J'avoue m'y perdre dans ces considérations. Tout commence avec le mot "pétrole". "Petra" déjà c'est une pierre. En anglais ils disent "l'huile", c'est plus clair (si l'on veut). L'on sait qu'un barril Mer du Nord vaut plus qu'un barril venezuelien, c'est une question de pureté. C'est quoi "du pétrole" ? Quel est le degré de pureté requis pour qu'un liquide, ou autre chose, soit appelé pétrole ? Tout est là.
Quand les premiers barrils ont été pompés par l'historique Drake, on cherchait un liquide capable de brûler, et d'éclairer ce faisant. Les usages se sont multipliés par mille depuis. Et du coup la capacité d'estimer qu'à l'ordre de tel ou tel usage, on puisse manquer.
Le pétrole auquel on pense n'est pas le vrai pétrole, eût dit Lao-Zeu. Un jour de notre industriel 19e une bonne nouvelle est montée : il y aurait de cette huile magique, de cette incroyablement sympathique substance qui chaufferait et travaillerait pour nous, simplement, si loin de cette crasse de charbon. Notre condition humaine était améliorée par le Bar-El (Fils de Dieu). La sainte huile marquait la modernité de son Alliance.
Depuis, lentement et insidueusement, se pose la très athée question d'un essoufflement (j'en rajoute dans les analogies

) de l'Esprit. Combien de temps verrons-nous encore couler l'huile la plus pure sans effort, à la poète ? Arcadie, où te fore-t-on ? De jour en jour, la pression baisse, les impuretés salissent l'huile, l'huile elle-même se cache plus loin. La recherche du pétrole, c'est toutes les histoires de course au trésor que l'humanité a connues réunies.
Le vingtième siècle s'était à peine éveillé à la conscience de son bonheur huileux quand la mauvaise nouvelle est arrivée : il y aurait une fin !
Les philosophes diraient qu'une fin, on a toujours su qu'il y en avait. Les plus logiciens d'entre eux ajouteront qu'à partir du moment où un stock est limité, l'heure de son pic d'exploitation a toujours déjà sonnée. On userait de l'eau de la mer, qu'il faudrait envisager l'après-mer.
Dans le cas du pétrole, le barril classique est bien entendu voué à s'exténuer. Mais cela n'arrivera cependant pas. A la place, c'est le vocabulaire qui va évoluer. Le language dit déjà "source non-conventionnelle" pour désigner les quantités gargantuesques d'huiles diverses prises dans les sables, les shistes, les roches.... au Canada ou ailleurs, les stocks possibles couvriront notre consommation pour des siècles. Mais on en bavera pour l'extraire.
Savoir s'il faut parler de pic est finalement une question religieuse : si votre gourou vous affirme qu'il faut postuler l'existence d'une huile clairette, pure et bonne, facile d'accès, et que toute autre forme est une honte devant la mémoire de James Dean, alors vous êtes un piqueur de première, un vrai, un cryptoapocalypste, Berechit* pour vous, c'est le forain qui dit "go" (car les hommes naissent, et "go!") et lance le train de la montagne russe.
Si vous cotisez plutôt auprès des religions établies, celle qui savent que le labeur est le coeur du Béréchit, vous ne serez point piquiste. A la place vous changerez progressivement votre définition du pétrole/graal, vous vous passionnerez pour les nouvelles têtes foreuses acrobatiques qui descendent profond dans le sous-sol et puis partent dans tous les sens. Le fantôme de Howard Hugues est avec vous. Pas la piquoûse.
La bonne, la vraie, l'Alliancesque huile est déjà morte. Ressuscitera-t-elle ? Quel sera son troisième jour ? Du barril, il en coulera, mais à quel pris ? A 100$ le prix de revient, pourra-t-on le revendre avec bénéfice ? Oui, non ? Tout est là. Le pétrole bon marché permettait d'assurer aux masses tout un confort matériel sans que cela gênât les élites**. Du fond de la mine de charbon était sorti, casqué, le socialisme. Répandre la sainte huile sur cette grouillerie a épargné tant la pompe à phynance que le bâton à physique.
Pic de la sociale ?
* Béréchit : premier mot de la bible. Suit "bara", forme du verbe "li-w/bra", créer. L'allitération est évidente. Le parallèle avec le sens latin "labor" et "liber" m'a toujours fasciné.
** Encore qu'il y a tellement de chichiteux sur cette Terre, qu'on nous dit des trucs comme "le CO2 va nous gâcher l'atmosphère" et autres slogans neo-païens. Pas sûr encore de savoir qui sera le champion !