Mise a jour des scenarios Fin du petrole

Comment anticiper au mieux le choc à venir (organisation de la société, questions politiques, conseils financiers, etc).

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Mise a jour des scenarios Fin du petrole

Message par Inside » 12 janv. 2006, 14:52

Salut a tous

Depuis un trimestre, katrina, rita et l'iran ont mis en lumiere la dependance de nos economies au petrole.
L'europe entame un processus clair de desengaement face au petrole. Air liquide et les constructeurs auto se lancent dans la r&d sur l'hydrogene. L'energie eolienne bat son plein en France.

Que pensez-vous des scenarios sur la fin du petrole ?
Depuis qu'oleocene existe, beaucoup de choses ont changé dans la sphere mediatique...
Pensez-vous que l'avenir est jouable ?
personnellement, je pense que l'ere 2010 sera difficile et forte de tensions internationales... mais, je pense que les remises en cause energetiques vont dans le bon sens. Et que l'avenir, meme s'il n'est pas forcément rose, n'est peut-etre pas aussi apocalyptique que l'on aurait pu le penser.

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Message par Tiennel » 12 janv. 2006, 16:28

2005 restera sans doute dans les annales comme l'année où le Monde s'est aperçu que le pétrole était devenu cher. J'ai découvert oléocène il y a un an exactement, alors que je cherchais à un écho à un constat personnel de l'enchérissement brutal et apparemment irréversible du prix du baril.
C'est en mai-juin que les médias ont commencé à construire des dossier sur le pétrole, à parler de l'ASPO, du pétrole à $100... Puis Katrina/Rita cet été et le litige Russie/Ukraine cet hiver a fini par convaincre l'opinion que :
  • gaz et pétrole seraient de plus en plus chers
  • il y aurait de plus en plus de situations de pénurie (soit à cause du Pic, soit à cause du décalage offre-demande, soit à cause du prix lui-même qui exclut les plus pauvres du marché)
  • les coalitions internationales se distendaient et le "chacun pour soi" prenait de plus en plus le pas dans les politiques extérieures des nations
  • il n'y a pas de solution miracle à court terme
L'année dernière, j'avais construit un jeu de trois scénarios pour les années 2010 :
  • poursuite de la croissance et de la mondialisation.
  • choc du Pic : dollar effondré, économies occidentales mourantes, guerres chaudes partout où se trouvent les derniers gisements - bref une décroissance dans la douleur
  • croissance ralentie mais conversion réussie aux énergies alternatives... dont charbon et nucléaire
Cette année, je me tâte pour remplacer le scénario "choc du Pic" par le troisième scénario qui reste préoccupant du point de vue environnemental, et reconstruire un nouveau scénario de décroissance un peu plus raisonnée, par sobriété. Mon premier scénario devient le scénario catastrophe car il se résume en un seul mot : "court-termiste"
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Message par Inside » 12 janv. 2006, 16:55

Tiennel a écrit : [*]poursuite de la croissance et de la mondialisation.
c'est la politique des etats unis, de l'astralie, de la chine et de l'inde malheureusement
cependant le secteur privé, avec bp ou gp dans le petrole et l'auto, font de la recherche dans les energies alternatives
on arrive a un constat etonnant ou les entreprises privées seraient presque (j'ai bient presque) plus raisonnables que certains etats nations.

Que vont faire la chine et l'inde ? c'est un peu le probleme principal.
Tiennel a écrit : [*]choc du Pic : dollar effondré, économies occidentales mourantes, guerres chaudes partout où se trouvent les derniers gisements - bref une décroissance dans la douleur
J'y crois de moins en moins
le pic sera par plateau descendant, avec des petits coups de semonce conjoncturels (par exemple des que les tensions vont etre au proxysme avec l'irann, les prix des matieres premieres vont se tendre)
mais on voit qu'en 1 un an a peine, toutes les economies mondiales ont fait le meme diagnostic : il faut se desengager du petrole
Tiennel a écrit : [*]croissance ralentie mais conversion réussie aux énergies alternatives... dont charbon et nucléaire[/list]
apparemment l'ue a fait ce choix
choix le plus raisonnable a priori...
la chine s'equipe actuellement en reacteurs nucleaires
la finlande egalement me semble t il
le probleme reside bien entendu dans les dechets et la proliferation nucleaire... qui sera sans doute le deuxieme enjeu du XXI e siecle

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Message par Tiennel » 17 janv. 2006, 09:48

Une intervention de M. Bauquis (membre d'ASPO-France) de septembre dernier dans un séminaire de la Fondation Gabriel Péri (émanation du PCF, reconnue d'utilité publique).
Scénarios pour demain, Pierre-René Bauquis, professeur chargé de mission à l’Institut français du pétrole (IFP)
Je remercie d’abord la Fondation Gabriel Péri de cette invitation et en particulier M. le Président Robert Hue : cela me fait grand plaisir d’être ici ce soir. Je suis d’origine un pétrolier : j’ai fait trente-cinq ans de pétrole dont trente chez Total, mais, étant maintenant en retraite, je peux tenter de prendre du recul et de parler de la politique énergétique française. En quelques mots : que ferais-je si j’en étais chargé ? Vous constatez à quel point mon propos manque de modestie.

Quels sont les grands axes d’une politique énergétique ? Cela n’a rien d’original, car les contraintes clés, tout le monde les connaît : ce sont la raréfaction du pétrole puis celle du gaz et les émissions de gaz à effet de serre et leurs conséquences climatiques.Voilà les deux problèmes qu’il va nous falloir gérer dans les décennies à venir : nous devrons vivre avec ces deux contraintes tout au long de ce siècle.

Tout d’abord la raréfaction des hydrocarbures - ce qu’on appelle le problème du pic du pétrole et, plus tard, le pic du gaz, probablement décalé d’une vingtaine d’années. Il y a beaucoup d’articles à ce sujet dans la presse et vous avez dû en lire un certain nombre. Je préfère réserver ce sujet très spécifique pour la discussion générale, mais retenez simplement, à titre d’illustration, qu’un pic c’est à la fois une date ou un échéancier de dates, un niveau de production et un niveau implicite de prix. Il y a donc trois paramètres pour définir sérieusement un pic et si on se contente d’une date on ne couvre qu’une partie du sujet.

Pourquoi connaîtrons-nous des pics de production mondiale de pétrole puis de gaz ? C’est tout simplement parce que depuis 1980 en ce qui concerne le pétrole, nous consommons au plan mondial plus que nous ne trouvons, et cela ne peut pas durer éternellement. Le problème est beaucoup plus récent pour le gaz puisque le même phénomène se produit depuis l’an 2000. Il y a donc vingt ans d’écart entre les deux événements.

Deuxième contrainte clé : le changement climatique. Il n’y a pas besoin d’y revenir, vous avez tous les jours dans votre journal des articles à ce sujet.

Quels sont maintenant les domaines d’action sur lesquels le politique peut agir ? Il y en a fondamentalement trois et ils ont déjà été largement évoqués par Robert Hue et par Pierre Gadonneix : les économies d’énergie, les énergies renouvelables et le nucléaire. Nous les passerons rapidement en revue puis nous essaierons de conclure sur les actions qu’il conviendrait de privilégier dans chacun des trois domaines clés. Enfin, et un peu paradoxalement pour un pétrolier, j’essaierai de montrer que face aux actions nécessaires, nous aurons besoin d’une forte réintervention de l’État dans le domaine de l’énergie.

Les économies d’énergie
Commençons par la priorité n° 1 : le domaine des économies d’énergie, qu’on appelle désormais les Mégawatts (négawatts I presume). Tout le monde s’accorde pour dire que c’est la priorité des priorités tant qu’on se limite au principe. Dès qu’il s’agit de rentrer un petit peu dans le détail de la mise en oeuvre, là, évidemment, les opinions divergent et divergent rapidement. Par exemple, nous avons vu tout à l’heure qu’il faudrait rouler moins et avec des voitures plus petites, et tout le monde est d’accord sur ce point. Mais il y a aussi les aspects sociaux et il faudrait peut-être baisser la TIPP. Cependant, on peut tout aussi bien prétendre l’inverse et soutenir qu’il faudrait augmenter la TIPP pour inciter les gens à rouler moins ou à rouler dans des voitures plus petites. Nous voyons déjà s’ouvrir avec les Mégawatts le champ des divergences politiques en fonction de la philosophie de chacun.

À mon avis, en ce qui concerne les économies d’énergie, il suffit de regarder le bilan des consommations énergétiques finales françaises pour conclure que la priorité n° 1, c’est le logement et le tertiaire. Ce n’est pas un point de vue original et la plupart des spécialistes pensent cela. Nous avons besoin dans ce domaine de réglementations plus contraignantes : nous accusons un fort retard par exemple par rapport aux Allemands sur l’isolation des logements ou sur les doubles vitrages. L’immobilier ancien représente une grande difficulté de mise en oeuvre, c’est un parc qui « tourne » très lentement. Le logement « tourne » sur une base pratiquement centenaire. Mais cela ne justifie pas notre retard par rapport à nos voisins de l’Est et du Nord. Enfin, il y a le neuf et là je crois qu’il faudrait, tant pour le logement que pour les immeubles de bureaux, décider que nous passerons rapidement au tout électrique pour toutes les constructions neuves. Ce point de vue sera justifié par la suite de mon propos, quant au besoin d’accélérer l’électrification des consommations énergétiques françaises. Je pense que M. Gadonneix, lui, est très heureux d’entendre ça, mais le gazier qu’il était il y a encore peu de temps, beaucoup moins, car nous avons des engagements d’achat de gaz et qu’il peut y avoir, effectivement, collision entre nos engagements commerciaux et cette politique d’électrification accélérée. Je crois cependant que nous devrions y parvenir et qu’une telle politique est réaliste.

Priorité n° 2 : le transport automobile. Seulement n° 2 parce que le potentiel de ce qu’il y a à économiser est moins fort que dans le logement. La question est toujours la même : qu’est-ce que c’est qu’une politique d’économie d’énergie dans l’automobile ? Il s’agit de favoriser les véhicules sobres par tous les moyens fiscaux et réglementaires dont la puissance publique dispose et d’harmoniser les fiscalités sur les carburants. J’entends par là que ce n’est plus à l’État de se mêler de la compétition essence/diesel, le diesel a eu un succès tel qu’il n’a plus besoin d’une aide à ce niveau-là. Je ne parle pas des professions spécifiques qui peuvent avoir besoin d’une aide en tant que professions spécifiques (pêcheurs, agriculteurs, etc.), je parle du carburant au plan global. À mon sens, les routiers ou les taxis ne devraient pas bénéficier d’aides spécifiques mais pouvoir librement répercuter les hausses de prix des carburants auprès de leurs clients - sauf distorsions de concurrence pouvant justifier des interventions spécifiques.

On peut penser, si ces effets de fiscalité sur les carburants ne sont pas suffisants, à la réintroduction de vignettes qui pourraient être pondérées de différentes façons. Je pense, par exemple, que l’occupation de la surface au sol pourrait être une base de taxation car la surface du sol « occupée », c’est un domaine public. Cela encouragerait la multiplication des petites voitures urbaines. Mais l’on pourrait trouver d’autres systèmes d’incitation fiscale plus efficaces que les systèmes actuels.

Enfin, priorité n° 3 : accélérer l’électrification des consommations énergétiques françaises dans tous les domaines, y compris l’automobile. Nous y reviendrons.

Les énergies renouvelables Nous sommes tous d’accord pour dire que si nous pouvons produire de telles énergies, il faut en produire le maximum compatible avec nos moyens financiers. C’est une priorité politique mais, comme cela a été déjà rappelé, le potentiel en quantité d’emplois est limité. On pourra rentrer dans la discussion sur les limitations propres à chacune de ces sources d’énergie - l’éolien, le solaire, et les autres énergies « diffuses ». Il faut considérer que les énergies discontinues que sont l’éolien et le solaire sont mal adaptées à la production d’électricité. En fait, dès qu’elles dépassent quelques pour cent du bilan énergétique national, il leur faut un back-up, c’est-à-dire une source qui vienne les remplacer quand elles font défaut. Le solaire, par exemple, a la mauvaise habitude d’être en défaut la nuit, et dès le soir en hiver, au moment où l’on a vraiment besoin d’électricité. Quant à l’éolien, il a le mauvais goût de s’arrêter de fonctionner dans les périodes soit de très grande chaleur (la canicule d’il y a deux ans), soit de très grand froid, quand l’anticyclone sibérien vient sur l’ouest de l’Europe. Ainsi, si les unités de secours (le backup) sont nucléaires, c’est une politique de gribouille, puisque le nucléaire a des coûts fixes élevés et des coûts variables très faibles. Utiliser en back-up du nucléaire n’a évidemment aucun sens au plan économique. Je crois que, du fait de ces caractéristiques très simples, le solaire photovoltaïque et l’éolien ne peuvent avoir qu’un rôle très modeste. Il faut donc concentrer l’effort en France sur les bioénergies et surtout les biocarburants. Il ne faut pas oublier, en matière d’énergies renouvelables, que la valeur économique des carburants par unité d’énergie, c’est entre deux et trois fois la valeur économique de la calorie à usage fixe (usages industriels ou usages tertiaires). Si on n’oublie pas ce point clé, on comprend mieux l’intérêt d’une politique de biocarburants : les calories n’ont pas toutes la même valeur ! Une calorie de mobilité vaut beaucoup plus cher qu’une calorie stationnaire, et d’ailleurs l’intérêt d’une politique de biocarburants est assez bien compris désormais au plan national. En revanche, le fait qu’il faut favoriser beaucoup plus les biodiesels que les bioessences n’a pas l’air d’être très bien assimilé. Les raisons de cette distinction sont de deux natures : premièrement, on a, en France, une production excédentaire d’essence et déficitaire de diesel, et ce déséquilibre va aller croissant. En conséquence, on exporte des essences en « subventionnant » l’exportation quelque part, même si ce n’est pas une subvention directe, et d’autre part on importe du diesel. On produit en France, aujourd’hui, et plus encore dans le monde, plus de bioessences que de biodiesels. Dans le nouveau programme français de biocarburants, j’ai l’impression qu’on continue sur cette trajectoire erronée. Deuxième raison pour laquelle cette trajectoire est erronée : les rendements nets en énergie de mobilité, c’est-à-dire en carburant, à l’hectare. Quand on fait les bilans nets pour l’éthanol, ils sont très médiocres. Il y a des discussions à n’en plus finir à ce sujet, mais, au total, les rendements nets de carburant à l’hectare sont nettement meilleurs sur le biodiesel, c’est-à-dire les biocarburants produits à partir des huiles de tournesol ou de colza, même si les rendements bruts à l’hectare sont meilleurs pour le blé et la betterave. Dernière chose sur ces politiques, qui intéressent beaucoup le public : je crois qu’il faut arrêter de faire rêver les Français avec des contrevérités flagrantes. J’en citerai deux ou trois exemples : l’hydrogène, source d’énergie bon marché et non polluante, constitue une plaisanterie de mauvais goût et, nous pourrions y revenir dans la discussion, ce n’est pas une source d’énergie mais un vecteur d’énergie. Il faut le fabriquer à partir d’une autre énergie et c’est là que se situe la pollution. Ce n’est pas l’usage de l’hydrogène qui est polluant mais sa fabrication, qui émet beaucoup de CO2 et n’a rien de « bon marché ». Deuxième exemple : l’idée que nous pourrions tous un jour rouler au bioéthanol. Même si l’on prenait toutes les surfaces agricoles françaises pour les convertir en cultures d’éthanol, il n’y en aurait pas assez, sans oublier qu’il faut conserver des terres pour nous nourrir. Enfin, dernier exemple : écrire ou dire qu’ITER et ses enfants régleront nos problèmes énergétiques d’ici 2050 est une contrevérité. ITER est une étape nécessaire pour préparer le siècle prochain. Mais il est très improbable qu’au cours de ce siècle on puisse utiliser à grande échelle la fusion thermonucléaire comme source d’énergie. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire ITER. Il faut le faire, mais ce n’est pas un problème d’énergie, c’est un problème de recherche.

L’énergie nucléaire
Le nucléaire est, je crois, la seule avenue qui nous soit ouverte largement pour assurer le relais progressif des énergies fossiles et préparer le futur, que cela nous fasse plaisir ou pas. Si l’on veut un plan à long terme qui soit une vraie politique énergétique, il sera nécessaire d’accélérer « l’électrification » de nos consommations énergétiques. Dans le domestique et le tertiaire, j’en ai déjà parlé, dans l’habitat neuf comme dans l’ancien. En ce qui concerne les transports, vous trouverez un article que j’avais publié il y a deux ans qui explique en une vingtaine de pages la nécessité de passer le plus vite possible à des véhicules qui soient des hybrides mais des hybrides rechargeables sur le réseau. Aujourd’hui,nous sommes dans une période de transition avec des hybrides « monoénergie » pétrole, grâce à Toyota qui le premier a produit à l’échelle industrielle de tels véhicules (la « Prius » lancée en 1997). L’électricité est générée à bord et sert dans le véhicule à optimiser le système, permettant de consommer 20 % de moins d’essence ou de diesel. Or, on conçoit bien qu’avec 50 à 100 kg de batteries, selon les modèles de voiture, on pourrait assurer 40 à 50 km d’autonomie « électrique » à de tels véhicules hybrides mais rechargeables en électricité. La solution des véhicules électriques rechargeables change profondément le bilan des consommations énergétiques des transports automobiles, parce que beaucoup de trajets sont des trajets urbains, des trajets de banlieue. Cette solution permet de contourner l’inconvénient majeur du « tout électrique », c’est-à-dire le manque d’autonomie qui empêche, aujourd’hui, la commercialisation de ce type de véhicules. On a essayé maintes fois cette solution en France, en Californie, mais cela a, chaque fois, conduit à des échecs. L’hybride rechargeable, dès la fin de cette décennie, devrait être la solution et là, pour le nucléaire, c’est évidemment une solution très intéressante puisque l’on rechargerait les véhicules essentiellement la nuit. On « lisserait » ainsi la courbe de demande d’électricité et on pourrait avoir un parc nucléaire nettement plus important, sans le faire travailler en demi-base. Je crois que non seulement il serait bon d’avoir une politique de consommation intérieure d’électricité accrue, pour lutter à la fois contre la dépendance extérieure et contre le changement climatique, mais il faudrait également continuer à développer une politique à long terme d’exportation alors que, tel que je lis les documents publiés, la politique actuelle vise à la réduction du potentiel d’exportation d’électricité à partir de la France. Je dis « tel que je lis les documents disponibles », car la question est loin d’être simple.

Je crois que pour satisfaire les deux objectifs, d’accroissement de la consommation nationale et des exportations d’électricité, il faudrait dès maintenant lancer la construction d’un EPR par an, puis de deux et enfin de trois par an. À cela, j’ajouterai qu’il me paraîtrait bon d’accélérer la recherche et développement (R & D) « génération 4 » et la R & D « fin de cycle ». Enfin,il y a deux mesures symboliques qui, à mon avis, mériteraient d’être évaluées : il peut paraître un peu étrange de reparler de Superphénix, mais je pense qu’un moratoire de quelques années sur sa destruction aurait encore un sens. On devrait pouvoir récupérer la moitié de la valeur de cette centrale, ce qui serait plus logique que de réinventer un clone de Super-phénix sous l’étiquette génération 4 d’ici quinze ou vingt ans. Enfin, une seconde mesure symbolique mériterait d’être considérée : revenir sur le choix de la propulsion du deuxième porte-avions, afin que cette propulsion soit nucléaire comme celle du Charles-de-Gaulle. Cela peut paraître anecdotique, mais un tel choix marquerait les esprits. Je pense que l’explication du choix de la propulsion diesel par souci d’économie et d’homogénéité avec les deux futurs porte-avions britanniques n’est pas convaincante.


Scénario "abandon total du nucléaire civil"
Maintenant, revenons au vif de notre sujet, regardons un peu le parc nucléaire français et ses évolutions possibles. Vous avez un premier scénario qui est celui des Verts et du mouvement « Sortons du nucléaire ». La puissance actuelle nucléaire réelle est de 65 gigawatts ; le scénario dont je parle - j’ai supposé une loi de « sortie du nucléaire » de type allemand - créerait un tel trou que cette politique paraît totalement irréaliste.

Voyons maintenant le scénario « n° 1 » qui représente la politique officielle telle qu’on peut la sortir des documents de la DGEMP et d’EDF. On y voit apparaître le démonstrateur EPR de Flamainville, ou la tranche 3 de Flamainville de 1 600 mégawatts en 2012. Après ce programme, il y a quatre ou cinq années d’interruption et on reprend.

Scénario de base
Le problème de cette politique, c’est qu’elle crée un trou majeur de capacité nucléaire - on tombe de 65 à 50 mégawatts en 2030 - si, comme le suppose, la DGEMP, les tranches actuellement en production ont quarante ans de durée de vie. Si l’on suppose qu’on va aller au-delà de quarante ans, on peut rêver, mais le principe de précaution devrait mettre en garde contre une telle option. Ce point essentiel mériterait de faire partie du débat.

À présent, voici une troisième possibilité, ou scénario « n° 2 », qui me paraîtrait raisonnable et que j’ai annoncée : une version dans laquelle on commanderait un EPR par an dès maintenant et ceci sur les cinq ans à venir, puis deux par an, puis trois par an.

Scénario suggéré
Dans ce schéma, on passerait de 65 gigawatts aujourd’hui à 80 gigawatts nucléaires en 2030, ce qui me semble une croissance des plus raisonnables et qui permettrait de faire face à la politique de l’électrification accélérée des consommations énergétiques françaises tout en maintenant une politique d’exportation croissante et non pas décroissante. Bien évidemment, je ne suis pas à l’intérieur du système électrique français et je ne peux le voir qu’en tant qu’observateur extérieur : ce scénario n’est donc qu’un document pouvant servir de base à des échanges intellectuels. Cela n’a pas la prétention de donner des leçons à EDF qui connaît parfaitement son métier. Nous pouvons regarder les conséquences de ces trois scénarios sur le parc français : la courbe du haut représente la courbe EDF, quand même ; en revanche, la puissance nucléaire installée, en bleu clair, représente celle des gens sortant du nucléaire, et enfin hydraulique et éolien tels qu’ils sont prévus, source EDF. Deuxièmement, le programme tel qu’envisagé actuellement, que je vous ai montré plus haut : la courbe rouge qui correspond au programme officiel EDF/DGEMP.Vous voyez une très forte croissance du thermique à partir de 2015, qui ne me paraît pas satisfaisante dans l’état prévisible des approvisionnements de pétrole et de gaz.

Enfin, dans le programme que j’ai mis sur la table pour réflexion, il y a encore beaucoup de thermique, à mon avis trop, et il faut espérer que nous pourrons prolonger la vie de certaines centrales au-delà de quarante ans. Je serais tenté, personnellement, d’aller encore plus loin avec le nucléaire, mais je ne l’ai pas fait pas, parce que annoncer un EPR par an dès aujourd’hui paraît déjà politiquement « en dehors de l’épure », même si c’est totalement dans l’épure pour obtenir un parc équilibré, avec tout ce qu’il faut pour constituer la base et la demie-base et assurer à la France un rôle clé dans l’approvisionnement en électricité de l’Union européenne.

Quelle conclusion ?
Eh bien, paradoxalement pour le pétrolier littoral que je suis, je pense que nous avons besoin d’une forte réintervention de l’État si l’on veut avoir une véritable politique énergétique, car celle-ci sera d’abord une politique nucléaire. Si on veut se contenter d’un système optimisé à court terme, ce « retour à l’État » n’est pas nécessaire et le marché peut s’en occuper. En revanche, je crois qu’avec les deux phénomènes majeurs que sont le changement climatique et la raréfaction des ressources fossiles, une vision à court terme n’est pas adéquate. Les États, en France et ailleurs, devront à nouveau intervenir fortement dans le domaine de l’énergie. Il faudra combiner plusieurs modes d’intervention. Les interventions de type classique (fiscalité, incitations, réglementations, accords internationaux, permis d’émission, Kyoto), et des interventions relevant de la politique industrielle proprement dite. Nous avons le sentiment, quand on vit en France, qu’aujourd’hui ce concept est démodé. Je crois que l’énergie est un des secteurs, et il n’y en a pas beaucoup, où il se justifie. Nous avons besoin de former plus d’ingénieurs spécialisés dans l’énergie, nous avons besoin d’accroître les moyens de R & D publics liés à l’énergie. En clair l’IFP (Institut français du pétrole) et le CEA ont besoin d’être plus soutenus qu’ils ne le sont en ce moment. Nous avons besoin, enfin, de conserver un contrôle public d’EDF et d’AREVA qui sont les outils clés du type de relance volontariste du nucléaire dont j’ai parlé plus tôt. Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas privatiser EDF et AREVA « à la marge » pour qu’ils fonctionnent de façon plus efficace.Au contraire,je crois que c’est une bonne idée. Mais tout est une question de degré : comment bénéficier d’un surcroît d’efficacité tout en les conservant comme outils publics de la politique que je viens d’évoquer, tel est l’enjeu majeur.
source : http://www.gabrielperi.fr/article.php3? ... he=bauquis

En synthèse lapidaire, mettre la priorité aux économies d'énergie dans le logement et le tertiaire, biocarburants et nucléaire seront les mamelles de la France de demain... et il faut arrêter de privatiser le secteur de l'énergie
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GillesH38
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Message par GillesH38 » 17 janv. 2006, 10:59

C'est assez clair. Ce qu'il manque dans l'analyse, ce sont les conséquences pratiques de l'impossibilité de remplacer à coût égal les carburants pour les transports par les biocarburants (on est d'accord que l'hydrogène est une plaisanterie). Les hybrides ne font baisser la consommation que de 20 %, et les conséquences économiques du surcout ne sont pas à négliger : si vous payez votre voiture plus chère, vous consommez moins ailleurs!

La question fondamentale est donc : est-il réaliste de tabler sur une économie continuant une croissance (au moins modérée) en faisant juste les substitutions proposées?
et sinon, quelles sont les conséquences de la décroissance ?
A mon avis, la réponse à la première question est non, et à la deuxième, c'est qu'on aura une chute globale de la consommation de produits industriels et de services comme le tourisme. Tout cela DIMINUERA le besoin énergétique, ce qui ne favorisera pas du tout l'augmentation du parc nucléaire ! il ne sert strictement a rien de construire des centrales en surcapacité, sans compter les résistances politiques de la population.

Mon scénario, c'est donc plutot une suite de crises financières et de remontées post crises, mais avec une dérive lente vers la décroissance : on ne remontera jamais aussi haut qu'on était avant la crise précédente. C'est ce qu'il se passe en Russie actuellement.

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Message par thorgal » 17 janv. 2006, 11:27

j'ai tendance a penser que le scenario de Gilles est fort probable (alternance crise / sortie de crise mais moyenne decroissante au bout du compte). Ce scenario est bien sur base sur le statu-quo de l'exploration des sources petrolieres (a savoir pas de decouvertes majeures en terme de champs petroliferes) et des technologies de pompages (a savoir pas de decouverte majeure de technologie de pompage a moindre cout des reserves restantes).

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Sylvain
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Message par Sylvain » 17 janv. 2006, 11:40

M. Bauquis (membre d'ASPO-France) a écrit :il faudrait dès maintenant lancer la construction d’un EPR par an, puis de deux et enfin de trois par an.
Pas un mot sur les réserves d'uranium (ou de tout autre combustible nucléaire)
Pas un mot sur le bois comme source d'énergie.

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Glycogène
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Message par Glycogène » 17 janv. 2006, 13:20

M. Bauquis (membre d'ASPO-France) a écrit :en ce qui concerne les économies d’énergie, il suffit de regarder le bilan des consommations énergétiques finales françaises pour conclure que la priorité n° 1, c’est le logement et le tertiaire
(...)
il faudrait, tant pour le logement que pour les immeubles de bureaux, décider que nous passerons rapidement au tout électrique pour toutes les constructions neuves.
(...)
Il faut considérer que les énergies discontinues que sont l’éolien et le solaire sont mal adaptées à la production d’électricité.
(...)
il serait bon d’avoir une politique de consommation intérieure d’électricité accrue
(...)
il faudrait dès maintenant lancer la construction d’un EPR par an, puis de deux et enfin de trois par an.
Ah ouais quand même, ya aussi des taches à l'ASPO !
Et les expériences réussies de logements totalements autonomes pour le chauffage (voir toute l'énergie), ça ne compte pas ? (géothermie et solaire, avec du photoélectrique pour faire tourner les pompes, zéro nucléaire pour le chauffage, c'est déjà ça).
C'est clairement un discours pour changer de source d'énergie sans remettre en cause ses habitudes, et sans volonté de diviser par 3 ou 4 la consommation.
Heureusement, comme le dit GillesH38, que les crises s'en chargeront toutes seules !

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Message par Yves » 17 janv. 2006, 13:58

C'est juste quelqu'un qui essaye de trouver une solution sans sortir du paradigme "croissance".
Il ne fait pas que des réflexions idiotes, loin s'en faut, et même sur le renouvelable. Mais il reste dans la conviction sous jacente que la croissance c'est bon pour nous.
Trop tard, trop peu, trop cher, il n'y aura pas de miracle !!
Notre futur sera d'être la banlieue ouest de la Russie alors que celle-ci aura le regard tourné vers la Chine...

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Message par ktche » 17 janv. 2006, 14:08

Yves a écrit :[...] il reste dans la conviction sous jacente que la croissance c'est bon pour nous.
La croissance, c'est bon. Mangez-en ! :-D

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greenchris
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Message par greenchris » 18 janv. 2006, 16:15

Je rappelle en passant que le chaufage électrique génère autant de CO2 qu'une chaudière gaz.

http://www.ademe.fr/htdocs/actualite/un ... ts/co2.pdf

Mais Bauquis n'a peut-être que faire du réchauffement climatique.

voir ce fil pour le chauffage électrique.
http://www.oleocene.org/phpBB2/viewtopic.php?t=1022
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Message par GillesH38 » 18 janv. 2006, 18:12

Dernière nouvelles de l'AIE
http://www.theoildrum.com/story/2006/1/18/04718/8611
The key point is that although the "initial claim" line stays at the November value of 85mbpd, the "revised" line for November is down to 84.4mbpd, and is not yet back to it's May peak.
Le point-clé est que, bien que l'estimation initiale [de décembre si je comprends bien] reste au niveau de Novembre de 85 Mb/jour, la ligne "revue" [après correction des données] de Novembre baisse jusqu'à 84,4 Mb/jour, et n'est pas encore revenue à sa valeur de pic du mois de Mai.....

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Message par th » 19 janv. 2006, 09:08

greenchris a écrit :Je rappelle en passant que le chaufage électrique génère autant de CO2 qu'une chaudière gaz.
http://www.ademe.fr/htdocs/actualite/un ... ts/co2.pdf
Ce n'est pas ce qui est ecrit, sauf erreur de ma part.
Ils donnent 180 g de CO2 / KWh pour le chaufage electrique en France. Il n'y a pas de comparaison avec le gaz, qui est de mémoire de l'ordre de plus 600 g CO2 / Kwh pour des chaudieres individuelles.

"the greatest shortcoming of the human race is our inability to understand the exponential function"- Bartlett.

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Message par th » 19 janv. 2006, 09:19

GillesH38 a écrit :du tout l'augmentation du parc nucléaire ! il ne sert strictement a rien de construire des centrales en surcapacité, sans compter les résistances politiques de la population.
Sauf pour, comme le dit Bauquis, "accélérer l’électrification de nos consommations énergétiques."

En clair, diminuer la part d'energie fossile, et augmenter la part d'energie non emetrice de CO2.
Cet objectif n'est pas incompatible avec la décroissance energetique.

Celle ci doit aussi s'accompager d'une diminution du CO2 par quantité d'energie produite.

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Message par greenchris » 19 janv. 2006, 10:11

th a écrit :
greenchris a écrit :Je rappelle en passant que le chaufage électrique génère autant de CO2 qu'une chaudière gaz.
http://www.ademe.fr/htdocs/actualite/un ... ts/co2.pdf
Ce n'est pas ce qui est ecrit, sauf erreur de ma part.
Ils donnent 180 g de CO2 / KWh pour le chaufage electrique en France. Il n'y a pas de comparaison avec le gaz, qui est de mémoire de l'ordre de plus 600 g CO2 / Kwh pour des chaudieres individuelles.
On en reparle sur le fil dédié.
Si tu as des liens et des références sur le sujet, car il y en a peu.
J'ai trouvé un lien suisse. 219g/kwh pour le gaz et 392 pour la houille, on est très loin des 600g annoncés. En plus l'étude a l'air de prendre en compte toute la chaine d'epprovisionnement.
http://www.gaz-naturel.ch/412.html
cliquez sur le graphique du milieu.

les 800g de co2 par kwh sont pour la production d'électricité.
http://www.outilssolaires.com/Glossaire ... ssions.htm

encore un lien de physiciens, lire page 3.
http://e2phy.in2p3.fr/2001/lebot.doc
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