Je te propose de regarder ce que produisent les mathematiciens sur le site ou ils deposent leurs travaux. Y'a souvent beaucoup de mots, et peu de calculs. C'est peut etre la difference principale entre un mathematicien et un physicien. A peu pres tous les matheux s'enervent a ecouter des physiciens. Y'a des bouts de calculs, des objets pas definis. Un mathematicien veut des questions bien formulées, il pose des definitions et discute des objets, et certains matheux considerent meme que le calcul est trivial et sans interet. En tout cas officiellement, il y a une part de snobisme dans cette attitude. En pratique, c'est pas vrai, les matheux font des calculs aussi parce que l'intuition leur vient de la. Mais en public, il communiquent principalement sur la partie "noble" qui est du texte, un discours qui leur permet d'organiser les calculs en un texte cohérent.Glycogène a écrit : ↑30 mars 2023, 14:43Pas d'accord.LeLama a écrit : ↑30 mars 2023, 12:24La question de la qualité de la formulation est fondamentale dans la pensee. Je demande aux etudiants d'ecrire des phrases avec sujet, verbe, complement plutot que de vagues symboles mathematiques. J'essaie de les convaincre que c'est comme ca que notre cerveau fonctionne et que c'est indispensable de bien formuler pour s'approprier une notion.
Les mathématiciens qui ont une bonne intuition mathématique ont un cerveau qui pense et traite les concepts mathématiques directement sans utiliser de mots, comme on voit qu'une image représente un arbre : pas besoin de mot ou de phrase, on "sait" que c'est un arbre (un truc qui ressemble à un autre truc déjà vu auparavant).
Je vais te prendre un exemple concret. Qu'est ce qu'un polyedre régulier ? Combien il y a en a en dimension 2, en dimensio 3,4,.... ? Ben une grosse partie de la difficulté consiste a bien definir ce qu'est un polyedre régulier. La formulation moderne consiste a dire que c'est un polyedre convexe compact dont le groupe d'isometrie agit de facon transitive sur les drapeaux ( un drapeau=un sommet+une arete le contenant+ une 2-face...) Une fois que le contexte d'actions de groupes est bien posé, tu ecris des equations aux classes assez standard qui comptent le nb d'elements dans les orbites. Ca donne un certain nombre finis de possibilités numériques. On montre ensuite que chaque possibilité numerique peut etre realisee par une construction géometrique adaptee. J'ai lu ça il y a 20 ans, et je me souviens de l'architecture générale de la preuve parce que j'ai le vocabulaire adapté pour en parler. Je vois bien que les etudiants n'arrivent pas a retenir a long terme cette demonstration. Parce qu'ils ont le nez sur les calculs, avec des centaines de détails qu'ils n'arrivent pas a resumer en qq phrases simples faute de vocabulaire et de phrases adaptées.
Je ne nie pas le role de l'intuition, et je pense comme toi que le coeur de l'activité est cette intuition. Mais si tu n'es pas capable d'organiser cette intuition en un discours verbal cohérent, tu restes perdu devant la multiplicité des etapes intermediaires et tu restes a un niveau assez basique. C'est un peu la meme chose dans la musique. Le coeur de l'activité est la sensation musicale. Mais tu ne peux pas jouer ou retenir des morceaux difficiles sans un discours theorique qui te permet d'organiser tes sensations et de construire une musique cohérente. Les compositeurs serieux ont recu des cours d'harmonie et degagé des notions pour parler de la musique.