La Norvège, l’autre victime du pétrole
19/12/14
Pétro-monnaie par excellence, la couronne norvégienne a perdu du terrain face à l’euro et au dollar à mesure que le prix du brut déclinait. Le spécialiste des études sismiques Petroleum Geo-Services a lancé un avertissement sur ses résultats. La Norvège se prépare à une période difficile.
Lorsqu’on évoque l’impact négatif de la dégringolade des prix du pétrole sur les pays exportateurs, on songe souvent à la Russie, au Venezuela… A raison. Mais on pense moins à la Norvège. A tort. Car le Royaume est assis sur d’importantes réserves d’hydrocarbures. Septième exportateur et quatorzième producteur de pétrole au monde, la Norvège produit en moyenne 1,467 million de barils par jour en novembre, un chiffre en recul depuis qu’a éclaté la crise du pétrole. Cette prédominance du secteur de l’énergie dans la vie du Royaume se reflète dans la composition de l’indice phare de la Bourse d’Oslo.
Le compartiment énergétique pèse 29 % dans l’OBX, dont 18,2 % pour le géant pétro-gazier Statoil, contrôlé à 70 % par l’Etat et première pondération de l’indice. La Bourse norvégienne en inévitablement a fait les frais : entre le 9 et le 16 décembre, elle a cédé 4,8 %. Et 16 % depuis son plus haut annuel de la mi-juin, qui coïncide, à trois séances de Bourse près, avec le dernier pic du pétrole, à 115,71 dollars, le 19 juin. Dans le même temps, les premières alertes sur résultats sont lancées. Vendredi, le spécialiste des études sismiques Petroleum Geo-Services (PGS) a coupé dans ses prévisions de bénéfices 2014 tout en indiquant s'attendre à un résultat en baisse en 2015. La sanction a été immédiate : le titre s’effondre de 5,6 % à la mi-journée, ce qui porte sa perte annuelle à 34,4 %.
Pétro-monnaie européenne par excellence, la couronne norvégienne a aussi subi de plein fouet le choc pétrolier. Entre le 3 et le 16 décembre, la devise a perdu 7 % vis-à-vis de l’euro et presque autant face au dollar. Aujourd’hui, il faut 9,13 couronnes pour obtenir un euro, après un sommet à 9,9183 mercredi, un niveau inédit depuis décembre 2008 ! Face au billet vert, la couronne a touché un plus bas de douze ans.
Certains experts n’excluent pas que la chute se prolonge en direction de 10 couronnes pour 1 euro. « En l’état actuel, la couronne norvégienne baissera tant que les cours du pétrole continuera de plonger, commente Marc Olivier, directeur général France de Nordea Investment Funds. Ajoutons également que le mois de décembre se caractérise par une faible liquidité du marché norvégien, rendant la couronne encore plus volatile. » A plus long terme, le gérant se veut confiant : selon lui, la devise se renforcera sous le double effet de la stabilisation des cours du brut et de la dépréciation de l’euro résultant de l’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne.
Prévisions de croissance ajustées
Si la majorité des pays européens se réjouit de la baisse des prix du brut, synonyme, à leurs yeux, de pouvoir d’achat supplémentaire, les Norvégiens, eux, font grise mine. Car les perspectives économiques du Royaume s’affaiblissent à mesure que le pétrole enchaîne les plus bas. Mardi, le baril est tombé à 58,50 dollars pour la référence du Brent de la mer du Nord. Selon le Bureau central de la statistique (SSB), les investissements pétroliers, qui représentent aujourd’hui 10 % du PIB, devraient se contracter dès cette année et au cours des quatre suivantes. La baisse est évaluée à 10 % en 2015. Face à une telle situation, la banque centrale européenne a décidé de prendre le taureau par les cornes. Le 11 décembre, la Norges Bank a réduit son taux directeur de 25 points de base, à 1,25 %, et le marché s’attend à deux nouvelles baisses d’une même ampleur l’année prochaine. Parallèlement, elle a raboté ses prévisions pour 2015 : elle table désormais sur une croissance de 1,5 %, hors secteur du pétrole et du gaz offshore, et non de 2,25 %. Le chômage, qui figure incontestablement parmi les plus bas de l’Union européenne, avec un taux de 3,7 % en octobre, selon les dernières données d’Eurostat, repartira à la hausse, quand les salaires seront compressés, poussant les ménages à l’épargne.
« Avec un cours du pétrole bas et des révisions continuellement à la baisse, la Bourse d’Oslo ne devrait pas surperformer les autres marchés développés en 2015, analyse Marc Olivier. Pourtant, la couronne norvégienne faiblissant, les sociétés générant des revenus en dollars avec des charges en couronnes norvégiennes vont augmenter leurs marges, comme Norsk Hydro. » Les valeurs norvégiennes sont aussi devenus plus abordables. L’indice OBX se paie ainsi 12,3 fois les bénéfices 2014, selon les estimations du consensus Bloomberg, contre 14,4 fois pour l’Euro Stoxx 50 et 15,5 fois pour l’Euro Stoxx 600. « Sur le long terme, il y a des opportunités à saisir sur le marché des actions norvégiennes », conclut le gérant.