Raffinement du plateau .
Continuons la discussion du plateau de production de l’année dernière,que nous avons discuté pour la première fois à thanksgiving, puis reprise juste avant Noël. Si vous n’en avez pas marre encore, voilà le phénomène que nous cherchons à expliquer

Légende : production moyenne mensuelle de différentes sources. Censé être la production de tous les liquides. L’échelle ne commence pas à zéro. Source : AIE [Agence internationale pour l’énergie] et EIA [Energy Information Administration , américaine]. La courbe brute de l’AIE est ce qu’ils prévoyaient initialement chaque mois. La courbe corrigée est calculée d’après le changement de production d’un mois à l’autre publiée le mois suivant.
Notez la stabilisation qui a commencé l’été dernier. Notre but est de comprendre ce qui s’est passé , au vu de la croissance de l’économie mondiale et des prix toujours croissants depuis plusieurs années, dont nos amis économistes nous diraient qu’ils devraient engendrer une production toujours croissante. Sommes nous au, ou presque au pic, ou ya t il une explication plus innocente ?
L’éternel optimiste Freddy Hutter a suggéré ceci :
« Les « piquistes » peuvent s’exciter tout ce qu’ils veulent en regardant le plateau de mi-2005, et y lire ce qu’ils veulent, mais le reste d’entre nous sait qu’il n’est du qu’aux ouragans et aux capacités de raffinage, et que la tendance va continuer jusqu’en 2010. »
Cependant, je pense qu’hier, nous avons écarté l’explication des ouragans. Il reste l’idée de la capacité de raffinage insuffisante. Bien sûr Freddy n’est pas le seul à proposer cette idée. Comme Alexandre l’a rapporté dans « Oil and Gas connections » :
« Le ministra saoudien du pétrole et des ressources minérales Ali al-Naimi a imputé la spirale des prix croissants au manque de capacité de raffinage pour traiter le brut lourd et soufré. « L’industrie pétrolière mondiale fait face actuellement au défi des capacités de livraison », a dit al-Naimi au cours d’une session fermée. « C’est parce qu’il y a une contrainte majeure dans le système de raffinage : il y a une inadaptation entre la configuration des raffineries et la disponibilité de brut lourd et soufré » a-t-il fait remarquer.
Tout d’abord, orientons nous vers une histoire générale des capacités de raffinage. Hélas, je ne suis pas parvenu à trouver une statistique mensuelle des capacités de raffinage mondiales, mais j’ai trouvé deux statistiques annuelles, et je pense qu’elles jettent une lumière intéressante sur la question. L’une d’elle vient de la « BP statistical review of Word Energy 2005 », et l’autre de l’EIA. Comme d’habitude dans ce jeu, les données concordent sur l’image générale, mais pas sur les détails. Voilà la courbe historique des capacités :
Légende : capacités de raffinage de 1965 à 2005.
Avant de comparer la capacité à la production, je voudrais juste vous faire remarquer à quelle vitesse ces capacités augmentent à la fin des années 60 et dans les années 70. Je voudrais aussi attirer votre attention sur la différence de pente entre la fin des années 90, et l’accroissement anémique des dernières années. Nous retournerons à ces points après quelques graphiques. Première pensée, quelle proportion de cette capacité était réellement utilisée ?.
Il s’avère qu’il n’est pas facile de comparer les chiffres de production de l’EIA avec les capacités de raffinage, donc je m’en tiendrai aux chiffres de BP pour ce point particulier. Voilà le graphe montrant la proportion des capacités de raffinage réellement utilisées pour la production.

Légende : capacités de raffinage et capacités inutilisées.
Nous pouvons voir que les choses commencent à être serrées vers la fin. Cependant, si nous regardons le rapport entre la production et la capacité de raffinage, nous voyons qu’il n’est pas inférieur dans les années récentes à ce qu’il était dans les années 60, pendant lesquelles ni le pétrole, ni le gazole n’etaient particulièrement chers

Légende : Proportion de capacités de raffinage utilisées de 1965 à 2004.
Donc nous pouvons nous demander quel est le gros problème actuel ? Pour moi, le plus révélateur est le graphique suivant. Il montre le taux d’accroissement des capacités de raffinage annuel/

Légende : Changement annuel des capacités de raffinage d’après deux différentes sources (BP et EIA).
Les points à noter :
1) dans les années 60-70, nous savions comment augmenter les capacités de raffinage de 6 à 10 % annuellement.
2) Aussi récemment qu’ à la fin des années 90 ; nous augmentions les capacités de raffinage de 2% par an.
3) En plusieurs occasions, nous avons augmenté le taux d’accroissement des capacités de raffinage (NdT dérivée seconde ) d’un ou deux points de pourcentage en l’espace d’une année ou deux. Par exemple à la fin des années 80, et à nouveau en 1993 1994.
4) La seule période de croissance très faible, positivement anémique de 0,5 % de la capacité de raffinage est la période 2001-2004.
5) Si nous avions accru la capacité de raffinage de 1 à 2% depuis 2002, nous n’aurions pas de problème de capacité de raffinage. Le problème n’est pas seulement que la demande a augmenté, mais que la croissance de la capacité de raffinage était vraiment minimale pendant cette période.
A quelle vitesse est ce que la croissance de la production est entrée dans le plateau ? Voilà la courbe :
Légende : changement annuel de production d’un mois sur l’autre de Janvier 2002 à octobre 2005. La courbe verte représnete les données, et la courbe prune est un ajustement parabolique des données pour illustrer la tendance lissée.
L’accroissement de la demande est certainement devenue respectable (atteignant 4 % dans la courbe lissée), mais pas bien au-dessus des normales historiques, et généralement en accord avec l’augmentation du PIB dans une économie recouvrant la bonne santé. Etant donné tout cela, je ne peux pas croire que nous ne pouvions pas augmenter la capacité de raffinage à temps pour éviter le goulot d’étranglement cette année. D’après les données historiques, nous aurions certainement du être capable de l’augmenter de 2% par an, ou peut être mieux et nous en aurions assez pour éviter ce goulot. Non, ce n’est pas que nous pouvions pas, c’est que nous ne l’avons pas fait. Nous avons choisi de ne pas le faire.
Je ne peux imaginer que deux raisons pour lesquelles nous aurions pu choisir de ne pas augmenter les capacités de raffinage autant que nous aurions évidemment pu. Une est l’existence d’un cartel de raffinage secret. L’autre est le pic de production du pétrole. Je pense que « Calculated Risk » a donné le bon argument cet été. Si le problème était juste celui d’un cartel du raffinage, le brut, ou du moins les bruts les plus lours, devraient être vendus 10$ le baril. Ce n’est pas le cas, même le lourd est à 50 $ le baril. Cela implique qu’il y a très peu de capacités excédentaires, et non qu’il y en a beaucoup mais qu’elles ne sont pas utilisées à cause d’un cartel du raffinage.
Il me paraît que le marché du raffinage, explicitement ou implicitement, comprend que se s'engager pour la compétition dans un marché se partageant les 100 millions de barils /jour du CERA dans le futur immédiat serait en fait une attitude idiote. Au lieu de cela, il apparaît qu’ils mesurent leurs capacités de la manière la plus parcimonieuse possible. Ils agissent comme si leur grande peur était de se retrouver avec trop de capacités.
Donc j’estime que l’explication par les capacités de raffinage est « bullshit » .
Quelqu’un a t il d’autres idées pour expliquer ce qui arrive, à part l’imminence du PPP ?