BCE : maintenant c’est clair, l'Allemagne refuse la politique monétaire européenne
Par Mathias Thépot
Publié le 06/05/2020 à 14:25
Imprimer
Partager sur Facebook
Partager sur Twitter
La Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a rendu ce 5 mai une décision d’une violence rare sur l’emploi du bazooka monétaire par l’ex-président de la BCE Mario Draghi. Preuve que la politique monétaire de la BCE ne convient plus outre-Rhin. La rupture est proche.
C’en est trop pour l’Allemagne. Saisie par des économistes locaux, la très rigide Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a rendu ce 5 mai une décision lapidaire contre la politique monétaire expansionniste de la BCE menée par son ex-président Mario Draghi. La missive cible plus particulièrement l’emploi du bazooka monétaire à partir de 2015 : un programme de 2.000 milliards d’euros de rachat d’actifs publics et privés.
Pour les juges allemands, la BCE n’a pas justifié le principe – sacrosaint en Allemagne – de proportionnalité entre les moyens importants débloqués et sa mission d’assurer la stabilité des prix en zone euro, soit un taux d'inflation proche mais en dessous de 2%. On soupçonne outre-Rhin que cette politique monétaire aurait davantage servi à subventionner les pays du sud de la zone euro, au détriment de l’épargnant allemand, tout en faisant fi des traités qui imposent de répartir les financements dans la zone à due proportion de la participation de chaque pays au capital de la BCE*.
Un ultimatum de trois mois
La Cour de Karlsruhe laisse donc trois mois à l'institution pour "adopter une nouvelle décision démontrant d'une manière compréhensible et justifiée que les objectifs de politique monétaire ne sont pas disproportionnés", sans quoi la Bundesbank (la Banque centrale allemande) pourrait "ne plus participer à la mise en œuvre et à l'exécution des décisions de la BCE en cause". Autrement dit, l’Allemagne ne participerait plus aux rachats d'actifs ! Et Karlsruhe de rappeler d’un ton infantilisant à la BCE que l'Union européenne n'est pas devenue "un État fédéral" et que les États membres restent les "maîtres des traités".
Mais ce n'est pas tout : la Cour de justice de l’union européenne (CJUE), qui a validé fin 2018 l’usage du "bazooka monétaire" par Mario Draghi, en prend également pour son grade : les juges allemands estiment sobrement que "l’examen entrepris par la CJUE pour déterminer si les décisions de la BCE satisfont au principe de proportionnalité n’est pas compréhensible". Tout simplement ! "C’est un texte hallucinant, incroyablement violent", analyse sous couvert d’anonymat un banquier expert du sujet. Une saillie qui traduit, selon lui, la "méfiance congénitale de l’élite allemande vis-à-vis du fonctionnement de l’UE".[
https://www.marianne.net/economie/bce-m ... europeenne