J'attends le démarrage de l'exploitation à ciel ouvert de la mine de charbon dans le sud de la Nièvre. Mais je risque d'attendre longtemps.

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Re: Superphénix et Phénix (démantèlements)

Message par Berthier » 08 mai 2009, 19:59

GillesH38 a écrit :et cependant, tous ces genres de petits problèmes vont magiquement
disparaître au XXIe siècle, permettant de couvrir le monde de
surgénérateurs apportant bienfaits et énergie peu chère à tous les pays
qui en ont besoin :smt059

c'est curieux quand même, parce que
toutes ces petites histoires, comme tu dis c'est courant, et ça arrive
aussi avec des barrages et des centrales à charbon, je suppose. Et
pourtant y a aucune problème de filière avec eux, merci.
Et bien si il y a des problèmes seulement, ils n'iinteressent pas les médias. On peut imaginer le retentissement qu'aurait la nouvelle suivante s'il l'accident avait eu lieu dans une centrale nuc plutôt que dans une centrale à gaz....

Ci-dessous le communiqué de la CGT sur le sujet...

EXPLOSION MORTELLE SUR LA T.A.C.

(TURBINE A COMBUSTION) DE GENNEVILLIERS





C’est avec une profonde tristesse que nous venons d’apprendre le décès de Daniel PARENT du CPT (Centre de Production Thermique) de Vitry sur Seine.



Il est décédé, mardi 28 avril en fin d’après-midi, alors qu’il intervenait sur la T.A.C. située à Gennevilliers. Il a été victime d’une explosion d’une extrême violence dont l’origine à cette heure n’est pas déterminée. Une enquête de police est actuellement en cours.



Hier matin, le personnel du CPT de Vitry s’est réuni avec beaucoup d’émotion et de colère. Il a ensuite rencontré la Direction locale pour rappeler nos revendications en matière d’effectifs, d’organisation, de condition de travail, telles qu’elles sont portées depuis des années, pour qu’elles soient réellement prises en compte.



Le personnel, avec la CGT, a signifié avec force qu’il n’était pas question de démarrer une seule T.A.C. et d’envoyer du personnel sur ce matériel tant que nous n’aurons pas de réponses aux questions posées et tant que nous n’aurons pas de retour sur les expertises menées.



Un CHSCT extraordinaire s’est tenu hier matin et la CGT a déposé un droit de retrait sur l’ensemble des TAC.

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Re: Superphénix et Phénix (démantèlements)

Message par energy_isere » 11 mai 2009, 12:18

GillesH38 a écrit :et cependant, tous ces genres de petits problèmes vont magiquement disparaître au XXIe siècle, permettant de couvrir le monde de surgénérateurs apportant bienfaits et énergie peu chère à tous les pays qui en ont besoin :smt059

c'est curieux quand même, parce que toutes ces petites histoires, comme tu dis c'est courant, et ça arrive aussi avec des barrages et des centrales à charbon, je suppose. Et pourtant y a aucune problème de filière avec eux, merci.
Tant qu' il n' existera pas un équivalent de la CRIIRAD ou des empecheurs de tourner en rond comme Greenpeace pour les centrales classiques, effectivement tout le monde s' en fout. Les problémes sont solutionnés dans la discrétion.

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Message par parisse » 29 mai 2009, 09:38

krolik a écrit :
SPX a été fermé pour des raisons uniquement politiques, voir le récit de l'histoire de SPX par Pierre Schmidt le directeur de SPX sur le site http://www.ecolo.org.
J'ai beaucoup de mal a croire que ce soit pour des raisons uniquement politiques. Il y a eu pendant cette mandature des preuves tres claires que les interets economiques passaient largement avant les inquietudes ecologiques ou la solidarite de la majorite plurielle. Et au changement de majorite, on ne s'est pas precipite pour reouvrir Superphenix ou d'autres sites Gen IV. Et de toutes facons, il n'y a pas que la France.

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Re: Une industrie nucléaire sans pétrole c'est possible !

Message par krolik » 29 mai 2009, 10:22

Dans le deal entre Mitterand et Voynet c'était :
- tu me donnes tes voix, je te laisse SPX. Clair !
C'est ce que vous appelez "solidarité de la Gauche Plurielle".

Et Voynet Ministre fait nommer un "X" chargé de démanteler SPX en prenant toutes précautions pour qu'une décision de retour arrière ne soit pas possible.
Alors il y a des choses simples à faire dans ce cas.
Vous soudez sur la cuve un bout de métal, n'importe lequel de préférence, sans procédure de soudage agréée pour ce type de matériel. La cuve est "non conforme" elle risque de fissurer si vous remontez en température.
Vous ne pouvez plus revenir en arrière.
D'autant que c'était un proto, qui avait rendu ses informations essentielles. Alors EDF ne s'est pas battu "becs et ongles" pour le maintenir.

J'ai du vous passer copie de la déclaration de Jospin à l'Assemblée Nationale, qui en justifiant la fermeture de SPX (sans parler du sodium d'ailleurs) se déclare favorable aux recherches pour le développement de la filière rapide. On en conclue que la Gauche et la Droite sont d'accord pour développer le GEN 4.

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Message par parisse » 29 mai 2009, 11:17

krolik a écrit :Dans le deal entre Mitterand et Voynet c'était :
- tu me donnes tes voix, je te laisse SPX. Clair !
C'est ce que vous appelez "solidarité de la Gauche Plurielle".
C'est bien la preuve que superphenix et la generation 4 n'etait pas consideree comme strategique pour les interets economiques de la France, sinon Jospin n'aurait jamais accepte ce deal.
D'autant que c'était un proto, qui avait rendu ses informations essentielles. Alors EDF ne s'est pas battu "becs et ongles" pour le maintenir.
Ca confirme bien qu'il n'y avait pas d'interet economique essentiel et que la gen 4 en est au stade de recherches, dont l'aboutissement a une source d'energie electrique fiable et bon marche n'est en rien assure, au meme titre que les diverses opportunites que nous font miroiter les tenants des nano-technologies.
J'ai du vous passer copie de la déclaration de Jospin à l'Assemblée Nationale, qui en justifiant la fermeture de SPX (sans parler du sodium d'ailleurs) se déclare favorable aux recherches pour le développement de la filière rapide. On en conclue que la Gauche et la Droite sont d'accord pour développer le GEN 4.
Ce qui ne signifie finalement pas grand chose, ils sont aussi d'accord pour defendre un objectif de croissance de 2 ou 3%

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Message par krolik » 29 mai 2009, 11:24

parisse a écrit :
krolik a écrit :Dans le deal entre Mitterand et Voynet c'était :
- tu me donnes tes voix, je te laisse SPX. Clair !
C'est ce que vous appelez "solidarité de la Gauche Plurielle".
C'est bien la preuve que superphenix et la generation 4 n'etait pas consideree comme strategique pour les interets economiques de la France, sinon Jospin n'aurait jamais accepte ce deal.

[/quote]

Parce que vous pensez que Mitterand , au moins, faisait passer l'intérêt national avant son intérêt politique personnel ?
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Message par parisse » 29 mai 2009, 13:37

krolik a écrit : Parce que vous pensez que Mitterand , au moins, faisait passer l'intérêt national avant son intérêt politique personnel ?
@+
il me semble que c'etait plutot sous Jospin que sous Mitterand non?

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Re: Une industrie nucléaire sans pétrole c'est possible !

Message par krolik » 29 mai 2009, 13:56

C'était du Jospin, bon élève.

@+

P R É A M B U L E



Ce document est constitué, outre ce préambule, de deux parties :



- La première partie reproduisant in extenso :
en haut la question posée par un sénateur au Premier ministre après que ce dernier eût annoncé son intention de détruire SuperPhénix mais plusieurs mois avant que la décision définitive ne soit annoncée (par politesse, le sénateur et académicien français a rédigé sa question sur une demi page, mais elle se résume à : " Pourquoi voudriez-vous casser Super Phénix ? "), et
en bas la réponse du Premier ministre qui a été donnée bien après que la décision ait été publiée. Cette réponse tient également sur une demi page, mais elle donne des explications qui méritent d’être examinées avec attention.
- La deuxième partie constituée de quelques remarques qui, loin d'éloigner le lecteur de l'esprit du texte précédent, y apportent des éclaircissements, l'illustrent et le corroborent, avec des extraits d'un article rédigé par un spécialiste, apportant quelques précisions claires et indispensables.

J.-C. O.



*********************
1ère partie


16 septembre 1999

SÉNAT 3057

RÉPONSES DES MINISTRES AUX QUESTIONS ÉCRITES

PREMIER MINISTRE

Abandon du surgénérateur Superphénix

3728. - 23 octobre 1997. - M. Alain Peyerefitte attire l’attention de M. le Premier ministre sur l’abandon annoncé du surgénérateur " Superphénix ". Cette décision paraît avoir été prise de manière arbitraire, sans délibération gouvernementale. À plus forte raison sans débat parlementaire, contre l’avis de l’académie des sciences, sans consultation du commissariat à l’énergie atomique (CEA) ni d’Électricité de France (EDF). Peut-on connaître, peut-on entendre les spécialistes qui ont pu conseiller une telle attitude ? Il est regrettable de constater que des préjugés idéologiques l’emportent sur les intérêts du pays et sur les calculs de la raison. En 1996 et 1997, la parfaite marche de Creys-Malville a démontré que les techniques mises en œuvre dans une centrale à neutrons rapides étaient aujourd’hui au point pour une utilisation à l’échelle industrielle. Cette centrale est un prototype unique au monde. Il est donc normal que, pendant ses premières années de service, elle ait connu des pannes et nécessité des réglages. C’est le lot de tout prototype, surtout à un pareil niveau de haute technologie. Aujourd’hui, il apparaît qu’elle est devenue fiable, moins polluante que les autres centrales nucléaires et a fortiori classiques, et qu’elle fonctionne bien. D’autre part, la sûreté de Superphénix n’a jamais été mise en cause. La direction de la sûreté des installations nucléaires autorise en effet régulièrement, après des vérifications minutieuses, la poursuite de l’exploitation de cette centrale. La décision, confirmée par M. le Premier Ministre dans sa déclaration de politique générale, ne concerne pas uniquement le destin d’un réacteur isolé. Elle s’inscrit bel et bien, par sa dimension stratégique, dans l’Histoire. Elle concerne l’indépendance et la pérennité de l’approvisionnement énergétique de la France. En tout état de cause, une décision si lourde de conséquences ne devrait pas être définitivement arrêtée sans que le Parlement ait eu l’occasion d’en débattre. Il lui demande s’il lui paraît acceptable qu’un effort acharné de trente ans, qui a permis au pays d’acquérir une position de tête dans la technologie nucléaire la plus difficile, se trouve sacrifié à une alliance électorale de circonstance, pour satisfaire une infime minorité, qui n’a à offrir de son côté que des fantasmes ou des illusions de retour au passé.


Abandon du surgénérateur Superphénix
16396. - 13 mai 1999. - M. Alain Peyrefitte rappelle à M. le Premier ministre les termes de sa question n° 3728 qui n’a toujours pas obtenu de réponse à ce jour.
Réponse. - L’honorable parlementaire attire l’attention du Premier ministre sur l’arrêt du surgénérateur " Superphénix ". Conformément à ses engagements politiques, et en particulier à ceux pris par le Premier ministre lors de la campagne législative, le Gouvernement a en effet décidé le 2 février 1998 l’abandon de Superphénix, prototype lancé dans les années 70, dans un contexte de pénurie d’énergie et de faiblesse estimée de ressources en uranium. Cette centrale est désormais inadaptée au contexte actuel. En outre, ce prototype, qui constituait un saut technologique considérable, a été difficile à maîtriser et a coûté beaucoup plus cher que prévu. Il ne peut en l’état constituer un modèle à répliquer à l’identique dans un programme d’équipement en surgénérateur. Pour autant, Superphénix représente une technologie très riche, développée par des personnels particulièrement motivés et performants, qui ont montré que la France savait mettre au point des équipements technologiques innovants de très haut niveau. Il faudra tirer profit de l’expérience accumulée et poursuivre les recherches dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides pour l’avenir à plus long terme. Lorsque le Gouvernement a pris la décision d’arrêter Superphénix, le réacteur était à l’arrêt, le Conseil d’État ayant annulé le décret autorisant son fonctionnement. Le précédent Gouvernement n’avait pas signé le décret autorisant Superphénix à redémarrer en tant que centrale de production électrique ; de plus un rapport de la Cour des comptes stigmatisait son coût global. Le Gouvernement a donc décidé que Superphénix ne redémarrerait pas, même pour une durée limitée. Pour autant, les opérations de démantèlement dureront plusieurs années et seront à la charge d’EDF. Le Gouvernement entend mettre à profit l’expérience qui sera acquise lors de ce démantèlement, en vue de celui des centrales classiques. Par ailleurs, le Gouvernement a confirmé la poursuite des recherches sur la transmutation, de manière à fournir au Parlement les moyens de prendre des décisions sur l’aval du cycle 2006. À court terme, les programmes de recherche nécessaires pour le respect de la loi de 1991 ont été orientés sur Phénix, réacteur de taille plus petite mais conçu dès le départ à des fins de recherche. Phénix est particulièrement souple pour l’expérimentation, du fait notamment de la brièveté du cycle, et permet de disposer d’une instrumentation adaptée aux études expérimentales. Sa montée en puissance a été décidée en 1998, après avis favorable de l’autorité de sûreté. Comme suite à une première campagne d’essais, ce réacteur fait actuellement l’objet de travaux de jouvence afin de pouvoir répondre aux programmes de recherche jusqu’en 2004.


*********************
2ème partie

Quelques remarques

Notes pour faciliter la lecture de la réponse du Premier ministre :

1.- près de 2 ans se sont écoulés entre la question " pourquoi voulez-vous casser Superphénix ? " et la réponse,
2.- la question a été posée avant la prise de décision officielle, la réponse a été apportée après la décision,

3.- le Premier Ministre se réfère seulement à sa promesse électorale, il ne fait nullement état de dangers pour la santé publique, ni de risques pour les populations, l’environnement ou les travailleurs et ne met pas en cause la sûreté des installations de Superphénix ni l’excellence des choix technologiques, ni la qualité des techniciens auxquels il adresse ses félicitations,

4.- le Premier ministre ne critique pas la rentabilité de l’exploitation, mais uniquement le montant des dépenses (qui n’ont rien coûté aux contribuables) par rapport aux prévisions ; sur le problème financier et certains aspects techniques, voici quelques extraits de l’article de M. Michel Lung " L’AVENTURE DE SUPERPHÉNIX " :

……………………………………………………………………………………………………………………
On évoque le coût excessif de Superphénix.. La cour des Comptes a évalué le coût total du projet jusqu’en 2000 et sans compter les ressources en ventes de courant, à 60 milliards de F., chiffre aussitôt brandi comme "excessif". Ce coût comprend la construction (26 milliards), les combustibles (2 milliards), l’exploitation, les réparations et les arrêts imposés (12,5 milliards), le tout payé par NERSA (1). Il a été prévu de dépenser 16,3 milliards jusqu'à fin 2000, pour retraiter les cœurs non brûlés et procéder au désarmement et démantèlement progressif de l'appareil au cours des années. On retrouve les 60 milliards annoncés par la Cour des Comptes en 1996, mais dont, en réalité, 40 milliards environ ont été dépensés à la date de l’arrêt et payés par Nersa.

Un fonctionnement régulier à 1000 MW aurait pu rapporter entre 1,5 et 2 milliards de F. par an, à rapprocher d'un coût d'exploitation d'environ 900 millions de F. par an.

Les frais de dédommagement des actionnaires étrangers de NERSA, déboutée par la décision du Gouvernement français, sont compensés par des fournitures de courant d’EDF à ces partenaires étrangers entre 1996 et 2000.

Tous ces frais et ceux à venir sont donc à la charge d'EDF. L'arrêt intempestif et prématuré du réacteur occasionne des frais et dommages considérables : le manque à gagner du réacteur qui avait encore devant lui une réserve de combustibles pour fonctionner 1500 jours à pleine charge, le démantèlement à chaud, les dédommagements des travailleurs et de la région, le coût des essais et combustibles spéciaux préparés en pure perte par le CEA pour tester l'incinération du plutonium et des déchets selon la Loi de 1991 sur les déchets, peuvent se chiffrer à plus de 20 milliards, sans compter le préjudice moral et la mise devant le fait accompli des partenaires étrangers dans NERSA.

……………………………………………………………………………………………………………………

Est-ce à dire que les réacteurs rapides ont vécu ? Je ne le pense pas, ceci est d'ailleurs confirmé par les Russes en particulier, qui ont une bonne expérience de ce type de réacteur depuis 1969 (réacteur BOR-60 suivi de BN 600). Les avantages de souplesse, d'économie de combustible, d'utilisation d'uranium naturel ou appauvri sans enrichissement, d'incinération des actinides, de très faible production de déchets par kWh fourni, de particulièrement faible risque d'irradiation du personnel d'exploitation, d'absence de pression, en font un appareil remarquable.

……………………………………………………………………………………………………………………
Le réacteur rapide n'a pas dit son dernier mot mais il reste à le perfectionner tout en le simplifiant. "L'aventure de Superphénix" et celle des réacteurs à neutrons rapides ne fait que commencer.

Michel LUNG, ingénieur, diplômé de Génie Nucléaire, ex-Directeur à SGN, membre actif de la Société Française d'Énergie Nucléaire (SFEN), membre de l'Association des Écologistes Pour le Nucléaire (AEPN), membre du World Council of Nuclear Workers (WONUC) (décédé en Décembre 2007 note Kolik)
________________

(1) Société NERSA (1974) propriétaire et exploitante du réacteur (EDF 51 %, ENEL 33 %, consortium SBK allemand-belge-hollandais 16 %)

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Une industrie nucléaire sans pétrole c'est possible !

Message par Berthier » 29 mai 2009, 14:57

Ce qui a tué Superphénix, c'est la conjonction

-d'un accord politique
-du prix du gaz (du pétrole, de l'uranium etc...) et du développement des turbines à gaz.
-de la personnalité choisie comme ministre de l'environnement du gouvernement précédent
-de l'accident de Tchernobyl

et accessoirement :

-du projet EPR
-de quelques erreurs mineures de conception
-de l'arrivée au pouvoir de majorité rouge-verte dans d'autres pays d'Europe
-de la chute de l'URSS qui laissait envisager un approvisionnement en gaz sans risque politique.


Lors de l'accord politique de 1997, l'article Lahérrère sur le peakoil n'était même pas paru.
Les hommes politiques ne raisonnent pas à long terme. Il ne voyaient pas l'intérêt de Superphénix à cette date là. Ils voyaient l'intérêt d'un réacteur du type Superphénix vers 2030. En 2000, l'agence internationale de l'énergie et le ministère de l'intérieur voyait le baril à 25$ pour des décennies...

Ce n'est nullement un problème technique qui a tué Superphénix.

Encore aujourd'hui si un particulier avait le choix entre un prototype de voiture électrique un peu plus chère qui a subi quelques pannes et une voiture à essence optimisée à 3L au cent, encore aujourd'hui, il achèterait la voiture à combustion interne.

Maintenant imaginons que tous les citoyens apprennent qu'il manquera 1 à 5% de pétrole chaque année...

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Re: Une industrie nucléaire sans pétrole c'est possible !

Message par WizardOfLinn » 29 mai 2009, 15:47

Oserait-on maintenant déployer en Europe un type de réacteur avec un coefficient de vide positif, en jurant la main sur le coeur qu'il est impossible de perdre des milliers de tonnes de sodium ? SPX a été conçu à une époque ou celà ne paraissait pas être un problème.
On aura beau argumenter que SPX n'a absolument rien à voir avec le réacteur de Tchernobyl, il risque d'être difficile d'éliminer une certaine suspicion.
D'ailleurs le CEA travaille à résoudre ce problème, parmi d'autres, mais d'après ce que j'ai compris, les solutions techniques envisagées sont au détriment du gain de surgénération...

On devrait peut-être éviter de renforcer l'association d'idées surgénérateurs <=> SPX, alors qu'il y a d'autres filières Gen-IV intéressantes.

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Re: Une industrie nucléaire sans pétrole c'est possible !

Message par parisse » 29 mai 2009, 16:22

Je reprends le calcul du cout de Superphenix en fonction des chiffres du rapport de Krolik *sans actualisation*. La puissance indiquée est de 1GW à comparer à 63GW de puissance installée en France pour une production annuelle de 420TWh, soit 6.67TWh/an pour 1GW. Si ce courant est vendu à 20 centimes de franc de l'époque (pour reprendre les chiffres du rapport en francs), cela rapporte 1.33 milliards de francs, pour un cout d'exploitation indiqué à 900 millions de francs par an donc un bénéfice de 0.43 milliards de francs par an. Il faudrait donc environ 100 ans pour rembourser le cout de construction indiqué (26 milliards), et de démantellement 16.3 milliards indiqué (en supposant que les couts d'exploitation tiennent bien compte du combustible et des réparations/arrêts). En partant d'une durée de vie plus réaliste de 50 ans, on arrive toujours sans actualisation à 42.3 milliards + 50*0.9=87.3 -> 1.746 milliards par an pour 6.67TWh soit 26 centimes de francs d'il y a 12 ans par kWh, donc 5 centimes d'euros 2009. Il faudrait le comparer au cout des autres moyens de production du kWh non actualisés ou calculer le cout actualisé (mais je ne connais pas les taux utilisés habituellement dans le secteur énergétique). Mais on peut déjà dire que c'est effectivement plus cher que ce qu'on a coutume de trouver pour de l'électricité de base et qu'il y avait bien une raison économique à la décision de Jospin, en plus des raisons politiques.

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Re: Une industrie nucléaire sans pétrole c'est possible !

Message par krolik » 29 mai 2009, 16:40

WizardOfLinn a écrit :Oserait-on maintenant déployer en Europe un type de réacteur avec un coefficient de vide positif, en jurant la main sur le coeur qu'il est impossible de perdre des milliers de tonnes de sodium ? SPX a été conçu à une époque ou celà ne paraissait pas être un problème.
La question du coef de vide positif s'était déjà posée à l'époque de la conception de SPX.
Les effets d'une excursion critique n'aurait pas les mêmes effets que sur un REP du fait de l'inertie thermique et absence de pression dans le réacteur.
Mais pour résoudre ce problème il y a des solutions comme par exemple mettre quatre petits réacteurs dans une seule cuve. Phénix lui n'est pas à coefficient de vide positif.

Mais j'ai un faible sur les PBMR.
Le problème dans ce cas c'est surtout de développer une turbine à hélium fonctionnant à haute température pendant au mois trois ans sans entretien trè significatif. Les réacteurs d'avions sont de faible puissance en comparaison et en sus ils sont révisés toutes les quelques dizaines d'heures de fonctionnement.

@+

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