Le Gabon a déjà lancé l'après-pétrole
MARIE-FRANCE CROS
Mis en ligne le 05/12/2005
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La diversification, thème central de la campagne présidentielle d'Omar Bongo, a déjà commencé au Gabon. Les secteurs des mines, des forêts, du tourisme et de la pêche sont l'objet d'attention.
Mais les Gabonais ont encore du chemin à faire.
Le président Omar Bongo du Gabon, qui vient de remporter un nouveau septennat après 38 ans de règne, a fait campagne, notamment, sur la reconversion de l'économie nationale par la diversification. «C'est devenu un leitmotiv mais il y a loin de la coupe aux lèvres», note un connaisseur du pays.
Le Gabon arrive en effet peu à peu au bout de ses réserves pétrolières, exploitées depuis 1956. Le pic de production, 18 millions de tonnes, a été atteint en 1997. Depuis 2000, on tourne autour des 13 millions. «Nous avons stabilisé la production», nous dit le ministre gabonais des Mines, Richard Onouviet.
La hausse du cours de l'or noir, ces derniers mois, offre en effet une marge de manoeuvre nouvelle. «Elle nous a donné un gain inattendu de 119 milliards de F. CFA sur les six premiers mois de 2005 et la variation pour le second semestre ne devrait pas être importante», ajoute le ministre. Du coup, d'anciens gisements sont remis en exploitation, avec des technologies nouvelles fournies par Total, capables d'aller chercher l'or noir plus loin.
Nouvelles découvertes
«On nous annonçait la fin du pétrole pour 2000-2002 et nous sommes toujours là», ironise Eric Chesnel, conseiller franco-gabonais du président Bongo. «Cinq ou six nouvelles découvertes ont été enregistrées, sur des sites qui entrent petit à petit en production», explique M. Onouviet. «Seuls 2,45pc du domaine pétrolier gabonais sont en production, 45pc en exploration et le reste n'a pas encore été exploré. On peut donc faire de nouvelles découvertes».
Malgré tout, le président Bongo a pris conscience de la nécessité de diversifier l'économie, dans le secteur des mines, de la pêche, des forêts et du tourisme.
«Le Gabon redynamise l'exploitation de manganèse», dont il est 2è producteur mondial (2,5 millions de tonnes en 2004) avec le Français Comilog, à Moanda et Franceville, souligne M. Onouviet. «Le gisement de Kondja entrera en exploitation dans deux ans et il y a encore un autre gisement plus au sud. De plus, nous sommes en pourparlers avec la Chine et le Brésil au sujet de l'exploitation du fer, marché tiré fortement à la hausse par les énormes besoins chinois, à Belinga. L'Etat gabonais prendra sa décision définitive sur l'attribution du gisement en février 2006».
Dans les limbes
L'exploitation du bois (2,2 millions de m3 en 2004) par des compagnies françaises, chinoises et malaisiennes fournit plus d'emplois, mais moins de ressources que les mines. C'est néanmoins un secteur phare, secoué cependant par une large absence de respect des normes environnementales. Il est en outre déforcé par le fait qu'il y a peu de transformation sur place, une situation que le gouvernement veut modifier. Pour le moment, le bois gabonais - essentiellement l'okoumé - est transformé en Chine et réexporté vers l'Europe.
L'agriculture est encore dans les limbes. Il y a très peu de production maraîchère: ayant tout misé sur le pétrole, le Gabon importe beaucoup d'aliments du Cameroun voisin, voire d'Afrique du Sud et de France. Côté industriel, la société belge SIAT a repris trois entreprises d'Etat exploitant l'huile de palme et le caoutchouc et relancé la production.
Quant au tourisme, dont la promotion est évoquée dans tous les discours, il n'a pas fait jusqu'ici l'objet d'efforts efficaces. Il n'y a que deux compagnies aériennes qui desservent Libreville (Air France et Air Gabon), le pays manque d'hôtels, dispense difficilement ses visas, est très mal pourvu en routes - un comble pour un pays pétrolier disposant de bitume - et est très cher puisque la majeure part des biens de consommation fournis au touriste est importée.
«Le potentiel est réel, mais loin d'être prêt», commentent plusieurs personnes interrogées sur le sujet.
© La Libre Belgique 2005