J'interviens pour la première fois, cette file m'intéresse particulièrement.
Conscient que la déplètion pétrolière est proche et que nous ne pouvons continuer sur un modèle de société où l'énergie ne vaut rien et est gaspillée abondamment, je m'interroge depuis quelques mois sur le futur des villes et des campagnes.
L'année dernière, j'ai écouté et lu attentivement JM Jancovici et Yves Cochet ainsi que vu des reportages dont 1 très intéressant d'Arte sur le pétrole.
Tous concordent dans le sens que si rien n'est fait très sérieusement en matière d'écologie et de restriction énergétique alors elle s'imposera d'elle même avec tout le tragique qui peut s'en suivre.
Bref, je viens de lire votre file et me dis que la situation est encore plus complexe qu'elle en a l'air.
Je vis actuellement en ville (Lyon), suis trentenaire, vis en couple avec enfant, ai un boulot stable.
Je profite pour l'instant de tous les services que peut m'offrir la ville à savoir : transports en commun, accès au soin, à l'éducation.
Je n'ai pas de voiture, pas besoin, tout est à proximité.
Je sais que cette situation ne pourra pas durer éternellement car la ville est très énergivore, une grande partie des travailleurs lyonnais habitent la périphérie (en banlieue) - notamment parce que le foncier est trop cher ou parce qu'ils rêvent du modèle de la maison individuelle - et s'engouffrent dans des bouchons interminables le matin et le soir, que les lumières sont allumées la nuit en permanence, qu'il y a peu de commerces pour l'alimentaire, et que bien que cette ville soit formidable, elle est essentiellement tournée vers le tertiaire. Si le baril atteint 500$, est-ce que les infirmiers habitant à 30 bornes de Lyon pourront toujours venir ? est-ce que l'instituteur pourra toujours se déplacer ?
Rien que dans mon travail, la majorité des collègues sont tributaires de leurs voitures pour venir. Si tous ces services ne peuvent plus être assurés alors la ville deviendra un cauchemar, un "no-mans land".
Dans un premier temps et quelque soit le scénario, les banlieusards souffriront en premier, verront leur frais de transports exploser, ajouté aux multiples crédits qu'ils ont contractés pour vivre le rêve de la maison individuelle, ils seront en surendettement, certains perdront leur travail ... l'enfer !! A contrario, les centres villes tiendront plus longtemps et ne seront pas immédiatement impactés mais si la crise s'aggrave, qu'elles ne sont plus ravitaillées, elles seront soumises aux émeuttes, pillages et incendies, les 'sauvageons' jusque là 'contenus' se déchaineront à coeur joie.
L'exil à la campagne semble être la voie de prédilection ! à condition de s'assurer l'auto-suffisance (alimentaire).
Toutefois rien ne garantie la facilité, il faut s'y préparer, on ne peut pas s'improviser agriculteur, il faudra prendre conscience que si une rage de dent nous explose la mâchoire, il ne faudra plus compter sur le dentiste de ville, que le bois n'arrivera pas tout seul dans la cheminée, que les graines ne pourront plus être achetées à 'Jardineland', qu'il n'y aura peut-être plus en permanence de l'électricité ou de l'eau (si le chaos perdure), qu'il faudra également avoir de bon rapport avec ces voisins, car l'autarcie pure ne peut exister dans une société d'hommes.
Après ce constat, on peut se dire : oui partir à la campagne c'est génial, mais voilà, tout est une question de transition.
Combien de temps va durer cette transition qui va nous pousser vers une société relocalisée, davantage rurale, etc.
Quelle va être la gravité de la crise ?
Il est très difficile de le prévoir.
Partir à la campagne pour un citadin, pour ceux qui n'y travaille pas déjà est un sacrifice, un réel projet sur l'avenir, un pari sur un risque réel mais encore flou. Aujourd'hui, l'individualisme, la bulle spéculative immobilière, a fait que la moindre fermette vaut une fortune et que si on est pas un couple de cadres avec de forts revenus alors on ne peut prétendre s'installer à moins de 95km d'un centre ville important or le hic est que maintenant la majorité des emplois sont en ville et d'autant plus que la ville est importante, les campagnes profondes sont malheureusement peuplées de retraités, sans médecins, sans écoles, sans crèches, sans entreprises, sans structure pour accueillir de jeunes couples ou quadragénaires.
Si nous admettons, qu'un couple - comme le mien - s'endette pour partir à la campagne, sans aller trop loin pour que cela reste supportable en terme de transports (1h max aller). Il ne pourra abandonner son travail, car il aura un crédit à rembourser, il faudra de plus qu'il emmène ses enfants dans les écoles du coin et devra faire des km pour se soigner.
S'occuper du potager, de chèvres, de moutons, c'est formidable mais c'est un métier à temps plein.
Si la transition (déplètion pétrolière) s'étale lentement pendant 15 ans avant de dégénérer, il faudra assumer une vie plus contraignante en terme d'éloignement des services, on sera dépendant davantage de la voiture que si l'on était resté en ville, et nos enfants seront plus loin des structures éducatives, en revanche si tout s'écroule après ces 15 ans alors le pari aura été gagné.
C'est un réel dilemme.
J'avoue que je ne sais plus trop quoi penser.
Jancovici ne donne pas de réponse non plus. Mettre les villes à la campagne est pour moi une utopie car nos politiques, les économistes sont aveugles et j'ai bien peur que l'on subisse la fin de la société telle qu'on la connaît aujourd'hui en restant la bouche ouverte.
Je crois que notre futur s'apparentera davantage à la fin du livre 'Ravage' de Barjavel mais en attendant rien ne s'est effondré, le système bancaire est toujours là, les factures aussi, il faut continuer à vivre, nous sommes dépendants de nos emplois, de nos coutumes, et cela peut durer 20 ans.
Je suis inscrit dans une AMAP et compte lire prochainement le livre de John Seymour (Revivre à la Campagne), je vais essayer de préparer ce projet mais comme je vous le dis, je le ressens comme un sacrifice bien que j'ai toujours préféré l'air pur de la campagne, c'est un pari pour l'avenir sur lequel on mise tout.
