La croissance est-elle condamnée ?
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- Kérogène
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Vive la récession !:)
Jusqu’où la croissance doit-elle se poursuivre ? Pour George Monbiot, « nous
avons d’ores et déjà atteint le point où il faut logiquement s’arrêter. »
Par George Monbiot, The Guardian, 9 octobre 2007 - extraits
Si vous êtes sensible, je vous conseille de tourner la page. Je m’apprête à
briser le dernier tabou universel ; j’espère que la récession prédite par
certains économistes se matérialisera. Je reconnais que la récession est
quelque chose de douloureux. Comme tout le monde, je suis conscient qu’elle
ferait perdre à certains leurs emplois et leurs logements. Je ne nie pas ces
conséquences ni les souffrances qu’elles infligent, mais je rétorquerai
qu’elles sont le produit parfaitement évitable d’une économie conçue pour
maximiser la croissance, et non le bien-être. Ce dont j’aimerais vous faire
prendre conscience est bien moins souvent évoqué : c’est que, au-delà d’un
certain point, la souffrance est également le fruit de la croissance
économique.
Le changement climatique ne provoque pas seulement un déclin du bien-être :
passé une certaine limite, il le fait disparaître. En d’autres termes, il
menace la vie de centaines de millions de personnes. Quels que soient leurs
efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les
gouvernements se heurtent à la croissance économique. Si la consommation
d’énergie s’accroît moins vite à mesure qu’une économie arrive à maturité,
aucun pays n’a encore réussi à la réduire tout en augmentant son produit
intérieur brut. Au Royaume-Uni, les émissions de dioxyde de carbone sont
plus élevées qu’en 1997, en raison notamment des soixante trimestres de
croissance consécutifs dont ne cesse de se vanter [le Premier ministre]
Gordon Brown. Une récession dans les pays riches représenterait sans doute
le seul espoir de gagner du temps afin d’empêcher le changement climatique
de devenir incontrôlable.
L’énorme amélioration du bien-être des humains dans tous les domaines -
logement, nutrition, hygiène, médecine - depuis deux cents ans a été rendue
possible par la croissance économique, ainsi que par l’éducation, la
consommation, l’innovation et le pouvoir politique qu’elle a permis. Mais
jusqu’où doit-elle aller ? Autrement dit, à quel moment les gouvernements
décident-ils que les coûts marginaux de la croissance dépassent les
bénéfices marginaux ? La plupart n’ont pas de réponse à cette question. La
croissance doit se poursuivre, pour le meilleur et pour le pire. Il me
semble que, dans les pays riches, nous avons d’ores et déjà atteint le point
où il faut logiquement s’arrêter.
Je vis actuellement dans l’un des endroits les plus pauvres du Royaume-Uni.
Ici, les adolescents dépensent beaucoup d’argent chez le coiffeur, ils
s’habillent à la dernière mode et sont équipés d’un téléphone portable. La
plupart de ceux qui sont en âge de conduire possèdent une voiture, qu’ils
utilisent tout le temps et bousillent en quelques semaines. Leur budget
essence doit être astronomique. Ils sont libérés de la terrible pauvreté
dont ont souffert leurs grands-parents ; nous devrions nous en féliciter et
ne jamais l’oublier. Mais, à une exception majeure - le logement, dont le
prix est surévalué -, qui osera prétendre qu’il est impossible de satisfaire
les besoins fondamentaux de tous dans les pays riches ?
Les gouvernements adorent la croissance parce qu’elle les dispense de
s’attaquer aux inégalités. Comme Henry Wallich, un ancien gouverneur de la
Réserve fédérale américaine [de 1974 à 1986], l’a un jour fait remarquer en
défendant le modèle économique actuel, “la croissance est un substitut à
l’égalité des revenus. Tant qu’il y a de la croissance, il y a de l’espoir,
et cela rend tolérables les grands écarts de revenus.” La croissance est un
sédatif politique qui étouffe la contestation, permet aux gouvernements
d’éviter l’affrontement avec les riches, empêche de bâtir une économie juste
et durable. La croissance a permis la stratification sociale que même le
Daily Mail [quotidien conservateur] déplore aujourd’hui.
Existe-t-il quelque chose que l’on pourrait raisonnablement définir comme
relevant du bien-être et que les riches n’ont pas encore ? Il y a trois
mois, le Financial Times a publié un article sur la façon dont les grands
magasins s’efforcent de satisfaire “le client qui est vraiment arrivé”. Mais
son sujet implicite est que personne n’“arrive”, car la destination ne cesse
de changer. Le problème, explique un cadre de Chanel, est que le luxe s’est
“surdémocratisé”. Les riches doivent donc dépenser de plus en plus pour
sortir du lot : aux Etats-Unis, le marché des biens et services destinés à
les y aider pèse près de 1 000 milliards d’euros par an. Si vous voulez être
certain que l’on ne peut vous confondre avec un être inférieur, vous pouvez
désormais acheter des casseroles en or et diamants chez Harrod’s.
Sans aucune ironie délibérée, l’article était accompagné de la photo d’un
cercueil. Il s’agit d’une réplique de celui de lord Nelson, fabriquée avec
du bois provenant du bateau sur lequel il est mort, que l’on peut s’offrir
pour un prix faramineux dans la nouvelle section du grand magasin Selfridges
dédiée à l’hyperluxe. Sacrifier sa santé et son bonheur pour pouvoir se
payer cette horreur témoigne certainement d’un trouble mental grave.
N’est-il pas temps de reconnaître que nous avons touché la Terre promise et
que nous devrions chercher à y rester ? Pourquoi voudrions-nous la quitter
pour explorer un désert souillé par une frénésie de consommation suivie d’un
effondrement écologique ?
Pour les gouvernements du monde riche, la politique raisonnable à mener
désormais n’est-elle pas de maintenir des taux de croissance aussi proches
de zéro que possible ? Mais, parce que le discours politique est contrôlé
par des gens pour qui l’accumulation d’argent est la principale finalité,
une telle politique semble impossible. Aussi désagréable qu’elle soit, il
est difficile d’imaginer ce qui, à part une récession accidentelle, pourrait
empêcher la croissance économique de nous expulser du pays de Canaan pour
nous expédier dans le désert.
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avons d’ores et déjà atteint le point où il faut logiquement s’arrêter. »
Par George Monbiot, The Guardian, 9 octobre 2007 - extraits
Si vous êtes sensible, je vous conseille de tourner la page. Je m’apprête à
briser le dernier tabou universel ; j’espère que la récession prédite par
certains économistes se matérialisera. Je reconnais que la récession est
quelque chose de douloureux. Comme tout le monde, je suis conscient qu’elle
ferait perdre à certains leurs emplois et leurs logements. Je ne nie pas ces
conséquences ni les souffrances qu’elles infligent, mais je rétorquerai
qu’elles sont le produit parfaitement évitable d’une économie conçue pour
maximiser la croissance, et non le bien-être. Ce dont j’aimerais vous faire
prendre conscience est bien moins souvent évoqué : c’est que, au-delà d’un
certain point, la souffrance est également le fruit de la croissance
économique.
Le changement climatique ne provoque pas seulement un déclin du bien-être :
passé une certaine limite, il le fait disparaître. En d’autres termes, il
menace la vie de centaines de millions de personnes. Quels que soient leurs
efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les
gouvernements se heurtent à la croissance économique. Si la consommation
d’énergie s’accroît moins vite à mesure qu’une économie arrive à maturité,
aucun pays n’a encore réussi à la réduire tout en augmentant son produit
intérieur brut. Au Royaume-Uni, les émissions de dioxyde de carbone sont
plus élevées qu’en 1997, en raison notamment des soixante trimestres de
croissance consécutifs dont ne cesse de se vanter [le Premier ministre]
Gordon Brown. Une récession dans les pays riches représenterait sans doute
le seul espoir de gagner du temps afin d’empêcher le changement climatique
de devenir incontrôlable.
L’énorme amélioration du bien-être des humains dans tous les domaines -
logement, nutrition, hygiène, médecine - depuis deux cents ans a été rendue
possible par la croissance économique, ainsi que par l’éducation, la
consommation, l’innovation et le pouvoir politique qu’elle a permis. Mais
jusqu’où doit-elle aller ? Autrement dit, à quel moment les gouvernements
décident-ils que les coûts marginaux de la croissance dépassent les
bénéfices marginaux ? La plupart n’ont pas de réponse à cette question. La
croissance doit se poursuivre, pour le meilleur et pour le pire. Il me
semble que, dans les pays riches, nous avons d’ores et déjà atteint le point
où il faut logiquement s’arrêter.
Je vis actuellement dans l’un des endroits les plus pauvres du Royaume-Uni.
Ici, les adolescents dépensent beaucoup d’argent chez le coiffeur, ils
s’habillent à la dernière mode et sont équipés d’un téléphone portable. La
plupart de ceux qui sont en âge de conduire possèdent une voiture, qu’ils
utilisent tout le temps et bousillent en quelques semaines. Leur budget
essence doit être astronomique. Ils sont libérés de la terrible pauvreté
dont ont souffert leurs grands-parents ; nous devrions nous en féliciter et
ne jamais l’oublier. Mais, à une exception majeure - le logement, dont le
prix est surévalué -, qui osera prétendre qu’il est impossible de satisfaire
les besoins fondamentaux de tous dans les pays riches ?
Les gouvernements adorent la croissance parce qu’elle les dispense de
s’attaquer aux inégalités. Comme Henry Wallich, un ancien gouverneur de la
Réserve fédérale américaine [de 1974 à 1986], l’a un jour fait remarquer en
défendant le modèle économique actuel, “la croissance est un substitut à
l’égalité des revenus. Tant qu’il y a de la croissance, il y a de l’espoir,
et cela rend tolérables les grands écarts de revenus.” La croissance est un
sédatif politique qui étouffe la contestation, permet aux gouvernements
d’éviter l’affrontement avec les riches, empêche de bâtir une économie juste
et durable. La croissance a permis la stratification sociale que même le
Daily Mail [quotidien conservateur] déplore aujourd’hui.
Existe-t-il quelque chose que l’on pourrait raisonnablement définir comme
relevant du bien-être et que les riches n’ont pas encore ? Il y a trois
mois, le Financial Times a publié un article sur la façon dont les grands
magasins s’efforcent de satisfaire “le client qui est vraiment arrivé”. Mais
son sujet implicite est que personne n’“arrive”, car la destination ne cesse
de changer. Le problème, explique un cadre de Chanel, est que le luxe s’est
“surdémocratisé”. Les riches doivent donc dépenser de plus en plus pour
sortir du lot : aux Etats-Unis, le marché des biens et services destinés à
les y aider pèse près de 1 000 milliards d’euros par an. Si vous voulez être
certain que l’on ne peut vous confondre avec un être inférieur, vous pouvez
désormais acheter des casseroles en or et diamants chez Harrod’s.
Sans aucune ironie délibérée, l’article était accompagné de la photo d’un
cercueil. Il s’agit d’une réplique de celui de lord Nelson, fabriquée avec
du bois provenant du bateau sur lequel il est mort, que l’on peut s’offrir
pour un prix faramineux dans la nouvelle section du grand magasin Selfridges
dédiée à l’hyperluxe. Sacrifier sa santé et son bonheur pour pouvoir se
payer cette horreur témoigne certainement d’un trouble mental grave.
N’est-il pas temps de reconnaître que nous avons touché la Terre promise et
que nous devrions chercher à y rester ? Pourquoi voudrions-nous la quitter
pour explorer un désert souillé par une frénésie de consommation suivie d’un
effondrement écologique ?
Pour les gouvernements du monde riche, la politique raisonnable à mener
désormais n’est-elle pas de maintenir des taux de croissance aussi proches
de zéro que possible ? Mais, parce que le discours politique est contrôlé
par des gens pour qui l’accumulation d’argent est la principale finalité,
une telle politique semble impossible. Aussi désagréable qu’elle soit, il
est difficile d’imaginer ce qui, à part une récession accidentelle, pourrait
empêcher la croissance économique de nous expulser du pays de Canaan pour
nous expédier dans le désert.
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- Gauss
- Kérogène
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- Inscription : 26 janv. 2007, 12:49
- Localisation : Lyon
Re: Vive la récession !:)
Je suis d'accord dans le fond : la croissance (très fortement liée à la notion de progrès d'après-guerre) nous a permis d'allonger notre durée de vie, de librérer du temps pour l'éducation et les loisirs, de se déplacer facilement... ce qui est plutôt positif !!!
Le problème c'est qu'actuellement on tente de poursuivre cette course effreinée et irraisonnée, comme des enfants capricieux et gâtés.
La preuve est le tapage fait sur le "pouvoir d'achat", notion très malsaine à mon goût qui veut doper notre inconscient pour développer notre "vouloir d'achat" et générer de nouvelles frustrations... sans parler de la publicité omniprésente partout.
Par contre je suis partisan d'une "croissance raisonnée" justement, plus orientée sur le développement des énergies renouvelables et le partage des richesses. Je pense donc que le problème n'est pas la croissance en elle-même, mais plutôt la croissance économique sous la forme du capitalisme. Pourquoi pas piloter un pays par des indicateurs sociaux et environnementaux ? Ce n'est pas d'ailleurs le rôle d'un gouvernement que d'assurer la prospérité de ses citoyens ?
Le problème c'est qu'actuellement on tente de poursuivre cette course effreinée et irraisonnée, comme des enfants capricieux et gâtés.
La preuve est le tapage fait sur le "pouvoir d'achat", notion très malsaine à mon goût qui veut doper notre inconscient pour développer notre "vouloir d'achat" et générer de nouvelles frustrations... sans parler de la publicité omniprésente partout.
Par contre je suis partisan d'une "croissance raisonnée" justement, plus orientée sur le développement des énergies renouvelables et le partage des richesses. Je pense donc que le problème n'est pas la croissance en elle-même, mais plutôt la croissance économique sous la forme du capitalisme. Pourquoi pas piloter un pays par des indicateurs sociaux et environnementaux ? Ce n'est pas d'ailleurs le rôle d'un gouvernement que d'assurer la prospérité de ses citoyens ?
"Ne pas prévoir, c'est déjà gémir..."
Léonard de Vinci
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- GillesH38
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- Inscription : 10 sept. 2005, 17:07
- Localisation : Berceau de la Houille Blanche !
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Re: Vive la récession !:)
si, le problème est fondamentalement dans la croissance. N'importe quel mode de vie, aussi vertueux soit-il, multiplié par un facteur exponentiel, devient infini. Seuls les modes de vie quasi-stationnaire au moins au point de vue de la consommation et de la démographie sont stables, la seule chose que tu peux faire, ce sont des changements qualitatifs qui ne se mesurent pas en terme d'indicateur chiffré croissant.Gauss a écrit : Par contre je suis partisan d'une "croissance raisonnée" justement, plus orientée sur le développement des énergies renouvelables et le partage des richesses. Je pense donc que le problème n'est pas la croissance en elle-même, mais plutôt la croissance économique sous la forme du capitalisme. Pourquoi pas piloter un pays par des indicateurs sociaux et environnementaux ? Ce n'est pas d'ailleurs le rôle d'un gouvernement que d'assurer la prospérité de ses citoyens ?
Zan, zendegi, azadi. Il parait que " je propage la haine du Hamas".
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- Brut léger
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- Inscription : 09 sept. 2007, 23:16
Re: La croissance est-elle condamnée ?
Est-ce que quelqu'un connait ce chiffre : part de l'immobilier dans le PIB de la France ?
"C’est ainsi que ce qui peut l’aider et l’aiderait, devient sa perte, comme toute énergie mal employée."
- AJH
- Hydrogène
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- Inscription : 28 juil. 2005, 07:20
- Contact :
Re: Vive la récession !:)
A croissance globale zéro, on peut aussi augmenter la croissance (consommation) d'une part de la population initialement défavorisée et diminuer celle d'autres catégories initialement trop favorisées. C'est à cela que doivent aussi servir les impôts.GillesH38 a écrit :la seule chose que tu peux faire, ce sont des changements qualitatifs qui ne se mesurent pas en terme d'indicateur chiffré croissant.
Malheureusement, en 30 ans (avec une marche marquée en 84, de mémoire) , la part des revenus du travail dans le PIB a baissé de 10%, au bénéfice de la part des revenus du capital.
Vous voulez les misérables secourus, moi je veux la misère supprimée ( Victor Hugo )
Sociétal et Dette et monnaie
Signez la pétition " POUR QUE L'ARGENT NOUS SERVE, AU LIEU DE NOUS ASSERVIR ! "
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- Hydrogène
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- Inscription : 18 sept. 2005, 10:58
- Localisation : Finis Terae
Re: La croissance est-elle condamnée ?
Bon, c'était juste pour dire que je voulais dire la même chose que AJH, grillé.
On peut rajouter que comme le revenu du capital concerne beaucoup moins de bénéficiaires que ceux du travail on comprend pourquoi les revenus des plus riches ont explosé en trois décennies.
Aux USA le taux maximal d'imposition sur le revenu est de 35%, il est de 15% sur les revenus du capital, choisi ton camp camarade.
Bizarrement je ne connais pas les chiffres français, mais je me demande si le différentiel n'est pas encore plus grand.
Patrick
On peut rajouter que comme le revenu du capital concerne beaucoup moins de bénéficiaires que ceux du travail on comprend pourquoi les revenus des plus riches ont explosé en trois décennies.
Aux USA le taux maximal d'imposition sur le revenu est de 35%, il est de 15% sur les revenus du capital, choisi ton camp camarade.
Bizarrement je ne connais pas les chiffres français, mais je me demande si le différentiel n'est pas encore plus grand.
Patrick
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- Gaz naturel
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Re: La croissance est-elle condamnée ?
Un point fondamental. Je me souviens d'une émission où un intervenant expliquait qu'il fallait en finir avec la croissance, alors le représentant du gouvernement(Eric Woerth si je me souviens bien) avait répondu "mais nous avons besoin de la croissance". C'est tout le problème. Notre société, à moins de transformations radicales et peu probables, doit, comme un cycliste, toujours continuer à avancer pour ne pas tomber, ...quitte à aller dans le mur.Les gouvernements adorent la croissance parce qu’elle les dispense de s’attaquer aux inégalités. Comme Henry Wallich, un ancien gouverneur de la Réserve fédérale américaine [de 1974 à 1986], l’a un jour fait remarquer en défendant le modèle économique actuel, “la croissance est un substitut à l’égalité des revenus. Tant qu’il y a de la croissance, il y a de l’espoir, et cela rend tolérables les grands écarts de revenus.” La croissance est un sédatif politique qui étouffe la contestation, permet aux gouvernements d’éviter l’affrontement avec les riches, empêche de bâtir une économie juste
et durable.
- phyvette
- Modérateur
- Messages : 13164
- Inscription : 19 janv. 2006, 03:34
Re: La croissance est-elle condamnée ?
Seiya a écrit :Est-ce que quelqu'un connait ce chiffre : part de l'immobilier dans le PIB de la France ?

LIEN

пошел на хуй пу́тин

- paradigme
- Hydrogène
- Messages : 1431
- Inscription : 23 mai 2006, 22:56
Re: La croissance est-elle condamnée ?
C'est toute la différence entre les modernes et les primitifs ! Les dominants de la modernité sont pour l'enrichissement des plus riches car ils estiment que tout le monde en tire profit grâce à la croissance ! A contrario les chefs primitifs pensent qu'il faut la pauvreté pour tous, car elle est gage de liens sociaux et de préservation des ressources. Gandhi souhaitait faire le lien entre les deux mais il n'a pas -assez- vu venir les affres de la modernité et la mondialisation de l'économie qui dévaste tout sur son passage.ABC a écrit :Les gouvernements adorent la croissance parce qu’elle les dispense de s’attaquer aux inégalités. Comme Henry Wallich, un ancien gouverneur de la Réserve fédérale américaine [de 1974 à 1986], l’a un jour fait remarquer en défendant le modèle économique actuel, “la croissance est un substitut à l’égalité des revenus. Tant qu’il y a de la croissance, il y a de l’espoir, et cela rend tolérables les grands écarts de revenus.” La croissance est un sédatif politique qui étouffe la contestation, permet aux gouvernements d’éviter l’affrontement avec les riches, empêche de bâtir une économie juste
et durable.
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- Hydrogène
- Messages : 6428
- Inscription : 21 nov. 2005, 17:42
- Localisation : versailles
Re: La croissance est-elle condamnée ?
Il y a qq jours un documentaire sur l'Inde et Gandhi passait sur Arte. Il est vrai que Gandhi serait actuellement horrifié par la société de consommation et la croissance en Inde. Mais il faut reconnaitre aussi que depuis la mondialisation (honnie par beaucoup sur de forum) une classe moyenne a émergé en Inde. Et qu'elle profite à plein de l'occidentalisation : voitures, produits et boutiques de luxe, mode ... Pour tous ces indiens (surtout les plus jeunes) le mode de vie ascétique de Gandhi est plutot un repoussoir.paradigme a écrit :A contrario les chefs primitifs pensent qu'il faut la pauvreté pour tous, car elle est gage de liens sociaux et de préservation des ressources. Gandhi souhaitait faire le lien entre les deux mais il n'a pas -assez- vu venir les affres de la modernité et la mondialisation de l'économie qui dévaste tout sur son passage.
Voilà bien le paradoxe :
Quelques esprits éclairés occidentaux (plutot surreprésentés sur ce forum) pronent la décroissance et un mode de vie économe et vertueux. Gandhi fournissant par ailleurs un bon modèle. La "mondialisation" représentant ce qu'il y a de pire.
D'autre part, des peuples (Inde mais aussi Chine, Russie ...) ayant gouté à ce mode de vie ascétique (grâce à des économies "bien" dirigées) pendant longtemps n'aspirent qu'à une seule chose : consommer comme nous. Et, grâce à la "mondialisation" et à l'économie de marché ils y arrivent ! Certes la classe moyenne profitant de cette nouvelle richesse est encore minoritaire mais sa croissance est impressionnante. Et, par exemple, les plus pauvres n'aspirent qu'à une chose : basculer dans les classes moyennes.
Bref, comme d'habitude, l'être humain est contradictoire : certains "riches", minoritaires, (les décroissants) aspirent à une vie plus sobre. Par contre, les "pauvres" aspirent à une vie plus riche.
Une hypothèse, en passant. Avec le PO, je suppose que cet élan vers la "modernité" de ces grands pays (Chine, Inde, Brésil ...) va être brisé net. De meme, les pays riches comme le notre vont devenir "sobres" (pour ne pas dire pauvres).
Maintenant, au bout de qq dizaines d'années de cette vie ascétique (et probablement encore plus violente qu'actuellement) un miracle arrive : du pétrole "abiotique" arrive des profondeurs en quantité ! Va-t-on continuer notre mode de vie genre Gandhi ou Chine maoiste ou rebasculer dans la grande consommation ?
Il ne faut pas se leurrer : les "Gandhi volontaires" sont, étaient, et seront toujours ultra-minoritaires. Sauf sur Oleocene, bien sur.

La loi du "Toujours Plus" est gravée dans le marbre ! Meme si cela doit aboutir à une catastrophe, qui, pour tous les indiens (entre autres) qui sont sortis de la pauvreté n'est qu'une prédiction de déclinologues. Pour eux, globalement, tout va enfin de mieux de mieux !
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- Hydrogène
- Messages : 8227
- Inscription : 11 oct. 2005, 03:46
- Localisation : Limoges
Re: La croissance est-elle condamnée ?
Globalement vrai sceptique mais tu confond sobriété et ascétisme.
J'ai rien d'un ascéte mais je revendique en revanche la sobriété. Et les désirs de confort et de vie facile sont une chose, la réalité des limites du monde en sont une autre.
J'ai rien d'un ascéte mais je revendique en revanche la sobriété. Et les désirs de confort et de vie facile sont une chose, la réalité des limites du monde en sont une autre.
"Tu connaîtras la vérité et la vérité te rendra libre"
Saint Jean 8, 32
"Dans le spectacle la vérité est un moment du mensonge"
Debord
"Aucun compromis sur les principes, toutes les adaptations sur le terrain."
Anonyme
Saint Jean 8, 32
"Dans le spectacle la vérité est un moment du mensonge"
Debord
"Aucun compromis sur les principes, toutes les adaptations sur le terrain."
Anonyme
- Glycogène
- Hydrogène
- Messages : 3630
- Inscription : 05 oct. 2005, 00:06
- Localisation : Grenoble
Re: La croissance est-elle condamnée ?
Et ?sceptique a écrit :Quelques esprits éclairés occidentaux (plutot surreprésentés sur ce forum) pronent la décroissance et un mode de vie économe et vertueux. Gandhi fournissant par ailleurs un bon modèle. La "mondialisation" représentant ce qu'il y a de pire.
D'autre part, des peuples (Inde mais aussi Chine, Russie ...) ayant gouté à ce mode de vie ascétique (grâce à des économies "bien" dirigées) pendant longtemps n'aspirent qu'à une seule chose : consommer comme nous. Et, grâce à la "mondialisation" et à l'économie de marché ils y arrivent ! Certes la classe moyenne profitant de cette nouvelle richesse est encore minoritaire mais sa croissance est impressionnante. Et, par exemple, les plus pauvres n'aspirent qu'à une chose : basculer dans les classes moyennes.
Bref, comme d'habitude, l'être humain est contradictoire : certains "riches", minoritaires, (les décroissants) aspirent à une vie plus sobre. Par contre, les "pauvres" aspirent à une vie plus riche.
Ton exemple est faux : les décroissants aspire à une vie économe, mais leur modèle n'est pas la vie des pauvres dans les bidonvilles de Bombay !
Et que ces pauvres aspirent à sortir de la misère, c'est normal ! Et j'espère qu'il y arriveront.
Mais sortir de la misère ne signifie pas forcément avoir une voiture et une grande maison chacun ! Avec la consommation d'énergie que ça implique. La vie des (riches) occidentaux est peut être le modèle des pauvres d'Inde, mais il est possible de sortir de la misère sans pour autant gaspiller les ressources comme le font les occidentaux. Evidemment pour leur faire comprendre, il faudrait en premier que les occidentaux arrêtent de gaspiller les ressources...
Faux, c'est culturel. C'est peut être bien ancré dans nos cultures (Inde comprise) depuis qq millénaires, mais dans certaines cultures ce n'est pas du tout gravé dans le marbre. Ce qui ne veut pas dire que l'on doivent passer au mode de vie de ces cultures, mais ça prouve que l'on peut abandonner le paradigme de la croissance matérielle en se contentant d'une richesse matérielle constante, adaptée aux ressources disponibles, tout en ne ressentant pas de frustration.sceptique a écrit :La loi du "Toujours Plus" est gravée dans le marbre !
- sylva
- Gaz naturel
- Messages : 808
- Inscription : 03 juil. 2007, 17:09
Re: La croissance est-elle condamnée ?
il semble bien, en effet :Faux, c'est culturel. C'est peut être bien ancré dans nos cultures (Inde comprise) depuis qq millénaires, mais dans certaines cultures ce n'est pas du tout gravé dans le marbre. Ce qui ne veut pas dire que l'on doivent passer au mode de vie de ces cultures, mais ça prouve que l'on peut abandonner le paradigme de la croissance matérielle en se contentant d'une richesse matérielle constante, adaptée aux ressources disponibles, tout en ne ressentant pas de frustration.
Présentation de l’ouvrage de Marshall Sahlins :
"Age de pierre, âge d'abondance"
Qu'en est-il de l'économie dans les sociétés primitives ? À cette question fondamentale, la réponse classique de l'anthropologie économique est la suivante : l'économie archaïque est une économie de subsistance et de pauvreté, elle parvient au mieux à assurer la survie du groupe incapable de sortir du sous-développement technique. Le sauvage écrasé par son environnement écologique et sans cesse guetté par la famine et l'angoisse, telle est l'image habituellement répandue. Travestissement théorique et idéologique des faits, réplique ici tranquillement un anthropologue et économiste américain de réputation internationale. Passant des chasseurs australiens et Bochimans aux sociétés néolithiques d'agriculteurs primitifs telles qu'on pouvait encore les observer en Afrique ou en Mélanésie, au Viêt-nam ou en Amérique du Sud, relisant sans parti pris les textes connus et y ajoutant des données chiffrées, Marshall Sahlins affirme, avec autant d'esprit que d'érudition, que non seulement l'économie primitive n'est pas une économie de misère, mais qu'elle est la première et jusqu'à présent la seule société d'abondance. Comme le dit Pierre Clastres dans sa présentation : «Si l'homme primitif ne rentabilise pas son activité, c'est non pas parce qu'il ne sait pas le faire, mais parce qu'il n'en a pas envie.» Tout le dossier de la question est à reprendre.
La Terre est bleue comme une orange. Paul Eluard
Il n'y a que la fiction qui dise le vrai. Vladimir Nabokov
Un écran, ça empêche de voir ; c'est sa fonction.
Il n'y a que la fiction qui dise le vrai. Vladimir Nabokov
Un écran, ça empêche de voir ; c'est sa fonction.
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- Hydrogène
- Messages : 6428
- Inscription : 21 nov. 2005, 17:42
- Localisation : versailles
Re: La croissance est-elle condamnée ?
Mon exemple était Gandhi : il estimait ne manquer de rien. Et pourtant, à notre aune, il était objectivement très pauvre ...Glycogène a écrit :Ton exemple est faux : les décroissants aspire à une vie économe, mais leur modèle n'est pas la vie des pauvres dans les bidonvilles de Bombay !
Magnifique théorie (certains diraient langue de bois) ! Quand un Indien, Chinois, Russe (liste non limitiative) sort de la pauvreté que fait-il en pratique ?Glycogène a écrit :Mais sortir de la misère ne signifie pas forcément avoir une voiture et une grande maison chacun ! Avec la consommation d'énergie que ça implique. La vie des (riches) occidentaux est peut être le modèle des pauvres d'Inde, mais il est possible de sortir de la misère sans pour autant gaspiller les ressources comme le font les occidentaux.
Un exemple significatif ? Car pour les grandes populations (Inde, Chine, Russie, Brésil ...) c'est effectivemment pas évident. Peut être les Papous de Nouvelle Guinée ? Même eux, quand ils ont gouté à la vie "occidentale" ne reviennent pas majoritairement à leur vie ancestrale. C'est meme un thème biblique : celui qui a gouté une fois ...Glycogène a écrit :Faux, c'est culturel. C'est peut être bien ancré dans nos cultures (Inde comprise) depuis qq millénaires, mais dans certaines cultures ce n'est pas du tout gravé dans le marbre.sceptique a écrit :La loi du "Toujours Plus" est gravée dans le marbre !
Une autre culture qui était bien en harmonie avec son milieu : les Esquimaux. Maintenant, ils vivent dans des bungalows chauffés au fuel avec télévision, frigidaire (!), cuisine intégrée, 4x4, moto-neige ... "Petits" désagréménts : avec la bouffe Mac-Do ils sont obèses et diabétiques.
Le summum : leurs bungalows s'enfonçent à cause du dégel du permafrost (réchauffement climatique oblige). Ils ont donc trouvé la parade : congéler le sol sous leurs fondations avec des groupes électrogènes au fuel !
Elle est pas belle la vie ?
- sylva
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Re: La croissance est-elle condamnée ?
parce que souvent, quand leur milieu naturel n'a pas été tout simplement détruit ou rendu invivable (déforestation etc), le passage à un mode de vie occidental a, au passage, détruit les structures sociales traditionnelles ; le mode de vie, ce n'est pas seulement l'usage d'objets matériels : c'est aussi un tissu relationnel, une relation à la nature, une sociabilité etc...Peut être les Papous de Nouvelle Guinée ? Même eux, quand ils ont gouté à la vie "occidentale" ne reviennent pas majoritairement à leur vie ancestrale.
Le summum : leurs bungalows s'enfonçent à cause du dégel du permafrost (réchauffement climatique oblige). Ils ont donc trouvé la parade : congéler le sol sous leurs fondations avec des groupes électrogènes au fuel !

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La Terre est bleue comme une orange. Paul Eluard
Il n'y a que la fiction qui dise le vrai. Vladimir Nabokov
Un écran, ça empêche de voir ; c'est sa fonction.
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