Il y a encore quelques années, je croyais aussi aux bienfaits de l'agriculture intensive...
Mery Claude a écrit (sur cet exemple précis, on est au coeur du débat):
De plus, de grands espaces nouveaux sont irrigués, je pense par exemple aux landes, un million d'hectare autrefois quasi stériles qui donnent maitenant des rendements parmi les plus élevés. Seul bémol, un changement brutal dans le climat. Sinon, je n'ai pas d'inquiètude sur cette question, les agriculteurs ont de formidables capacité d'adaptation.
L'agriculture intensive n'a pas rendu fertiles des terres autrefois infertiles... Elle les a utilisées comme simple
support de culture, en amenant de façon artificielle les nutriments dont la plante a besoin.
Dont principalement des nitrates, phospore et potassium via les engrais de synthèse "NPK". Mais... plus de pétrole, plus de synthèse industrielle possible pour les nitrates dont la fabrication est très énergitivore.
Et que restera-t-il des "belles" plaines à maïs du sud-ouest? Un désert, car les sols ont perdu
toute leur fertilité naturelle. Le complexe argilo-humique, qui assure la rétention des éléments minéraux assimilables, a disparu par absence d'entretien.
Cela vaut pour l'ensemble des terres arables dans notre beau pays, que les agronomes (les vrais) estiment stérilisées sur environ 40% de la Surface Agricole Utile.
Je vous invite à lire "Le Sol, la Terre et les Champs", de l'agronome Claude Bourguignon. Excellent ouvrage de vulgarisation, accessible à tout lecteur.
Méry Claude a aussi écrit:
Si on compare à ce que nous avions avant la révolution industrielle, on connait bien mieux les besoins des plantes,on sait lutter contre les parasites et les maladies.
Non. Les fabricants de phytosanitaire sont en pleine déroute technique, mais personne ne nous l'a dit... La pression sociétale devient forte sur les questions environnementales. Régulièrement un tour de vis est mis sur les familles de molécules dont la nocivité est prouvée. Malgré l'inertie et la pression des lobbies, la roue tourne. Et les molécules de substitution ne sont pas aussi "efficaces". D'autre part, les "ravageurs" développent de plus en plus rapidement des résistances aux pesticides, les milieux culturaux étant de plus en plus spécialisés les générations de ravageurs résistants se développent à toute vitesse...
De plus, les variétés cultivées étant sélectionnées sur le productivité et surtout pas sur leur rusticité, leur tolérance est quasi-nulle...
Ces remarques valent pour l'ensemble des productions végétales (Grandes Cultures, arboriculture, viticulture, etc...)
J'ai eu la chance de rencontrer l'année dernière un cadre du SRPV (Service Regional de Protection des Végétaux) d'Avignon. Je peux vous assurer que le moral est bas... L'agrochimie est dans une impasse. Pour en rajouter une couche, les changements climatiques rendent certain à très courte échéance l'invasion d'espèces de ravageurs des régions sub-tropicales dont on ne saura pas se débarrasser...
La guerre phytosanitaire est perdue, rendant obligatoire un virage à 180° de notre modèle agricole.
Extrait du Figaro (journal peu suspect d'agitation écologico-contestataire...)
Pesticides : l'Inra annonce des «ruptures» AGRICULTURE Selon les experts de l'Inra, la réduction d'utilisation des produits phytosanitaires passe par l'abandon des systèmes intensifs.
Yves Miserey
[15 décembre 2005]
RENDUE PUBLIQUE aujourd'hui au beau milieu des négociations de l'OMC et en pleine remise en cause de la PAC (politique agricole commune), l'expertise de l'Inra (1) et du Cemagref (2) sur les pesticides et les moyens de réduire leur utilisation marque un tournant. Les experts affirment, en effet, que seule une stratégie de «ruptures» avec cinquante ans de pratiques d'agriculture intensive pourrait permettre de limiter l'usage des produits phytosanitaires en France. «Nous n'avons pas voulu faire de langue de bois», affirme Philippe Lucas, qui a piloté l'expertise. Il est écrit noir sur blanc que le système agriculture intensive-pesticides qui s'est mis en place dans les années 1950, est aujourd'hui «verrouillé». Autrement dit, les résistances vont être très fortes.
La difficulté vient du fait que les systèmes de culture intensifs, parce qu'ils fragilisent les cultures vis-à-vis des ravageurs (insectes, champignons, virus, etc.), renforcent la dépendance vis-à-vis des pesticides, expliquent les experts. La France est le troisième consommateur mondial et le premier européen. Le chiffre d'affaires des produits phytosanitaires pour la seule métropole s'est élevé l'an dernier à 1,771 milliard d'euros. Les commerciaux qui vendent ces produits touchent encore des primes au résultat. De nombreux acteurs de la filière agricole sont à la fois prescripteurs et vendeurs.
La limitation de l'utilisation des herbicides, insecticides et autres fongicides ne répond pas seulement aux aspirations des consommateurs. Elle est aussi imposée par la Commission européenne et devrait bientôt aboutir en France. Un plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides est en discussion depuis quatre ans, mais se fait toujours attendre, freiné par les réticences du ministère de l'Agriculture.
Des données inexploitables
Cette expertise commandée par deux ministères (Agriculture et Ecologie) s'est heurtée d'emblée à une énorme difficulté : les seuls chiffres disponibles sur l'utilisation des pesticides sont nationaux. Produites par l'UIPP (3), qui regroupe 21 firmes, ces données sont inutilisables. Comment préconiser des réductions d'utilisation si on ne sait rien des quantités épandues ? L'UIPP commande chaque année à BVA une enquête statistique sur les pratiques agricoles, couverte par le secret commercial. Ses résultats sont communiqués au ministère de l'Agriculture, qui n'a pas voulu les transmettre aux experts. En examinant les données du Service central des enquêtes et études statistiques (Scees) du ministère de l'Agriculture, ils ont eu la surprise de découvrir qu'elles étaient elles aussi inexploitables.
On est bien loin de ce qui se passe dans certains Etats d'Amérique du Nord ou en Europe où les agriculteurs doivent déclarer les quantités de pesticides qu'ils utilisent et où un permis de traiter a été institué.
(1) Institut national de la recherche agronomique.
(2) Établissement public de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement.
(3) Union des industriels de la protection des plantes.