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Réserves et pic de production : un petit calcul

Publié : 14 mars 2006, 21:07
par GillesH38
Pour les amateurs de calculs de dos d'enveloppe "à la louche", je vous propose une petite estimation liant les paramètres du pic de production (date et production maximale) et les réserves ultimes recouvrables.

Je fais une approximation simple : la production monte linéairement jusqu'au pic (temps Tp années, production Xp fois la production actuelle), puis décroit lineairement jusqu'à un temps Tf où elle s'annule. Les temps sont comptés à partir de maintenant (Ti=0)

J'entends déjà miniTAX hurler " ca n'a aucune raison d'être lineaire". Je suis bien d'accord, c'est un ordre de grandeur. Si la décroissance est exponentielle par exemple X = Xp exp (-t/T), la quantité totale extraite sera Xp T. L'approximation linéaire revient à poser Tf = 2T , ce sera en fait le temps au bout duquel la production ne sera plus que 1/e^2 =0,13 fois la production maximale. Donc Tf est environ le temps au bout duquel on ne produira que 13% de la production maximale (environ la production de 1940). Doublez ce temps et vous aurez environ la production de 1900.


Donc le calcul élémentaire (surface d'un trapèze) donne le montant total des réserves en années de production actuelle (j'appelle R ce qui est en fait R/P pour simplifier la notation).

R = Tp * (1+Xp)/2 + (Tf-Tp)*Xp/2 = (Tp+Xp*Tf)/2

On peut en déduire le temps Tf en fonction des réserves et de la date du pic

Tf=(2*R-Tp)/Xp.

Dejà là c'est rigolo (enfin si on peut dire) :

Pour un montant de réserves données (30 ans disons), plus le pic arrive tard, plus la fin arrive tôt. Pour deux raisons : Tp augmente et Xp augmente aussi. Ce qui est assez normal, si on continue à pomper de plus en plus vite, on épuise aussi plus vite.

Ca relativise ce qu'on appelle "optimistes" et "pessimistes" sur la date du pic !

Quelques exemples :

Cas 1 : pic maintenant, Xp = 1, R = 30 ans

Tf = 60 ans, en 2065.

Cas 2 : pic dans 5 ans, Xp = 1,1 toujours R = 30 ans

Tf = 50 ans en 2055

Soyons "optimistes", on va augmenter R ! ah oui mais on en profite pour reculer la date du Pic, comme nos compagnies pétrolières favorites.

Cas 3 : R = 40 ans, pic dans 20 ans, Xp = 1,5 à 120 Mb/jour

Tf = 40 ans !!! plus de pétrole en 2045 !!!!! la production s'écroule en 15 ans à partir du pic (au lieu de 60 ans si le pic a lieu maintenant ), soit une diminution catastrophique de 7% par an (au début tout du moins, car le taux relatif augmente avec une décroissance linéaire).


Si on ne donne pas la date de fin , mais une date intermédiaire (T2) avec une production X2. Une règle de 3 fournit

Tf = (Xp*T2-X2*Tp)/(Xp-X2), et le calcul est ensuite le même.

PAr exemple dans le cas de Bauquis rappelé sur
http://www.oleocene.org/phpBB2/viewtopi ... 3949#43949

sur lequel j'etais uun peu ... soupçonneux

à partir de 2000 : 3,7 GTep/an
Pic en 2020 soit Tp=20 , 5 GTep/an soit Xp = 1,35
Et en 2050 3,5 Gtep/an soit Xp=0,95

on trouve Tf = 120 ans...

et R = ....100 ans de production, soit 3000 milliards de barils, trois fois la production déjà extraite actuellement !
(erreur corrigée dans le premier post)

Il avait fumé quoi le père Bauquis ? :smt033

Publié : 14 mars 2006, 21:47
par Mathieu G.
Y'a un truc qui me chagrine dans ton calcul, c'est tes réserves exprimées en années. Les réserves, c'est du pétrole, donc il faut utiliser une unité de volume. Tu parles de réserve à la place du quotient réserve sur production, qui lui est un temps, non ?

Sinon, ton modèle est excellent pour expliquer que quelque soit les réserves actuelles, repousser la chute ne la rendra que plus vertigineuse.

Publié : 14 mars 2006, 21:56
par GillesH38
Absolument, ma terminologie n'est pas très précise, en fait R désigne R/P, les réserves exprimées en années de production actuelle.

Ca n'a rien d'un modèle précis bien sur, mais juste pour "estimer" à la louche à quel rapport R/P correspondent les différentes prédictions de production. ;)

Publié : 18 mars 2006, 07:33
par toto
J'aime bien le pinard. Si je transpose la demonstration de Gilles, ça peut donner ça.

On a un tonneau sur lequel par un petit robinet on remplit une bouteille par jour. Le débit du robinet est fonction de la pression donc plus le niveau diminue dans le tonneau moins le robinet débite.
  • 1 - Prise de tête ces histoires de pic de production, on boit 1bouteille tous les jours. Des copains viennent, on va faire la fête. Pour faire sortir le pinard, on monte la pression dans le tonneau, on arrive à 2 bouteilles par jour. Comme on a augmenté le volume d'air dans le tonneau, il est de plus en plus difficile de maintenir la pression. Au bout d'1 mois on a atteint le pic de production. Aprés, ce maudit robinet débite (de cheval) de moins en moins. Aprés 2 ans, le tonneau est désesperemment vide.

    2 - Le même scénario mais on a un copain qui était à l'école des Shadocks, il sait pomper mieux que quiconque. On arrive à maintenir les 2 bouteilles par jour pendant 2 mois. On a reculé le pic de production. Mais aprés, pas moyen de maintenir la pression (même avec l'aide de copains Shadock venus à la rescousse). On n'arrive pas à finir l'année.

    3 - On est branché sur Oléocène, on decrete le pic de production atteint, on met en place un programme de fermeture progressif du robinet. Il y a des jours, on ne boit pas, on met le pinard dans des bouteilles pour faire un stock. Quand viennent les copains on tape avec Parcimonie (c'est ma copine) dans le stock. 5 ans plus tard, le tonneau n'est toujours pas vide.

Publié : 18 mars 2006, 07:48
par GillesH38
:-D :-D mais tu ne sais pas que le vin est abiotique? c'est de c... ces histoires de vigne et tout ça, les vignerons ont un grand puit dans leur cave, mais bon ils ont interêt à spéculer pour faire monter les prix, et de toute façon on peut très bien faire du vin à partir de centrales nucléaires !

Publié : 18 mars 2006, 09:52
par toto
Justement, je me disais qu'il était possible de déduire les comportements de chacun à partir de cette histoire.

Je suis le chef de famille, ça fait des années que je fais marcher la boutique en m'aidant du litron, je suis plutôt imbibé et n'accepte pas ces morveux qui me disent qu'un jour il n'y aura plus de pinard dans mon tonneau. Et quand bien même il serait vide, on trouvera bien un produit de remplacement, les dirigents l'ont déjà prévu mais ils le gardent en secret pour jouer les sauveurs de l'humanité le jour venu.

Ma femme s'en fout un peu mais elle se demande comment elle va pouvoir gérer mes colères quand je serai en manque.

Et puis il y a les gosses qui voient ça plutôt d'un bon oeil car ils en ont marre de se prendre des baffes quand je suis bourré. De toute façon, ils boivent de l'eau.

Edit: plus sérieusement, quand j'ai écrit l'histoire, j'ai commencé bêtement avec une consommation d'une bouteille par jour. Quelque chose clochait avec le courbe de Gilles. Bien sûr, la courbe est la consommation dont l'intégrale est la réserve. Et la consommation décroit.
Autant j'admettais facilement la décroissance de la consommation du pétrole, autant il me fut difficile d'admettre la décroissance de la consommation de pinard. J'ai flippé. Pourvu que ce qui va se passer pour l'huile ne se passe pas pour le vin!

Publié : 18 mars 2006, 10:55
par frgo84
gillesh38 pourrais-tu nous faire un calcul non pas sur le débit de brut mais sur la quantité énergétique du pétrole qui reste en réserve. Je m'explique, ce qu'il reste sous terre est moins énergétique (si j'ai bien tout compris) que celui d'aujourd'hui. Donc pour l'équivalent de 1 baril de 2006, il faudra 1,2 en 2010, ou plus ou moins.
Ce serait interéssant.

Publié : 18 mars 2006, 10:58
par mahiahi
Tout ça c'est nawak, la bière va nous sauver, et puis il y a des stocks de sangria énormes.
:-D

Publié : 20 mars 2006, 13:27
par kadath
toto a écrit :Justement, je me disais qu'il était possible de déduire les comportements de chacun à partir de cette histoire.

J'ai flippé. Pourvu que ce qui va se passer pour l'huile ne se passe pas pour le vin!
Je suis d'accord avec toi toto: ce serait infiniment plus grave!!!!! :shock:

Publié : 20 mars 2006, 14:08
par Schlumpf
mais c'est ca le PO, c'est terrible ! Comme on ne pourra plus fabriquer de vin à partir de l'huile (puisqu'y en a plus), va falloir fabriquer de l'huile à partir du vin ! Donc fini le pinard avec le PO ! Vous voyez qu'il a raison de dire que c'est terrible Laurent Eric ! Un point positif, ca va rapprocher les générations puisque tout le monde boira de l'eau...

Publié : 20 mars 2006, 15:48
par kadath
Ce qu'il nous faut, c'est un messie! Une sorte de Jesus capable de transformer l'eau en vin, le vin en pétrole et réciproquement!

JESUS!!!!!REVIENS!!!!!!!


:smt100

Publié : 20 mars 2006, 18:37
par ecorage
Et transformer le CO2 en C et O2.

Comme ça on peut même réutiliser le C comme énergie.

MERCI Jésus ! I Beleave :shock:

Publié : 20 mars 2006, 20:56
par sceptique
Déslé d'apporter la contradiction ...
La démonstration est juste si on se base sur des ressources ultimes bien définies. Or celles-ci ne sont connues qu'avec une fourchette très large. Et puis, lorsque la production va commencer à plafonner les prix vont vraiment exploser (déjà vu ici : destruction de la demande dans les pays pauvres et chez les pauvres des pays riches) donc la demande va légérement baisser. De meme, des zones pétrolifères actuellement négligées vont devenir intéressantes. Bref, la phase plateau va durer assez longtemps, suivie d'une lente décrue. Qui permettra probablement à certaines économies (pas toutes) de s'adapter. C'est implicitement ce que prévoit Bauquis : en raclant les fonds de tiroirs la descente sera moins forte.

Publié : 20 mars 2006, 21:27
par epe
sceptique a écrit :C'est implicitement ce que prévoit Bauquis : en raclant les fonds de tiroirs la descente sera moins forte.
Oui mais elle sera... et à quel prix?

C'est bien là le problème, jusqu'ici, aucune source d'énergie ne s'est substituée à une autre. Elles se sont ajoutées les unes aux autres pour satisfaire une demande globale d'énergie en perpétuelle croissance parallèlement à la croissance démographique et à l'augmentation du niveau de vie moyen. La consommation mondiale de charbon n'a pas cessé quand le pétrole est arrivé, au contraire, elle n'a jamais cessé de croître, tout comme la consommation de pétrole n'a pas cessé de croître avec l'arrivée du nucléaire.

Là on va se retrouver dans une situation inédite avec non seulement une source d'énergie qui va cesser de croître (le pétrole) mais en plus sans alternative d'une nouvelle source d'énergie prête à temps (la fusion nucléaire?) à la fois pour satisfaire les nouvelles demandes et la stagnation puis la baisse de la production de pétrole.

Alors racler les fonds de tiroirs (offshore profond, polaire, shistes et sables bitumineux, recyclage de plastiques, pétroles synthétiques à partir de charbon (en amputant la part disponible à la croissance historique de la demande en charbon combustible), production d'éthanol à partir de biomasse (en amputant les terres disponibles pour l'agriculture) ou autres... c'est bien (enfin...) mais cela reste des sources d'énergie plus difficiles et/ou moins efficaces et plus chères que les précédentes.

Je ne suis pas certain que nous soyons préparés à cela...

Publié : 20 mars 2006, 21:37
par sceptique
C'est certain : l'énergie va être plus chère.
Naturellement, les économies occidentales vont s'adapter : voitures consommant x fois moins, maisons bioclimatiques (5 à 10 fois moins), industrie plus performante et relocalisée (moins de transport de marchandises), agriculture avec beaucoup plus de main d'oeuvre ...
Bref, plus de travail pour conserver une qualité de vie comparable.

Par contre pour les pays pauvres cela va etre terrible.