Superphénix et Phénix (démantèlements)
Publié : 09 mai 2005, 12:20
SUPERPHÉNIX:nopasaran a écrit :
Tout à fait d'accord, seul le nucléaire de type surgénérateurs (génération IV) permettrait de prolonger à long terme le mode de vie actuelle. Il y a différent type de surgénérateurs envisagés (pas seulement le type SuperPhénix utilisant du sodium). Il y a notamment un surgénérateur (le réacteur à sels fondus) utilisant le thorium 232 comme élément fertile. Le thorium est 3 fois plus abondant que l'uranium :Stéphane a écrit : Mais cette approche suppose un moyen de fournir de l'énergie d'abord pour la production massive d'hydrogène (par électrolyse), et ensuite pour la réaction thermochimique elle-même, et tout cela sans hydrocarbures. L'unique solution dans les bons ordres de grandeur est alors le nucléaire, et qui plus est une nouvelle génération de réacteurs (dits à très haute température) capables d'utiliser des éléments radioactifs fertiles (de type U238), très abondants en l'occurrence sur Terre, contrairement à l'U235 actuellement employé et bientôt épuisé. Ne nous leurrons pas : si notre souhait, en tant que citoyens du monde, est de conserver notre consommation d'énergie à l'identique quand il n'y aura plus de pétrole (autrement dit, si nous voulons conserver la même mobilité, si nous voulons disposer de logements spacieux chauffés l'hiver et climatisés l'été, si nous voulons continuer à manger autant de viande et si nous avons envie de consommer autant de produits manufacturés), alors seule l'option nucléaire à grande échelle est à même d'apporter une ébauche de solution (un exercice de simulation mené récemment aux USA ne dit pas autre chose : le remplacement des combustibles fossiles nécessiterait la construction de 1900 réacteurs de 900 MW). Le potentiel des énergies renouvelables n'est pas dans les bons ordres de grandeur, à moins que nos futurs choix de société ne s'orientent vers la recherche de la sobriété. On en est très, très, très loin.
http://www.x-environnement.org/Jaune_Ro ... uffer.html
SuperPhénix a été arrêté pour des raisons purement politique et pas technique. On le regrettera surement dans quelles années ...
La centrale nucléaire expérimentale Superphénix (1.250 MWé), a été mise à l'arrêt pendant près de 2 ans entre le 26 mai 1987 et le 12 janvier 1989, à la suite de l'avarie grave survenue à partir du 8 mars 1987,
une fuite de 20 tonnes de sodium de la cuve principale du barillet de stockage du combustible nucléaire.
L'autorisation ministérielle et les conditions exceptionnelles du redémarrage de cette installation expérimentale, dans des conditions inédites, sans expertise contradictoire et sans débat, le 12 janvier 1989(1), posent de nombreux problèmes(2).
A la suite d'arrêts automatiques d'urgence et d'anomalies inexpliquées survenues de juillet à septembre 1989 sur le réacteur de la centrale Phénix (250 MWé) de Marcoule, Superphénix était de nouveau à l'arrêt prolongé du 7 septembre 1989 au 14 avril 1990.
Couplée au réseau électrique le 8 juin 1990, elle est de nouveau en arrêt prolongé depuis le 3 juillet 1990. A l'occasion de cet arrêt non prévu, lié a une avarie sur un des deux alternateurs, l'exploitant a découvert fortuitement que le sodium primaire était oxydé par une entrée d'air dans le réacteur.
Cette entrée d'air dans l'enceinte primaire, le coeur du réacteur, a d'abord été présentée comme minime. Il s'agirait en fait de plus de 1.000 m3 qui ont oxydé et pollué les 3.300 tonnes de sodium primaire: la quantité d'oxyde formé est évaluée entre 400 et 700 kg, dont 200 avaient été retirés entre juillet et octobre 1990.
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* Représentant de la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature FRAPNA à la Commission Départementale de Surveillance Nucléaire de l'Isère.
Le débat sur la sûreté et le nucléaire en France est approché ici à partir de l'analyse de la situation actuelle de cette installation européenne, du traitement de ses avaries, de l'évolution de son coût, des mesures prises concernant la sécurité des populations.
(1) L'autorisation de redémarrage portait dans un premier temps jusqu'au 30 août 1989, puis, avec l'accord du Ministre chargé de l'Industrie, a été prolongée à partir du 1er septembre 1989 pour plusieurs années.
(2) Cf. l'analyse de ces problèmes dans les documents cités en référence.
Des amas solides se sont sûrement déposés sur des composants du réacteur, par exemple dans les assemblages entrainant des risques en cas de redémarrage.
L'épuration du sodium qui doit durer plusieurs mois, va mettre en oeuvre un système de purification du sodium, externe au réacteur, créant ainsi une réduction du nombre de barrières de confinement et des risques pour le coeur en cas de rupture d'une canalisation d'évacuation du sodium primaire hors du coeur.
Depuis la décision de construction de Superphénix, au milieu des années soixante-dix, les écologistes et les scientifiques indépendants ne cessent de montrer que cette installation est coûteuse, dangereuse, inutile et source de prolifération du plutonium.
Superphénix n'aura fonctionné que 6 mois en 5 ans, depuis sa mise en fonctionnement.
Au moment où l'installation est à l'arrêt pour plusieurs mois (au moins jusqu'à fin janvier 1991), il n'est pas inutile de faire le point de la situation.
La multiplication d'événements graves à Superphénix reflète les dangers de l'extrapolation, du fonctionnement «en citadelle assiégée» du système nucléaire français, et inquiète aujourd'hui les autorités de sûreté elles-mêmes.
Prenons l'exemple du dernier événement classé par les autorités de sûreté au niveau 2 de l'échelle de gravité des accidents nucléaires (INES).
Il y a 3.300 tonnes de sodium primaire dans la cuve principale du réacteur de Superphénix.
Ce sodium est l'élément essentiel du refroidissement des 600 assemblages nucléaires contenant les 7 tonnes de plutonium. Il doit être maintenu pur en toutes circonstances pour éviter en particulier que des impuretés (oxydes, hydrures, particules métalliques) ne viennent boucher les ouvertures par lesquelles il circule dans les assemblages pour les refroidir.
Si un bouchage partiel ou total se produit sur un assemblage, l'assemblage s'échauffe anormalement, la réaction nucléaire s'emballe et la fusion de l'assemblage peut intervenir, si les systèmes de mesure et d'arrêt automatique ont une défaillance.
L'argon et le sodium primaire devaient donc être contrôlés en permanence par des systèmes redondants et indépendants:
- le contrôle en continu de l'absence d'air, d'azote ou d'autres impuretés dans le circuit d'argon primaire;
- deux ensembles indépendants de purification intégrée du type piège froid avec cartouches filtrantes;
- deux indicateurs de bouchage indépendants et des débitmètres permettant de vérifier le non bouchage;
- un prélèvement régulier du sodium par un godet appelé TASTENA plongeant directement dans la cuve du réacteur.
Les indicateurs de bouchage devaient «permettre de mesurer la pureté du sodium primaire pour tous les cas de fonctionnement du réacteur» (p.II-4.14-5 du rapport de sûreté).
Ces appareils participent au confinement primaire du réacteur (et sont classés au séisme majoré). A aucun moment une entrée d'air ne doit intervenir car des impuretés se forment.
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L'entrée d'air dans le confinement primaire du réacteur, telle qu'annoncée, qui est intervenue du 20 juin au 3 juillet, signifie que pendant plus de 15 jours le confinement primaire de Superphénix n'était plus assuré. Il s'agit d'une violation grave de la sûreté du réacteur, de la sécurité des travailleurs et des populations, même si encore une fois et heureusement, il n'y a eu aucun rejet radioactif.
C'est par hasard, après un arrêt lié à une avarie sur la partie électrique (turbo-alternateur), que l'exploitant s'est rendu compte de la présence d'impuretés dans ce sodium et du bouchage des ensembles de purification.
Pendant 15 jours le réacteur a fonctionné en dehors des règles de sûreté, en dépassant les valeurs admises, sans que l'exploitant, semble-t-il, se rende compte de cette dégradation.
L'article 3-2 du décret d'autorisation de cette installation prévoit que les dispositifs d'alimentation en sodium primaire seront conçus de façon à réduire les risques de bouchage.
Ce décret n'a pas été respecté par l'exploitant et le gouvernement.
Cet événement, classé d'abord au niveau 1 de l'échelle de gravité des accidents nucléaires, a été, le 29 juillet 1990, classé au niveau 2 (comme la fuite de sodium du barillet de Superphénix en mars 1987 et la formation d'une bulle de gaz à Phénix pendant l'été 1989). La définition de ce niveau par les autorités est la suivante:
«Niveau 2:
Incidents susceptibles de développements ultérieurs
- Incidents ayant potentiellement des conséquences signficatives pour la sûreté.
- Incidents entraînant des réparations ou des travaux prolongés.»
La FRAPNA avait demandé aux autorités de sûreté de classer cet événement au Niveau 3 de l'échelle de gravité des accidents nucléaires:
«Niveau 3:
Incidents affectant la sûreté
- Etat dégradé des barrières, des systèmes de confinement ou des systèmes de sécurité.»
Ces autorités ont reconnu qu'il y avait bien eu «état dégradé d'un système de confinement», mais que le classement était affaire d'appréciation. La franchise de cette réponse et l'accord sur la gravité de la situation permettent de clore cette partie du débat.
Depuis fin 1989, les associations avaient alerté M. Fauroux, ministre chargé de l'industrie, M. Lalonde, secrétaire d'état chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs, et M. le préfet de l'Isère (délégation de 45 élus et représentants d'associations), sur les risques graves d'emballement de la réaction nucléaire dans le coeur de Superphénix en cas de défaut de refroidissement par le sodium, lié par exemple à une présence anormale d'impuretés dans ce sodium.
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La FRAPNA avait demandé en vain de décembre 1989 à mai 1990, lors des réunions des Commissions Locales d'Information et de Surveillance Nucléaire, communication des documents techniques permettant de vérifier les affirmations du Chef de la centrale de Creys-Malville, M. Lacroix, selon lesquelles «la pureté du sodium est vérifiée en permanence», «les assemblages purgeurs de gaz de Superphénix ne peuvent pas se boucher», «l'ensemble des études réalisées montre que le passage hypothétique de ce gaz dans le coeur ne peut mettre en cause l'intégrité de la gaine des assemblages combustibles».
L'autorisation de redémarrage avait été donnée le 14 avril 1990 après «assurance que la purification du sodium était particulièrement surveillée».
La preuve est aujourd'hui faite du peu de fiabilité des affirmations avancees par l'exploitant sur ce sujet: la pureté du sodium n'a pas été vérifiée et assurée pendant 15 jours, du 20 juin au 3 juillet 1990, les impuretés du sodium n' ont été détectées que fortuitement après l'arrêt du réacteur.
Les certitudes avancées alors font aujourd'hui place aux incertitudes: les interprétations des mesures ne sont toujours pas assurées, trois mois après cette avarie. L'exploitant vient de reconnaître qu'après la révision des circuits en sodium, c'est au tour des circuits de gaz (argon et azote) qui doivent être passés en «revue générale», et que les régles d'exploitation, les consignes et le rapport de sûreté doit être une nouvelle fois révisés. La situation actuelle de cette installation montre l'impérieuse nécessité d'expertises contradictoires et rendues publiques dans un domaine qui concerne directement les populations.
PHÉNIX:
La situation actuelle de Phénix (250 MWé) pose également de gros problèmes.
Des anomalies de réactivité du coeur de la centrale Phénix de Marcoule avaient entraîné plusieurs arrêts d'urgence les 6, 24 août et 14 septembre 1989. Ces anomalies qui n'avaient pas été décelées pendant 2 mois et restaient inexpliquées jusqu'en décembre 1989, avaient entraîné un arrêt prolongé du réacteur. Leurs causes avaient ensuite été attribuées à la formation d'une bulle d'argon, par présence d'impuretés dans le sodium primaire, impuretés qui auraient bouché les assemblages purgeurs des micro-bulles d'argon présentes dans le sodium primaire. Les assemblages purgeurs avaient été remplacés par des éléments identiques à ceux de Superphénix, de nouvelles spécifications techniques avaient été imposées à l'exploitant, et la puissance du réacteur avait été limitée.
Or le dimanche 9 septembre 1990, alors que le réacteur se trouvait de nouveau, depuis quatre jours, à la puissance maximale autorisée, un arrêt automatique est intervenu, sur l'indication d'une nouvelle baisse anormale de réactivité dans le coeur.
D'autre part, comme l'indiquaient depuis plusieurs années des scientifiques indépendants, les autorités de sûreté reconnaissent aujourd'hui ces nouveaux problèmes à Phénix, comme le montre ce communiqué du S.C.S.I.N.:
«Des incertitudes dans l'évaluation des marges de tenue mécanique de certaines structures en situation accidentelle. Des justifications complémentaires ont été demandées à l'exploitant. Sous réserve de limiter provisoirement la puissance de fonctionnement à 500 MW thermiques, soit environ 80% de la la puissance nominale, le chef du SCSINa autorisé le redémarrage du réacteur.
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Au cours du redémarrage, le vendredi 20 avril 1990, l'exploitant a constaté le colmatage de l'appareil de purification du sodium de l'un des trois circuits secondaires (non actif). Le réacteur a donc été arrêté pour remplacer ce composant. Le redémarrage de l'installation est intervenu le lundi 30 avril 1990. »
Les causes de ces événements ont donc été mal analysées, restent inconnues et les conséquences pour Superphénix sont incertaines.
SUPERPHÉNIX
N'EST PAS TCHERNOBYL?
La catastrophe de Tchernobyl n'est pas transposable telle quelle à Superphénix, et pourtant...
Une explosion nucléaire dans un réacteur neutroniquement instable, à fortiori s'il est à neutrons rapides comme Superphénix, en particulier dans les périodes d'essai ou de marche àpuissance réduite, est possible.
Des scientifiques indépendants du lobby nucléaire estiment en effet que des scénarii d'accident grave (hypothétiques comme ceux qui se sont déjà produits) peuvent se dérouler à Superphénix, à la suite de présence d'impuretés dans le sodium primaire.
Ces scénarii sont ici résumés:
Scénario 1 (semblable à celui qui s'est produit à Phénix pendant l'été 1989 et qui a entraîné son arrêt pendant 3 mois fin
1989):
- bouchage par des impuretés des ouvertures de quelques-uns des 6 assemblages purgeant les micro-bulles de gaz présent dans le sodium;
- formation d'une poche de gaz sous le coeur;
- l'évacuation de cette poche de gaz par les assemblages nucléaires produit un échauffement brutal, l'emballement de la réaction nucléaire (réaction surcritique prompte par coefficient de vide positif, spécificité de Superphénix) et la fusion d'assemblages;
- si une erreur ou une avarie simultanée intervient dans les systèmes de détection ou de commande des barres d'arrêt, une explosion nucléaire peut s'ensuivre par recompaction critique du combustible nucléaire.
Scénario 2:
- Obstruction partielle d'un assemblage nucléaire, suivie rapidement d'un bouchage total, cumulée avec une défaillance des système de détection de l'élévation de température de l'assemblage (cette défaillance peut être liée aux fluctuations fréquentes des température du sodium en sortie d'assemblage en période d'essais).
- 25 secondes après le bouchage: fusion de l'assemblage bouché et début de fusion des faces adjacentes des 6 assemblages qui entourent l'assemblage bouché.
- 4 secondes plus tard, déclenchement de l'arrêt d'urgence par élévation de la température du sodium des 6 assemblages voisins et chute des barres d'arrêt (5 secondes) tandis qu'il y a fusion des 6 assemblages.
A ce moment les incertitudes sont importantes:
- ne peut-il pas y avoir recompaction des matériaux fondus, risque d'accident de criticité avec explosion pouvant rendre impossible la chute des barres d'arrêt et endommager le système de refroidissement de secours? (chaque assemblage contient plus de 15 kilos de plutonium);
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- un retard de quelques secondes dans la chute des barres n’entraînerait-il pas une fusion extrêmement rapide des 12 autres assemblages, dont 6 sont adjacents par deux faces aux 6 premiers assemblages? Des aérosols de sodium peuvent perturber la chute des barres d'arrêt. Il est impossible de modéliser ces scénarii même sur les plus puissants ordinateurs, les extrapolations du CEA sont faites à partir de calculs expérimentaux sur un faible nombre d'assemblages.
SUPERPHÉNIX:
AVARIES EN SÉRIE
Superphénix a subi de nombreuses avaries dont les plus importantes sont:
- En janvier 1986 le bouchage total d'un assemblage de Superphénix a eu lieu, par suite d'un oubli dans l'assemblage d'un bouchon de caoutchouc.
- 10 février 1987, 17 août 1989, 3 juillet 1990: avarie d'un des deux alternateurs électriques.
- Mars 1987: avarie du barillet avec fuite de 20 tonnes de sodium non détectée pendant 3 semaines. Du 28 mai 1987 au 12 janvier 1989: arrêt du réacteur, chantier sur le barillet, nouvelles régles de fonctionnement non prévues.
- Défaillances des détections de fuite de sodium.
- Défaillance des contrôles qualité sur des éléments essentiels pour la sûreté (cuves, détection de fuite de sodium).
- Le 2 octobre 1989 chute d'un engin de 1.300 kg sur le dôme du réacteur.
- 1990: fuite de sodium sur un des 4 circuits principaux d'évacuation de puissance.
- 29 avril 1990, alors que le réacteur était à l'arrêt, fuite de sodium sur un des 4 circuits principaux d'évacuation de puissance imposant la vidange immédiate de tout le sodium du circuit incriminé (400 tonnes).
- Juin 1990: défaillance de l'appareillage de contrôle de la pureté du sodium.
- Juin 1990: fonctionnement avec rupture de l'enceinte primaire de confinement et pollution du sodium.
Dans la liste des 18 accidents hypothétiques (probabilité de 1/10.000 à 1/1.000.000 années de fonctionnement) analysés dans le rapport de sûreté, 2 se sont déjà produits. Dans cette liste figure un grand feu de sodium secondaire dans un bâtiment générateur de vapeur (dans le bâtiment-réacteur, il s'agit d'une des 3 situations hautement hypothétiques), la fusion de 7 assemblages (s'il y en a plus, il s'agit d'une des 3 situations hautement hypothétiques): peut-on poursuivre encore longtemps l'expérience avec l'espoir que ce ne seront pas les prochains accidents qu'il faudra cocher sur cette liste?
Le retour sur quelques-uns de ces incidents ou accidents permet de mettre en évidence les grandes incertitudes concernant la sûreté de cette installation expérimentale.
La formation d'une bulle d'argon dans le réacteur Phénix, à Marcoule durant l'été 1989, met en évidence que cet événement non prévu a été mal détecté, mal analysé pendant plusieurs mois, et ses causes ne sont pas connues.
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Nous n'avons pas connaissance de la description précise du phénomène, des assemblages «purgeurs» en cause, des raisons de leur bouchage, ni de la description des mêmes données concernant Superphénix.
Nous ne savons pas, en particulier, si certaines conditions de fonctionnement de Superphénix sont susceptibles d'entraîner un phénomène semblable et si certains dispositifs de contrôle de réactivité du coeur, de la pureté du sodium, de détection d'échauffement des assemblages, de débits de sodium, de détection de gaz dans le sodium sont capables d'éviter une dégénérescence rapide de l'incident.
L'incident «formation d'une bulle de gaz» dans le sodium du coeur ne nous semble pas avoir été pris en compte de manière spécifique dans le rapport de sûreté de Superphénix, du moins dans l'édition publique de 1985, seul document mis à notre disposition. Le temps de réponse devant être extrêmement rapide au risque de voir cette bulle de gaz entraîner, à proximité des assemblages fissiles et fertiles, une réaction sur-critique prompte, du fait de l'effet de vide positif du réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium (caractéristique semblable à celle des réacteurs graphite-gaz du type Tchernobyl, St - Laurent - des-Eaux, Chinon ou Vandellos), il semble impératif de soumettre ce dossier à une analyse contradictoire et a une révision du rapport de sûreté.
Les causes des anomalies de la cuve principale du barillet de Superphénix, anomalies qui ont abouti à sa fissuration généralisée, ne nous ont jamais été avancées avec certitude. En particulier, nous ne sommes pas assurés que les nuances d'aciers inoxydables choisis pour la cuve principale, la cuve de sécurité du coeur et les circuits essentiels en sodium, ne peuvent être l'objet d'une telle dégradation. A ce titre, l'éventualité de fissurations liées aux réactions sous sodium, sous tension, sous flux neutronique, sous échauffement, de certaines soudures sont-elles totalement exclues pour les aciers inoxydables choisis? A-t-on la certitude que seul l'acier 15 D 3 est mis en cause, à partir, par exemple, de la reproduction sur échantillons des phénomènes? Comme l'indique le syndicat CFDT, n'oublions pas qu'une fuite de sodium s'était produite sur la cuve principale en acier inoxydable de Rapsodie (premier réacteur à neutrons rapides français).
La conception du P.T.C. (Poste de Transfert du Combustible en cours de construction pour remplacer le barillet détruit) dans le puits du barillet a profondément changé entre ce qui était prévu lors du redémarrage du 12 janvier 1990 (sur lequel nous n'avons pas été informé ou consulté dans le cadre de la Commission Locale d'Information), et ce qui est actuellement en construction. Nous ne connaissons pas le nouveau P.T.C. en cours d'installation, ni les règles de sûreté envisagées. Seul un transparent montré 10 secondes en réunion de la Commission Locale d'Information du 14 décembre 1989 nous en a informé. Même si cette modification (reconstruction complète d'une cuve en acier inoxydable) est préférable à celle initialement retenue (réutilisation de la cuve de rétention du barillet en acier 15D3 que nous estimions dangereuse), cette question est essentielle pour la sûreté de l'installation.
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L'étude d'impact de janvier 1989, déposée pour obtenir le décret autorisant la modification de la centrale et son redémarrage, ne décrivait pas cette dernière modification: «la solution proposée prévoit la réutilisation du barillet en gaz neutre avec réutilisation de la cuve de rétention du barillet et de son toit comme enveloppe» (E12, p. 1). La N.E.R.S.A. justifiait ainsi cette option: «Cette solution de poste de transfrrt du combustible ne présente pas, par ailleurs, les aléas liés à une reconstruction délicate dans un puits étroit» (E12, p. 50).
Pourtant c'est précisément cette reconstruction qui est en cours.
La chute d'un engin de levage sur le dôme du réacteur était exclue du rapport de sûreté. Un accident de ce type s'est produit le 2 octobre 1989.
Cet accident mécanique n'a eu aucune conséquence en matière d'environnement. Mais quelles auraient été les conséquences du choc s'il avait eu lieu sur des circuits tels les sommets des pompes de circuit secondaire de sodium?
Aux dires de l'exploitant, il s'agit d'un accident «sans aucune conséquence sur la sûreté de la centrale» (cf. Lyon-Libération du 04/10/89). Cela a été vrai, pour ce qui concerne la sûreté immédiate. Mais le dôme de confinement, conçu en acier 15 D3 comme le barillet, est un élément de sûreté essentiel, en cas d'accident, car il constitue, avec la cuve de sécurité du réacteur, l'enceinte principale de confinement (pour les feux de sodium, les effluents radioactifs). Il constitue surtout l'élément qui doit résister à une énergie mécanique de 800 MégaJoules libérée par l'Accident ADC, selon les termes mêmes du décret d'autorisation. Peut-on considérer que sa fragilisation par ce choc ne met pas en cause cette résistance?
Comme nous l'indiquions dès le redémarrage, la situation de chantier est source de risques, même réacteur à l'arrêt. L'organisation du chantier, l'assurance qualité, le contrôle des sous-traitants, le contrôle des pièces sont mis en cause.
Cet accident révèle une nouvelle fois les erreurs du Rapport de sûreté fourni par l'exploitant:
L'accident du 8 mars 1987 (fuite de sodium de la cuve principale du barillet) était classé «hypothétique», c'est-à-dire avec une probabilité de 10-4 à 10-6 événement/an(3).
- Celui du 2 octobre 1989 était considéré comme ne devant jamais arriver, exclu, comme le confirment ces extraits du Rapport de sûreté: «Les principales options concernant les manutentions spéciales sont:
l'utilisation d'appareils de levage permettant d'exclure le risque de chute de charge.
Pour les manutentions réalisées dans le hall réacteur et le dôme, on exclut le risque de chute d'objet en utilisant des engins de manutention tels que les charges qu'ils transportent ne puissent pas tomber en cas de simple défaillance des systèmes actifs, ou de mauvais fonctionnement.
Les cas de charges retenus pour le dimensionnement des engins permettent enfin de ne pas prendre en compte la chute des charges manutentionnées en cas de séisme majoré»
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Parmi les accidents classés en «Situations hypothétiques» (voir liste ci-jointe), 2 sur les 18 pris en considération se sont donc produits en quelques mois (fuite de sodium, chute sur le dôme), une situation non prise en compte s'est produite (chute d'un engin de 1.300 kg sur le dôme) et une nouvelle situation doit dorénavant etre envisagée (fuites successives de la cuve principale et de la cuve de sécurité du réacteur).
L'accident du 2 octobre 1989 confirme que certains accidents n'ont pas été pris en compte par le Rapport de sûreté et les régles générales d'exploitation. Il confirme que l'exploitant a sous-estimé certaines défaillances et certains risques. Il rend indispensable un contrôle, contradictoire, de l'installation.
L'abandon obligé du caractère surgénérateur de Superphénix: Superphénix n'est plus surgénérateur.
La centrale nucléaire à neutrons rapides de Creys-Malville a été conçue comme surgénératrice. Un tel fonctionnement permet, à partir d'un chargement en uranium et plutonium (il s'agit ici d'une explication simplifiée), de transformer une partie de l'uranium en plutonium et de retrouver, après usage, une proportion plus importante de plutonium qu'initialement. Les isotopes du plutonium «reproduits» par Superphénix offrent de plus «l'intérêt» d'être «de qualité militaire». Du plutonium est produit dans toutes les centrales nucléaires, mais en quantité moindre, de moindre «qualité», et avec une moins grande souplesse de déchargement. Cette centrale et la filière des surgénérateurs a été conçue par le Commissariat à l'Energie Atomique qui est un organisme nucléaire militaire et civil. Elle intéressait les militaires dès son projet, elle les intéressait encore plus comme relève des centrales fortement productrices de plutonium pour les bombes atomiques qui sont arrêtées ou en fin de vie, elle les intéressait aussi pour, grâce à la souplesse supposée du déchargement, faire face à des besoins de plutonium lors du renouvellement des charges nucléaires, de la mise en oeuvre des nouvelles armes nucléaires tactiques et de la bombe à neutrons.
Il se trouve que c'est précisément le barillet, qui permettait la souplesse de déchargement et de stockage du combustible nucléaire, qui est inutilisable. Il se trouve par ailleurs que l'absence de perspective de développement des surgénérateurs repousse la construction d'une usine de retraitement des combustibles de Superphénix. Ainsi, pendant plusieurs années, les assemblages seront stockés dans une piscine appelée APEC, construite sur le site, prévue pour contenir 1.400 éléments, soit plusieurs dizaines de tonnes de plutonium. Il ne sera donc pas possible de décharger rapidement le combustible, et de le retraiter. Son usage militaire est donc sérieusement mis en cause.
Le caractère surgénérateur ne devient «intéressant» que s'il y a un très important parc de surgénérateurs, des usines de retraitement, et des centrales classiques qui fournissent les chargements initiaux.
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(3) Depuis que la GA.D.A. nous a autorisé à consulter certains documents, la gestion de l'accident du 8 mars 1987 apparaît telle que nous le disions: le le avril 1987, le chef de centrale doutait encore de la réalité de la fuite et télégraphiait aux autorités de sûreté le message suivant:
«Télex du 01/04/87: [...]
31 mars 1987: un prélèvement d'azote froid dans l'espace intercuve n'a pas alors montré de trace significative de sodium.
Depuis, des bilans effectués sur les niveaux de sodium du barillet et du réservoir de stockage dis circuit de sodium du barillet et des manoeuvres d'exploitation effectuées le 2 avril montrent qu'environ 20 m3 de sodium pourraient se trouver dans l'espace intercuve. [..]
Nous vous tiendrons informé de la suite des événements, au fur et à mesure de l'obtention des résultats confirmant la réalité à la fuite, son importance, ses origines et les parades envisagées. Signé, le chef de centrale Gérard Labat.»
A partir de l'accident du barillet, du report d'un deuxième surgénérateur européen et de l'abandon de l'usine de retraitement, le caractère surgénérateur de Superphénix n'ayant que des inconvénients, ne pouvait qu'être abandonné. C'est pourquoi l'annonce faite par la NERSA, début 1990, du rechargement prévu en 1994 sans assemblages fertiles, n'est pas une nouvelle, mais une obligation. Il confirme simplement que Superphénix n'est plus Phénix, ni d'ailleurs Super. Et actuellement la centrale arrêtée n'est même plus un générateur tout court.