
Et pourtant hormis une minorité d’étudiants et de militants des droits de l’homme qui n’ont aucun mal à faire le lien entre la situation à Gaza et les guerres passées au Vietnam ou en Algérie, la plupart d’entre nous refuse de regarder les choses en face, pour des raisons existentielles plus profondes, qui nous mettraient en péril quant à l’ordre que l’on s’est construit et sur lequel nous fondons nos existences.
Car regarder en face ce qu’Israël est en train de commettre au Moyen-Orient oblige à considérer que la tragédie en cours n’est pas seulement celle d’un état en train de poursuivre le nettoyage ethnique de son territoire afin d’en prendre pleinement possession, car classique de colonisation de peuplement, mais que cet état ne fait que suivre fidèlement le mode d’emploi de construction prédatrice de nos états-nations telles que nous les appliquons au monde depuis cinq siècles.
Israël n’est ainsi pas notre allié indéfectible pour rien : il est nous, c’est-à-dire nous les Occidentaux, avec notre logique, nos pulsions de conquête et nos impératifs de purification ethnique érigés en règle au XIXème siècle dans les meilleures universités européennes, qui continuent aujourd’hui de fasciner la droite française, c’est-à-dire une grande majorité de nos représentants.


Et pour l'Arménie je laisse la parole a ceux qui ont étudie le sujet
Cette logique de purification ethnique entraînera le génocide des arméniens en 1915 quand la Turquie renoncera à son empire Ottoman pour tenter de devenir un état-nation sur le modèle occidental. Et paradoxalement c’est encore cette logique-là que bien des pays anciennement colonisés appliquent à leurs populations, que ce soit l’Inde avec ses minorités musulmanes, ou la Chine avec l’ethnocide en cours des Ouïghours. Le modèle de l’état-nation à l’occidental, comme son mode de vie hollywoodien, avec son idéal de start-up nation israélienne ou macronnienne incarnant aujourd’hui l’idéal néolibéral, s’est imposé un peu partout comme un ordre désirable, voire légitime, et pourtant la manière dont il se révèle à nous à Gaza devrait nous rappeler de quoi cet ordre est fait.
Je m’aime lucide plutôt qu’imbécile heureux de vivre dans un si beau pays qui soutient des génocides, de même que j’aime les français et leurs droits de l’homme à partir du moment où ceux-ci s’appliquent aux femmes et à tous les êtres humains, voire à tous les êtres vivants. Ce n’est pas un sort pénible que d’avoir une conscience occidentale, même mauvaise, mais plutôt un privilège, une inégalité de fait avec le reste des habitants de cette terre que l’on a tant pillée, et donc une charge, un devoir moral et politique de regarder les choses en face, d’avoir le courage de se confronter à l’histoire, de penser au-delà de nos intérêts de français, d’occidentaux, de penser donc contre nos gouvernants qui ont eux au contraire la charge de prolonger l’héritage mal acquis, de penser contre les agissements de nos états-nations qui vont à l’encontre du bien-être commun mondial. Ceux qui comme moi croient en cette internationale des peuples ne sont plus, contrairement à l’après-guerre, majoritaires dans l’opinion.
Le sionisme lui-même doit être considéré comme une idéologie occidentale né de cet ordre qui considérait à l’époque les juifs comme une menace. Le sionisme est un constat d’échec, celui de Theodor Herzl, journaliste à Paris, observant comment se comportait la France antisémite à propos de l’affaire Dreyfus, concluant logiquement qu’il n’y avait d’autre salut pour le peuple juif que de se trouver une terre où se mettre à l’abri des persécutions systémiques de ce même Occident qu’il a paradoxalement pu rejoindre en 1948, qui l’a assimilé et lui a donné, après des millénaires de pogroms culminant avec la Shoah, le droit faire partie du cercle fermé de ceux qui frappent plutôt que de ceux qu’on frappe, cercle en grande majorité chrétien mais qui tolère l’état-nation juif tant qu’il sert ses intérêts.