
En fait, en débattant sur futura, ça m'a fait repenser à certaines choses, et à force d'y penser, j'ai abouti à une conclusion assez surprenante à première vue, mais qui me semble assez inattaquable.
Voila, je vous livre la conclusion, avant d'argumenter comment j'en suis arrivé là :
le seul vrai moteur de la croissance économique ne serait-il pas finalement l'amélioration de la productivité agricole (j'entends productivité par heure de travail, pas par ha) ?
ça peut paraitre surprenant et à contre courant de penser que seule l'agriculture compte , et pas les inventions techniques et scientifiques, mais néanmoins ça me semble une conséquence assez naturelle de la façon dont on mesure la croissance.
Actuellement, on mesure la croissance par le PIB. Je précise que je ne relance pas du tout le débat sur la pertinence de cet indicateur, je me borne à constater que c'est celui employé, et je m'interroge sur ce qui le fait réellement augmenter.
Le PIB est comptabilisé avec les échanges monétaires. C'est à dire qu'en gros on compte tout l'argent échangé pour différentes choses.
Le problème principal est de compter la "valeur" de cet argent, et on sait très bien qu'il y a quelque chose qui fait augmenter la quantité d'argent échangée, sans rien changer à sa valeur, c'est l'inflation. Donc, pour parler de croissance "réelle", il faut soustraire l'inflation, et raisonner en "monnaie constante".
Jusque là, ça parait normal et ça ne pose pas de problème. Mais creusons un peu ce problème de l'inflation....
Comment l'inflation est-elle évaluée? par le prix d'un "panier" de choses, une moyenne. Or corriger d'un indice calculé sur un "panier" de choses signifie une chose importante : c'est que la valeur en monnaie constante de ce panier reste PAR DEFINITION constante. En effet le facteur d'inflation est par construction exactement le prix du panier, donc en raisonnant en monnaie constante, le prix du panier reste par définition constant.
Ca signifie une chose importante : la croissance globale correspond à l'augmentation du nombre de "panier de base" produits par an, c'est à dire que le "panier" qui calcule l'inflation sert d'étalon de mesure, comme le mètre étalon, dont la valeur est par définition constante.
Il y a quand meme une difficulté de principe : c'est que ce panier n'est en fait en lui meme pas constant, il évolue avec le mode de vie. C'est donc comme si le mètre étalon était élastique et changeait au cours du temps. Du coup on a l'impression que le calcul de l'inflation est un peu arbitraire, et le résultat de la croissance aussi donc. cependant, il y a quand meme des choses physiques invariantes dans l'humanité, a commencer par nos besoins de bases, la nourriture. Interrogeons nous donc si quelque chose comme "la ration calorique de base" quotidienne (genre , 1kg de pain...), peut vraiment avoir une valeur très variable avec le temps. Ce qui revient à se demander si son prix par rapport au "panier" peut énormément varier ?
en réflechissant un peu, on se dit que non. Il n'y a aucune raison que l'alimentation de base change de manière très différente de l'inflation moyenne, ni que 1kg de pain ait une "valeur" humaine très différente au Moyen Age et maintenant, aux Etats Unis ou au Zimababwe. Et c'est en fait le meme probleme que la définition de la "parité du pouvoir d'achat", qui est en fait le meme probleme que l'inflation, sauf que ça consiste à comparer des niveaux de vie séparés (géographiquement) dans l'espace et non (historiquement) dans le temps, en se donnant des "étalons de valeur" sur lesquels on définit un "taux de change réel" , ce qui a exactement le meme effet : on suppose que ces étalons de valeur ont par définition la meme valeur intrinsèque dans ces différents pays , puisqu'on calcule le taux de change effectif par leur prix, ils sont par définition le meme coût quand il est calculé avec ce taux de change.
Ainsi donc on aboutit à une conclusion , un peu surprenante mais pas tant que ça au fond : dans tous les pays du monde, à toutes les époques, une ration calorique quotidienne a à peu près la meme valeur absolue, et les différences de richesse , aussi bien géographiques, que historique (donc toute la croissance économique) peut etre résumée par le fait qu'on gagne une quantité différente de rations caloriques de base par jour et par personne.
En fait, ça peut etre facilement vérifié sur des chiffres, par exemple vous avez le prix du pain (fixé en France jusqu'en 1978)ici, et le calcul du facteur d'inflation peut etre fait ici. Vous pourrez vérifier que le prix du pain en francs courant, divisé par l'inflation, reste à peu près constante !
En poursuivant la logique , nous aboutissons à la conclusion tout aussi logique : c'est que le PIB/habitant en monnaie constante est exactement inversement proportionnelle à la part du PIB consacrée à l'alimentation : la croissance/habitant n'est due QUE à l'augmentation du nombre de rations de base qu'un habitant peut s'acheter; et son inverse est donc exactement la part de l'alimentation de base dans le PIB.
Toujours en continuant la logique, si on suppose que les agriculteurs n'ont aucune raison d'avoir un pouvoir d'achat très différent de la moyenne (OK ils peuvent etre un peu plus pauvre, mais pas ENORMEMENT plus pauvres - sinon ils arretent de travailler aux champs et vont chercher un meilleur boulot !), on aboutit ensuite au fait que l'augmentation du PIB est exactement l'inverse de la proportion de personne (= celle du PIB) employée à l'alimentation, et donc que la source de croissance n'est QUE la diminution du nombre d'agriculteurs employé à nourrir la planète.
personne ne nie que le progrès diminue le nombre d'agriculteurs, mais ca parait extremement surprenant que ce ne soit QUE ce facteur qui permette la croissance, et pas les inventions techniques !
mais en fait, ça ne l'est pas tant que ça. Parce que les inventions techniques donnent des nouveautés, mais pas forcement plus d'rgent pour les acheter ! si on peut acheter des téléphones portables et des ordinateurs, rien ne dit qu'on n'est pas obliger de renoncer à autre chose, si on ne gagne pas plus d'argent. Et donc les nouveautés techniques, contrairement à ce qu'on nous serine, ne sont pas OBLIGATOIREMENT facteur de richesse et de croissance : elles ne le seraient que si elles permettent effectivement une augmentation de la productivité... agricole. Ce qui a bien sur été le cas du machinisme et des engrais, mais ce qui est très loin d'etre assuré dans l'avenir, bien évidemment.
Bon, cette idée parait quand meme toujours bizarre... mais j'en ai trouvé une bonne confirmation ! sur l'excellent site gapminder deja cité ici, vous pouvez porter la proportion du PIB consacrée à l'agriculture , en fonction du revenu par habitant. Vous pouvez tracer l'histoire de ces quantités pour tous les pays du monde, de 1960 à maintenant, en coordonnées logarithmiques
http://graphs.gapminder.org/world/#$maj ... 39_t002005,,,,
LA corrélation avec une pente - 1 est excellente, elle me semble meme une des meilleures que j'ai vues, meilleure qu'avec la consommation énergétique qui est elle assz variable, les efficacités énergétiques etant assez différentes d'un pays à l'autre !!!
je n'ai pas encore réfléchi aux conséquences profondes de tout ça, mais ça me semble une piste très intéressante . Si on peut tout résumer la croissance au temps de travail nécessaire pour produire une ration calorique, l'impact du PO sur l'économie est évident quand on regarde son impact sur l'agriculture.....