Réflexions de retour de vacances.
Publié : 08 août 2006, 09:27
Bonjour a tous
je reviens d'un grand voyage de vacances, au Bresil. D'accord j'ai pris l'avion, mais on ne tape pas, ok? A part ça, ce n'est pas la première fois que je vais dans un pays "semi-industrialisé", mais c'est la première fois depuis que j'ai pris conscience du problème du PO, ce qui a fait que j'ai regardé autour de moi en me demandant souvent en quoi cela pouvait nous donner des indices des sociétés d'après PO.
Je ne poste pas dans "Amerique Latine" car il ne s'agit pas des problèmes politiques particuliers de cette région mais de la façon générale dont vivent des pays dont le niveau de vie est proche la moyenne mondiale (le PIB par habitant est de 2900 $/an, contre 20000 environ pour un pays européen moyen et 5000 pour la moyenne mondiale).
Le Bresil est un pays immense, assez peu densément peuplé (16 fois la superficie de la France pour 3 fois sa population). Il est bien sur connu pour son développement de la filière bioéthanol (il y en a partout dans les stations essence au prix environ du diesel, et la moitié des voitures sont en flexfuel) mais il a aussi une production et une consommation pétrolière non négligeable. Il produit un peu moins de 2 millions de barils/jour et en consomme un peu plus.D'après mes calculs, la consommation par habitant de pétrole est de 2 litres/jour/hab, contre 5 pour un Français et 11 pour un américain.
C'est le premier producteur mondial de bioéthanol, grâce à ses plantations immenses de canne à sucre (que j'ai pu voir en bus entre Salvador et Recife). La production en 2004 etait de 15 milliards de litres, soit 0,2 litres/hab/an : on voit que ça reste quand même bien inférieur à la production pétrolière. Bien que de nombreuses voitures roulent a l'ethanol, il y en a 5 fois moins par habitant que dans un pays occidental.
Une des caractéristiques principales est une extrême inégalité des niveaux de vie : une ville comme Sao Paulo est indiscernable d'une ville occidentale dans ses quartiers d'affaires et résidentiels, mais est entourée de favelas avec des constructions sommaires en briques et en toles, avec bien sur une majorité de population noire et métisse. En fait les millions d'esclaves employés par les plantations et libérés à la fin de l'esclavage (1880), illettrés et sans propriétés terrienne, n'ont fait que creer une population défavorisée parallèle à la population d'origine européenne, gonflée elle par des vagues d'immigration du XXe, qui se sont eux développés presque comme en Occident. Les immeubles riches (= dont la peinture n'est pas ecaillée!) sont systématiquement entourés de grilles et de systèmes d'alarme. La différence de niveau de vie fait que les classes moyennes et riches ont tres couramment du personnel de maison payé peu cher.
La réflexion qui m'est venue a l'esprit est que dans un pays ou la consommation de pétrole etait plus de 2 fois inférieure à la France et 5 fois inférieure à celle des Etats Unis, il n'y avait pas forcement tout ce qu'on imagine comme conséquences de l'après pétrole :
* il y a des grandes villes, Sao Paulo est parmi les plus grandes agglomérations mondiales : il y en a d'autres du Tiers Monde dans le peloton de tete ( Mexico, Bombay, Shangaï..).
De fait le phénomène d'exode rural est particulièrement marqué dans le Tiers Monde. Les populations agricoles sont très pauvres, souvent sans terres, non concurentielles par rapport à l'agriculture moderne, et emigrent massivement vers des banlieues des grandes villes.
* il y a des avions , indispensables pour faire les liaisons dans ce pays immense. Varig est au bord de la banqueroute, mais il y a des compagnies low cost (encore?) florissantes, on a pu trouver un billet Recife Salvador pour 100 reals, environ 30 euros/personne.
* evidemment je n'ai pas vu de champs d'éoliennes (une seule vue à Recife), de panneaux solaires, et meme l'eau chaude est souvent obtenue par des resistances électriques dans le pommeau de douche ( installation a faire s'evanouir un employé d'EDF), bien que les bidons servant de chauffe-eau solaire sont couramment vus dans les favelas. Il y a en revanche presque partout des ampoules basses consommation (qui restent souvent allumées la jour, ils doivent savoir que le fait de les allumer et les éteindre diminue fortement ler durée de vie !)
* Il y a certes de la criminalité, les favelas sont pratiquement interdites aux touristes (et à la police), il y a des populations très pauvres, voire dénutries (on a rencontré des étudiantes en medicine qui avaient passé 3 semaines dans les favelas), mais il y a quand meme une société qui fonctionne, plein de voitures dans les centre villes, on mange tres abondamment (et tres bon) pour pas cher , etc....
Quelques statistiques assez étonnantes lues dans le Lonely Planet : dans la plus grande favela de Rio, environ 50 % des habitants font leurs courses au super marché local, 20 % ont une carte de crédit, et 90 % la télévision. En fait il y a la télé et des antennes satellites partout, même si c'est presque le seul meuble avec un lit et une table !
La reflexion qui m'est venue a l'esprit, c'est qu'on peut diminuer assez fortement le niveau de vie et la consommation tout en gardant des luxes de riches par une "opération" tres simple : changer la proportion de riches et de pauvres, sans que le niveau de vie de chacune des classes change beaucoup. Le niveau de vie à l'occidentale (voiture individuelle, batiment en dur bien isolé, travail bien payé, education des enfants, etc..) existe dans tous les pays du monde : ce qui change essentiellement, c'est la proportion de population qui en bénéficie.
Cela me confirme plus ou moins dans une réflexion que j'avais deja commencé à me faire : alors qu'on a tendance a imaginer que le PO va entrainer des révolutions dans les modes de vie, soit dans l'adoption de nouvelles technologies (eoliennes, hydrogène et tutti frutti) supposées nous sauver, soit dans l'ecroulement total de la société livrée aux bandes de pillards et un retour à la Terre, la solution la plus simple est beaucoup plus prosaïque : on peut juste faire varier de 10, 20, 30 % la partie pauvre de la population par rapport à la riche, sans faire varier de façon notable leur niveau de vie. Certes augmenter le nombre de pauvres augmente la criminalité, mais pas forcement dans des proportions rendant la vie invivable. Apres tout on se plaint deja de l'insécurité, et ceci bien avant le PO !
Je ne crois pas non plusn trop à un retour à la terre massif avant plusieurs decennies, voire un siècle, si meme cela arrive un jour . Il suffit d'assez peu d'énergie pour faire fonctionner une agriculture vivrière,et je pense qu'il faudra tres longtemps avant que la main d'oeuvre humaine devienne moins chère que l'emploi d'agriculture mécanisée : il se pourrait meme que les biocarburants puisse toujours la faire fonctionner.Il n'est pas si difficile non plus d'approvisionner des grandes villes avec assez peu de transports, un seul camion peut faire vivre des milliers de personnes-jour. Finalement l'évolution qui me parait la plus probable serait plutot le developpement de banlieues paupérisées, se degradant progressivement , la concentration de l'habitat rendant quand meme l'approvisionnement plus facile que la dispersion dans les campagnes.
Bref je ne suis pas plus optimiste sur l'evolution de la société industrielle, mais je ne suis pas sur que l'evolution se fasse de la manière qu'on a souvent tendance à imaginer. Je vois plus une aggravation lente des problemes que nous connaissons deja, qu'un "grand soir" de l'apres petrole.
je reviens d'un grand voyage de vacances, au Bresil. D'accord j'ai pris l'avion, mais on ne tape pas, ok? A part ça, ce n'est pas la première fois que je vais dans un pays "semi-industrialisé", mais c'est la première fois depuis que j'ai pris conscience du problème du PO, ce qui a fait que j'ai regardé autour de moi en me demandant souvent en quoi cela pouvait nous donner des indices des sociétés d'après PO.
Je ne poste pas dans "Amerique Latine" car il ne s'agit pas des problèmes politiques particuliers de cette région mais de la façon générale dont vivent des pays dont le niveau de vie est proche la moyenne mondiale (le PIB par habitant est de 2900 $/an, contre 20000 environ pour un pays européen moyen et 5000 pour la moyenne mondiale).
Le Bresil est un pays immense, assez peu densément peuplé (16 fois la superficie de la France pour 3 fois sa population). Il est bien sur connu pour son développement de la filière bioéthanol (il y en a partout dans les stations essence au prix environ du diesel, et la moitié des voitures sont en flexfuel) mais il a aussi une production et une consommation pétrolière non négligeable. Il produit un peu moins de 2 millions de barils/jour et en consomme un peu plus.D'après mes calculs, la consommation par habitant de pétrole est de 2 litres/jour/hab, contre 5 pour un Français et 11 pour un américain.
C'est le premier producteur mondial de bioéthanol, grâce à ses plantations immenses de canne à sucre (que j'ai pu voir en bus entre Salvador et Recife). La production en 2004 etait de 15 milliards de litres, soit 0,2 litres/hab/an : on voit que ça reste quand même bien inférieur à la production pétrolière. Bien que de nombreuses voitures roulent a l'ethanol, il y en a 5 fois moins par habitant que dans un pays occidental.
Une des caractéristiques principales est une extrême inégalité des niveaux de vie : une ville comme Sao Paulo est indiscernable d'une ville occidentale dans ses quartiers d'affaires et résidentiels, mais est entourée de favelas avec des constructions sommaires en briques et en toles, avec bien sur une majorité de population noire et métisse. En fait les millions d'esclaves employés par les plantations et libérés à la fin de l'esclavage (1880), illettrés et sans propriétés terrienne, n'ont fait que creer une population défavorisée parallèle à la population d'origine européenne, gonflée elle par des vagues d'immigration du XXe, qui se sont eux développés presque comme en Occident. Les immeubles riches (= dont la peinture n'est pas ecaillée!) sont systématiquement entourés de grilles et de systèmes d'alarme. La différence de niveau de vie fait que les classes moyennes et riches ont tres couramment du personnel de maison payé peu cher.
La réflexion qui m'est venue a l'esprit est que dans un pays ou la consommation de pétrole etait plus de 2 fois inférieure à la France et 5 fois inférieure à celle des Etats Unis, il n'y avait pas forcement tout ce qu'on imagine comme conséquences de l'après pétrole :
* il y a des grandes villes, Sao Paulo est parmi les plus grandes agglomérations mondiales : il y en a d'autres du Tiers Monde dans le peloton de tete ( Mexico, Bombay, Shangaï..).
De fait le phénomène d'exode rural est particulièrement marqué dans le Tiers Monde. Les populations agricoles sont très pauvres, souvent sans terres, non concurentielles par rapport à l'agriculture moderne, et emigrent massivement vers des banlieues des grandes villes.
* il y a des avions , indispensables pour faire les liaisons dans ce pays immense. Varig est au bord de la banqueroute, mais il y a des compagnies low cost (encore?) florissantes, on a pu trouver un billet Recife Salvador pour 100 reals, environ 30 euros/personne.
* evidemment je n'ai pas vu de champs d'éoliennes (une seule vue à Recife), de panneaux solaires, et meme l'eau chaude est souvent obtenue par des resistances électriques dans le pommeau de douche ( installation a faire s'evanouir un employé d'EDF), bien que les bidons servant de chauffe-eau solaire sont couramment vus dans les favelas. Il y a en revanche presque partout des ampoules basses consommation (qui restent souvent allumées la jour, ils doivent savoir que le fait de les allumer et les éteindre diminue fortement ler durée de vie !)
* Il y a certes de la criminalité, les favelas sont pratiquement interdites aux touristes (et à la police), il y a des populations très pauvres, voire dénutries (on a rencontré des étudiantes en medicine qui avaient passé 3 semaines dans les favelas), mais il y a quand meme une société qui fonctionne, plein de voitures dans les centre villes, on mange tres abondamment (et tres bon) pour pas cher , etc....
Quelques statistiques assez étonnantes lues dans le Lonely Planet : dans la plus grande favela de Rio, environ 50 % des habitants font leurs courses au super marché local, 20 % ont une carte de crédit, et 90 % la télévision. En fait il y a la télé et des antennes satellites partout, même si c'est presque le seul meuble avec un lit et une table !
La reflexion qui m'est venue a l'esprit, c'est qu'on peut diminuer assez fortement le niveau de vie et la consommation tout en gardant des luxes de riches par une "opération" tres simple : changer la proportion de riches et de pauvres, sans que le niveau de vie de chacune des classes change beaucoup. Le niveau de vie à l'occidentale (voiture individuelle, batiment en dur bien isolé, travail bien payé, education des enfants, etc..) existe dans tous les pays du monde : ce qui change essentiellement, c'est la proportion de population qui en bénéficie.
Cela me confirme plus ou moins dans une réflexion que j'avais deja commencé à me faire : alors qu'on a tendance a imaginer que le PO va entrainer des révolutions dans les modes de vie, soit dans l'adoption de nouvelles technologies (eoliennes, hydrogène et tutti frutti) supposées nous sauver, soit dans l'ecroulement total de la société livrée aux bandes de pillards et un retour à la Terre, la solution la plus simple est beaucoup plus prosaïque : on peut juste faire varier de 10, 20, 30 % la partie pauvre de la population par rapport à la riche, sans faire varier de façon notable leur niveau de vie. Certes augmenter le nombre de pauvres augmente la criminalité, mais pas forcement dans des proportions rendant la vie invivable. Apres tout on se plaint deja de l'insécurité, et ceci bien avant le PO !
Je ne crois pas non plusn trop à un retour à la terre massif avant plusieurs decennies, voire un siècle, si meme cela arrive un jour . Il suffit d'assez peu d'énergie pour faire fonctionner une agriculture vivrière,et je pense qu'il faudra tres longtemps avant que la main d'oeuvre humaine devienne moins chère que l'emploi d'agriculture mécanisée : il se pourrait meme que les biocarburants puisse toujours la faire fonctionner.Il n'est pas si difficile non plus d'approvisionner des grandes villes avec assez peu de transports, un seul camion peut faire vivre des milliers de personnes-jour. Finalement l'évolution qui me parait la plus probable serait plutot le developpement de banlieues paupérisées, se degradant progressivement , la concentration de l'habitat rendant quand meme l'approvisionnement plus facile que la dispersion dans les campagnes.
Bref je ne suis pas plus optimiste sur l'evolution de la société industrielle, mais je ne suis pas sur que l'evolution se fasse de la manière qu'on a souvent tendance à imaginer. Je vois plus une aggravation lente des problemes que nous connaissons deja, qu'un "grand soir" de l'apres petrole.