Le nucléaire, une chance pour la France, par Alain Minc
Publié : 21 juil. 2005, 16:08
Article du Monde.fr
Quand je lis ça, j'ai envie de fuir loin de cette future zone radioactive que deviendra la France entière ... Comment peut on troquer l'effet de serre pour la radioctivité ??? Y a t-il sur ce forum des pro nucléaire ?Extraordinaire effet du "politiquement correct", le prix du pétrole s'envole, mais le mot même de nucléaire demeure tabou. Tétanisés par la menace politique "verte", les gouvernements restent en effet muets, et la France, à l'instar des autres grands pays européens, rase les murs.
Sa spécificité nucléaire lui permet certes d'obtenir l'implantation d'ITER. Mais elle lance l'EPR [European Pressurized Reactor, le futur réacteur nucléaire] dans la plus grande discrétion, se garde bien de s'enorgueillir que 78 % de son électricité soit d'origine nucléaire, et ne joue pas la partie qui s'ouvre à aussi grande échelle qu'elle le devrait. Car elle dispose d'une opportunité désormais décisive dans la compétition européenne : devenir le fournisseur d'électricité nucléaire du continent.
L'abandon par nos voisins du nucléaire, il y a de longues années, et donc la perte de compétence technique ; le poids politique des écologistes, beaucoup plus prégnant qu'en France ; l'état d'esprit des opinions publiques, plus rétives que chez nous ; l'incapacité collective à comprendre que le nucléaire est désormais la réponse la plus intelligente au réchauffement climatique : autant de raisons qui exigeront de nombreuses années à l'étranger avant que le nucléaire puisse y accomplir sa résurrection.
Ce qui constituait hier un archaïsme devient un atout. Notre retard pour rejoindre le consensus international "écolo-baba-cool" : une chance. Notre attachement à un opérateur national pataud mais puissant : un avantage. La capacité d'un Etat centralisé à dominer des collectivités locales réticentes : une bénédiction. Le maintien d'un savoir-faire jugé hier obsolète : un miracle.
Quel est l'objectif ? Recréer un parc nucléaire, à l'instar de ce qui fut décidé en 1974. Bénéficier, en France, d'une énergie peu chère susceptible d'attirer des investissements industriels, car, avec un pétrole entre 50 et 60 dollars le baril, la bataille sur le prix de l'énergie compte autant que la concurrence sur les coûts salariaux. Disposer d'un excès de capacité qui fasse de nous une source d'approvisionnement obligée pour nos partenaires.
Manque-t-il de l'argent pour ce projet ? En aucun cas. Le bilan d'EDF demeurera certes lourd, après son introduction en Bourse, mais les techniques modernes permettent de mobiliser des capitaux privés sur un véhicule financier qui vendrait à EDF et aux autres opérateurs son électricité sur une longue période : la finance contemporaine imagine des opérations infiniment plus risquées que celle-ci.
Ne fait donc défaut que la volonté politique, une volonté à l'ancienne, comme celle dont Georges Pompidou avait fait preuve lorsque, président affaibli par la maladie, il avait néanmoins lancé le programme nucléaire sur lequel nous vivons encore.
Que Jacques Chirac médite la leçon de son maître en politique sur l'art et la manière de sauver une fin de mandat... Nous pouvons, si nous le voulons, inventer à nouveau notre pétrole.