[Covid-19] Huit chiffres pour comprendre l’impact du confinement sur le réseau électrique
AURÉLIE BARBAUX Usine Nouvelle 22/04/2020
Dans une note claire et bien documentée, France Stratégie explique que les circonstances sanitaires actuelles ont engendré une situation proprement inédite d’un point de vue énergétique, avec une chute de la consommation et des prix de marché, ainsi qu'une fragilisation du système à long terme. L’Usine Nouvelle vous la résume en huit chiffres.
-15 % à -20 % de consommation
Le confinement de la population en France a entraîné une baisse de la consommation journalière d’électricité de l’ordre de 15 % à 20 % en moyenne. Du fait du ralentissement de l’activité économique, elle s’apparente actuellement à ce qu’elle est un jour férié en temps normal, avec notamment un effacement de la pointe matinale.
300 TWh de nucléaire chez EDF
Face à la baisse de la consommation, à une pénurie de compétences pour assurer les opérations de maintenance sur son parc, EDF a annoncé qu’il allait arrêter des réacteurs cet été et à l’automne pour assurer l’approvisionnement de l’hiver 2020 -2021. L’opérateur national estime ainsi que sa production nucléaire annuelle sera de l’ordre de 300 térawattheure (TWh) en 2020 (contre 375 à 390 TWh prévus initialement) et comprise entre 330 TWh et 360 TWh chaque année en 2021 et en 2022. Des chiffres à prendre avec précaution, selon France stratégie qui écrit que "la plus grande incertitude règne sur son évolution future, qui dépendra de la vigueur de la reprise et de sa nature".
20 €/MWh sur les marchés
Les énergies renouvelables et le nucléaire, aux coûts de production marginaux les plus bas, étant prioritaires sur le réseau, en cas de baisse de la demande, les prix de marché baissent aussi. Ils sont passés d’environ 50-55 €/MWh en début d’année à 20 €/MWh depuis le début du confinement.
Pour les fournisseurs alternatifs, qui avaient massivement réservé de l’électricité nucléaire au prix de l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) de 42 euros alors que leur vente diminue, l’effet ciseaux est dévastateur. Et ils n’ont pas obtenu l’annulation par la Commission de régulation de l’énergie de leur réservation pour cause de force majeure. Seule EDF, y gagne finalement, qui voit ainsi garantir un prix d’achat pour au moins un tiers (100 TWh) de sa production en 2020.
-91,37€/MWh en Belgique
Les énergies renouvelables étant prioritaires sur réseau, les centrales nucléaires compliquées à arrêter, lorsque la demande baisse et que les conditions météorologiques sont très favorables, les prix de marché de gros peuvent devenir négatifs. Cela arrive parfois en temps normal. Mais avec le confinement, ces épisodes se répètent. Le lundi 13 avril de Paques, l’électricité s’est ainsi échangée à -91,37€/MWh en Belgique, -70,1€/MWh en Allemagne et - 14,65 €/MWh en France.
+ 5% sur les tarifs consommateurs
Pour les consommateurs, pour lesquels la baisse des prix n’est pas répercutée, la baisse de la consommation pourrait même augmenter les tarifs ! En cause, la baisse des revenus des gestionnaires de réseau (RTE et Enedis en France), le tarif d’utilisation (Turpe) de leurs infrastructures étant indexé sur les kWh acheminés. Or, "leurs dépenses étant essentiellement constituées d’investissements, le Turpe devra nécessairement augmenter en 2021 pour couvrir ces dépenses", explique France Stratégie. Le réseau comptant pour moitié environ du prix hors taxe de d'électricité, une diminution de 10 % de la consommation induirait en première approximation une augmentation du tarif de 5 %.
-1,5 milliard d’euros pour la transition
Le confinement menace aussi le développement des énergies renouvelables. Pour deux raisons. D’abord parce que leur soutien va coûter plus cher. Avec un tarif d’achat garanti par l’État de l’ordre de 70 €/MWh (valeur moyenne pour l’éolien) et un prix de marché de 55 €/MWh, le coût du soutien est normalement de 15 €/MWh. Mais avec un prix de marché de 20 €/MWh, ce différentiel passe à 50 €/MWh.
Ensuite parce que la baisse de la consommation, des produits pétroliers cette fois, va entraîner une baisse des recettes fiscales issues de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE), censée alimenter le soutien aux renouvelables. Cette baisse serait de l’ordre de 1,5 milliard d’euros. Pour mémoire, en 2020, la CRE avait chiffré à 5,2 milliards d’euros le soutien aux énergies renouvelables électriques.
- 5 à - 10 euros la tonne de CO2
Suite à la chute de l’activité économique, le prix de la tonne de carbone sur le marché des quotas européen (ETS), a perdu 40 % début avril passant de 25 à 15 euros pour remonter mi-avril autour des 20 euros. Ce prix rend encore moins attractifs les investissements destinés à la baisse des émissions de CO2 et rend d’autant plus urgent l’installation d’un prix plancher demandé, notamment par le Haut conseil pour le Climat.
-5 % d'émissions
45 jours de confinement entraîneraient une réduction des rejets de CO2 de 58 % en Europe, et une baisse de 5 % en bilan annuel estime le cabinet Sia Partners. Une fausse bonne nouvelle, car avec un prix des énergies fossiles en chute libre (le baril de pétrole s'est même vendu à perte à New York le 20 avril), la relance risque de bénéficier aux énergies les moins chères mais les plus polluantes.