Au début, c'est parti sur une intuition : né en 68 sur les barricades, mes parents m'ont expliqué leurs 68 comme étant un refus de cette société de consommation (loin des repentis comme S. July et autres). J'ai eu donc ma première expérience décroissante à 5 ans. Du pur bonheur, même si de l'extérieur, on pouvait penser le contraire. J'ai un souvenir de mon enfance comme étant le paradis perdu, l'innocence de l'enfance.
Aujourd'hui, face à la violence de la société, ses souvenirs n'en sont pas moins présent.
J'ai eu la possibilité en 2001 suite à un héritage immobilier (une ruine) de projeter un rêve qui mûrissait en moi : avoir, au vue des menaces de la société (climat, peak oil, libéralisme débridé, ...), un point de chute.
J'ai consulté mes frères et soeurs en présentant le projet comme étant : la "création d'une maison familiale", en mode copropriété.
Une seule personne m'a suivi, ce qui fait que nous faisons le boulot à 4 : 2 couples.
Nous avons commencé par mettre au point à 4 notre vision du lieu (très important). Parler est essentiel. Si une vision s'écarte des autres, ça pourrit les rapports. Pas besoin d'une stratégie commune cependant.
Nous avons visité les lieux (envahie par des ronciers et du lierre, quand j'y pense, comment ai je pu convaincre !) pour être sûr, parfaitement sûr.
Nous avons fait estimé par des artisans et des personnes de confiance les travaux : très important, même si le budget est lissé dans le temps, cela détermine la capacité de financement des couples, donc de l’ambition du projet.
Suite à l'enveloppe estimé, nous sommes tombé d'accord pour faire les très gros travaux par les artisans (toit par manque de temps et compétence, une ruine, je vous dis !), et décidé de faire le reste, grâce à 3 semaines de vacances par an, voir 4 quand nous avons des ponts bien placé (merci pour les 35 heures, Martine, on t'aime !).
La machine s'est mise en marche (2 filles et 2 garçons), et d'une ruine, nous sommes passé à une maison avec un toit en 2 ans, puis de pièce habitable, gagnant chaque année des m2 habitables. Les voisins (anglais) ont hallucinés, un vrai champignon.
Tout le monde est monté en compétence, y compris les filles (très impressionantes). Maçonnerie, carrelage, plomberie, électricité, débroussaillage, enduit,..., avec quelque spécialisation pour certain.
On s'est même permis des trucs invraisemblables (genre "sol de château" : terre cuite, chêne), et comme nous l’avons fait nous même, cela coûtait moins cher que de le faire faire en carrelage classique.
Parfois, c'est difficile (couple avec enfant), mais l'expérience est inestimable. Si je perds mon boulot, je ne serais pas manchot.
On apprend aussi beaucoup sur soi, sur sa capacité de résistance physique, sa motivation, sa capacité à gérer un projet (budget, délai, livraison, fourniture, matériaux, choix écologique, etc...)
Nous avons fait appel à quelque copains (qui nous regardent comme des fous, en général, ils préfèrent faire du treks de l'autre coté du monde à 4500€ le voyage), mais ils préfèrent revenir une fois fini, sauf les fidèles.
Parfois, les artisans imposent leurs méthodes (ciment par exemple) et c'est difficilement négociable. Mais les matériaux de base sont quand même proche du "naturel" : pierre, bois, lauze, terre cuite. Et comme je maîtrise l'intérieur, l'isolant et le mode de chauffage seront écologiques.
C'est une véritable expérience humaine, que je ne regrette surtout pas.
Lorsque je suis là bas, je ne me reconnais pas : je bosse comme 15, j'ai une motivation décuplé, j'ai parfois envie de bosser la nuit (mais je me soigne

Important : l'air est vif, pur, et la nature envahissante. J'ai l'impression de redécouvrir chaque saison, chaque lumière de la journée, chaque parfum. Je sais que mon paradis est en ses lieux, loin de la violence du libéralisme. Les villes sont une hérésie. Nos racines sont en ses lieux paysans. Lorsque l'on part tôt bosser le matin, les chevreuils nous coupent la route, et nous continuons alors dans un silence religieux.
Conseils et critiques du projet en peu en vrac :
Les Avantages : ne pas être pris pour un dingue (le truc de la maison familiale, cela passe mieux que « point de chute en cas de chaos »), diviser le budget en 2 ou 3 (ou plus), avoir un bien immobilier, pouvoir étaler l'occupation de la maison lorsque les très gros travaux sont finis, voire louer à des amis pour amortir les charges (qui sont pour l'instant ridicule : ruine).
Les Limites : bien s'entendre avec les copropriétaires, temps pris sur les vacances, ses limites physiques, garder du temps pour les enfants...
Les Difficultés : bien estimer le budget, planifier tout (gestion de projet lourd), livrer en temps et en heure, coller les artisans pour tenir les délais, tout tracer (courrier, plan daté, conversation téléphonique), fourniture difficile (manque de choix sur place : on fait le tout des grands magasins de bricolage et on descend le maxi), mettre l'eau et l'électricité (voire le téléphone, mais avec un mobicarte, c'est inutile). Attention, l'installation de l'eau coûte cher (les salauds), alors que EDF m'a fait payé que dalle. Se renseigner à la mairie, la commune peut prendre en charge EDF (enfin, c'était avant la privatisation, faut voir maintenant). Attention, les « locaux » essayent de vous décourager, mais je les soupçonne de lorgner sur les lieux, et au contraire, cela affirme notre motivation.
Les plus : s'équiper : ne pas lésiner sur la qualité du matériel (outil de marque), et l'on veut mener ce projet à bien. Rien n’est plus terrible qu’un outil qui ne marche pas, le temps est compté les déplacements en ville coûteuse. D'autant plus que lorsque l'on voit combien l'achat de qualité pèse sur la facture global, c'est une goutte d'eau. Bien entendu, c'est difficile dans ses contraintes de temps de se passer d'essence : une tronçonneuse est indispensable, une débrousailleuse aussi, le reste étant électrique (venant du barrage pour l'instant). Les artisans n'hésitent pas à nous prêter des grosses bétonnières, car ils sont impressionnés par notre volonté (au début amusé, mais notre sérieux l'emporte dorénavant sur leurs sourires ironiques), ils sont parfois admiratifs. Soigner le voisinage et les relations avec les artisans.
L'espace intérieur n'a pas besoin d'architecte, l'évidence nous vient assez rapidement, mais une bonne réflexion est importante : disposition des chambres, point de chauffage, etc ...
Les Facilités : s'équiper au niveau meuble et électroménager en faisant le tour de la famille, vous seriez étonné du nombre de chose que l'on peut glaner ainsi. En clair, la cuisine tout équipée ne nous à rien coûté (150 € à tout casser, 5% du budget initiale), et encore, on a des trucs en double (en presque neuf). C'est l'avantage de vivre dans une société de surconsommation, tout le monde est suréquipé. Les matériaux modernes sont faciles à utiliser.
Le futur proche : je planifie le chanvre en isolant (parait que ça sens bon par rapport à l'amiante

Le futur à moyen terme : je commence à réfléchir pour récupérer l'eau, et j'aimerais bien générer l'électricité, je commence à cogiter dessus, car j'ai des points froid (source) et chaud (soleil).
Le futur à long terme (dépend du peak) : monter en compétence ses moyens de survie : jardinage, cueillette (champignon, …), pêche, chasse, apprendre à pister, se documenter en livre sur ses sujets, j’ai eu une expérience de paysans (mais faut que je remonte en compétence)…
Conseils sur la situation du corps de ferme : choisir un hameau (si cela part en vrille en France, les petites communautés isolées seront les plus résistantes loin du chaos des villes) avec source, choisir un lieu bien exposé (sud), choisir un lieu pouvant résister en électricité (barrage, venteux...), si possible en microclimat, pas trop en altitude (ça gèle sur les causses), avec un environnement sain (châtaignerais à proximité, rivière à poisson, gibier en abondance), si possible avoir un four (en abondance dans la région) ou en construire (rénover) un. Avoir des caves (en abondance), avoir un puit ou un réservoir d'eau (j'estime le mien à 5000 litres).
En fait, en décrivant ce lieu, je me rend compte que c'est un point de chute presque idéal : exposition, réservoir d'eau, source, lieu, géographie, bois, robustesse des matériaux...
Seul l'Histoire me dira si c'est un lieu idéal.
De plus, et cela peu vous intéresser, les agriculteurs (subventionné par la PAC) sont 5 ou 6 ruines chacun dont il ne savent pas quoi faire à cause de la gestion de terre cultivable (et jachère). En général, ils achètent le terrain et la grange, mais délaisse le corps de ferme.
Seul point noir : l'accès difficile. A75 (gratuite) pas trop trop loin, mais la SNCF s'est désengagé au profit des TGV. Mais en même temps, c'est un avantage : très peu de monde.
Les produits locaux sont hyper riches et fait encore à l'ancienne, comme si le temps s'était arrêté. Parait qu'ils n'ont pas vu les allemands sous l'occupation. Quand j’ai appris que 70 % des juifs vivants en France ont été sauvé en grande partie à la situation géographique de la France et à la résistance de l’armée de l’ombre, si on compare ce chiffre (bien trop bas il est vrai) a celui de la Pologne, cela prouve q'un pays plat sera à bannir.
Et plus loin dans le temps, il ont survécu à la guerre de cent ans grâce aux caves aux anglais (hormis les seigneurs et leurs châteaux rasés). C’est plutôt bon signe.
Enfin, c’est la France et l'Aveyron, haut lieu de résistance à la mondialisation, et c’est mon pays, j’y suis attaché. Je sais, c’est critiquable car il y a le pire comme le meilleur, mais comme pendant les lumières, c’est un lieu qui peut rayonner encore dans l’adversité.
Une chose est sûr, plus ça va, plus je me dis que j’ai en main la clef des champs, qui un jour me servira, ou servira à nos descendants. Et si je me suis planté sur le peak oil (j’en doute), j’ai un gîte sur mesure à louer. En tout cas, je vois aujourd’hui une vraie cohérence à mon projet, même s’il peut paraître absurde aux non initiés à la décroissance énergétique.
Voila. L'aventure continue, j'essayerais de le mettre à jour de temps en temps, et de répondre à vos questions. Si elles sont un peu trop personnelles, j’ai une boite à lettre. Je suis prêt à vous donner mon expérience dans la mesure du possible et de mon temps.