WALL-E ou la décroissance vue par Pixar
Publié : 13 août 2008, 13:29
WALL-E ou la décroissance vue par Pixar
La dernière production Pixar est moins innocente qu'il n'y paraît. Sous l'apparence d'une inoffensive bleuette robotique se cache une inquiétante oeuvre d'anticipation qui, selon le regard qu'on y porte, prend la forme d'une critique écologiste radicale de la démesure dans laquelle sombre notre société de consommation.
L'HUBRIS CONSUMERISTE ET ADIPEUSE
Dans ce plongeon de 700 ans en avant, l'humanité, sous l'emprise d'une gigantesque multinationale dont l'omniprésente publicité incite à consommer toujours plus, a rendu la planète inhabitable à force d'accumulation de biens et de rejets de déchets.
Une partie de l'humanité s'en est donc allée dans un vaisseau pour une croisière spatiale à durée indéterminée. Car la terre n'est plus qu'un caillou aride où la poussière et le sable recouvrent les ruines de mégapoles envahies par les déchets que s'efforce de compresser le robot héros du film. Les seuls survivants (wall-e et un cafard) doivent en plus se protéger des tempêtes toxiques provoquées par un climat bouleversé.
Dans sa bulle spatiale, ce qui reste de l'humanité vit l'apex du modèle productiviste techno-scientiste. L'ensemble du vaisseau (sorte de gigantesque centre commercial de divertissement) est contrôlé et nettoyé par des robots, jusqu'à la gestion des déchets qui consiste simplement à balancer les détritus dans l'espace. Obèses, vissés à leurs fauteuils hyper-mobiles, superficiels, bombardés de publicité, les hommes et femmes qui y (sur)vivent sont tellement assistés par leur véhicule et de multiples gadgets électroniques qu'ils en ont oublié comment marcher.
Bref, la "liberté de consommer" a tout détruit, mais la technologie a "sauvé" l'humanité! Toute ressemblance avec le futur prôné par certains est-elle purement fortuite?
DECROISSANCE OU DISNEY
Hormis un "optimisme" (somme toute assez classique) sur l'état des ressources énergétiques dans 700 ans, ainsi qu'une concentration excessive sur le problème des déchets (occultant d'autres aspects), le film a le mérite de poser certaines des questions morales contemporaines les plus importantes à nos sociétés occidentales :
Pouvons-nous réellement continuer dans notre logique actuelle d'accumulation d'objets, de croissance économique et d'assistance technologique aux dépends de la planète et aux dépends même de ce qui fait notre humanité? Pouvons-nous nous contenter d'un "développement durable", ce simple pansement qui ne remet en cause ni le capitalisme, ni le système publicitaire, agents principaux de la logique consumériste d'accumulation? Quelle autre solution que la décroissance soutenable et le refus de la société de consommation?
Le film a d'ailleurs déclenché une polémique aux USA, où certains néo-conservateurs accusent Pixar d'anti-consumérisme... Un paradoxe pour un film produit par Walt Disney, sponsorisé par McDonald's, qui a nécessité une technologie informatique de pointe pour sa réalisation, et qui est issu de studios qui comptent Steve Jobs (Apple) dans leurs rangs, nouvelle figure christique de la profusion de gadgets électroniques, qui ne se prive d'ailleurs pas de clins d'oeils publicitaires dans le film. Ou la fascinante capacité du capitalisme à mettre en scène sa propre contestation.
Quoi qu'il en soit, ce petit bijou reste une merveille à apprécier par petits et grands à différents niveaux de lecture!