Le « paradoxe » du charbon en Chine : une production en baisse mais toujours plus de centrales
parue le 29 août 2025
Au premier semestre 2025, 21 gigawatts (GW) de centrales au charbon ont été mis en service en Chine, soit le niveau « le plus élevé au premier semestre depuis 2016 », selon une étude publiée le 25 août par le CREA (Centre for Research on Energy and Clean Air) et Global Energy Monitor (GEM). La part du charbon dans la production chinoise d'électricité continue toutefois de reculer.
De nouvelles capacités avant un pic des émissions
La progression actuelle des capacités de production au charbon - qui pourraient augmenter d'environ 80 GW sur l'ensemble de l'année 2025 - trouve sa source « en 2022-2023, avec deux nouveaux projets de centrales au charbon autorisés par semaine en moyenne, pour un total de plus de 100 GW approuvés par an ». En cause alors : « une réponse immédiate aux pénuries d'électricité », dont l'impact pourrait encore se faire sentir en 2026 et 2027, en l'absence d'une intervention politique, précise le CREA.
Au cours des 6 premiers mois de 2025, les débuts et relances de chantiers de centrales à charbon ont par ailleurs avoisiné 46 GW, « soit l'équivalent de la capacité totale de production d'électricité à partir du charbon de la Corée du Sud », note l'étude.
La Chine ralentit-elle pour autant sa transition ? Bien au contraire : le CREA rappelle que près de 500 GW de capacités solaires et éoliennes pourraient être installées au cours de l'ensemble de l'année 2025 en Chine. Le facteur de charge n'est certes pas le même pour ces différentes sources de production (celui des centrales à charbon atteignait en moyenne 57% en 2024) mais « le déploiement de l'énergie propre en Chine a atteint une ampleur sans précédent ».
Pour rappel, la Chine ambitionne d'atteindre un pic historique de ses émissions de CO2 à l'horizon 2030. Ce qui peut avoir un effet pervers potentiel, les promoteurs pouvant considérer« les années précédant cette échéance comme une période cruciale pour faire avancer leurs projets liés au charbon ».
Chute de la production des centrales à charbon
Les constructions de nouvelles centrales à charbon ne doivent toutefois pas faire oublier un point majeur : « la production d'électricité à partir du charbon a commencé à diminuer et cela va continuer avec l'envol spectaculaire des énergies renouvelables », souligne Cédric Philibert, consultant climat-énergie ayant longtemps travaillé à l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Les hausses de production des filières solaires et éoliennes font plus que couvrir la hausse de la demande chinoise d'électricité, rappelle-t-il. Et ce mouvement est « inéluctable ».
Concrètement, les productions des filières solaire et éolienne ont augmenté respectivement de 20% et 10,6% au 1er semestre 2025, alors que la consommation chinoise d'électricité s'est élevée de 3,7%. La production électrique des centrales à charbon chinoises a quant à elle reculé en termes absolus, malgré la hausse des capacités de ce parc. Et leur part dans la production chinoise d'électricité a chuté à 51% au 1er semestre 2025, contre 73% en 2016.
« Du fait de ses investissements massifs dans le solaire et l’éolien, le stockage de l’électricité, et avec un complément d’hydraulique et de nucléaire, le pays peut injecter trois fois plus d’électricité bas carbone dans le système qu’il y a dix ans », soulignait récemment Christian de Perthuis, fondateur de la Chaire Économie du Climat. « Cette électricité permet de faire face à l’électrification des usages, notamment dans le transport, sans générer d’émissions supplémentaires ».
Faible nombre de fermetures de centrales
À l'avenir, « les centrales à charbon vont intervenir en appui du développement des renouvelables, à l'image du gaz en Europe, jusqu'à chuter à une part de 2 à 10% de la production d'électricité », estime Cédric Philibert.
Alors que seuls 1 GW de capacités au charbon ont été arrêtées en Chine au 1er semestre 2025 (il faudrait en arrêter encore 13 GW d'ici fin 2025 pour atteint l'objectif du 14e Plan quinquennal chinois), on peut légitimement s'interroger dans ce contexte sur les raisons de ce faible nombre de fermetures et sur la rentabilité des centrales maintenues en service.
Avec le développement très rapide des filières solaire et éolienne (qui ont compté en cumul pour 26% du mix électrique chinois au 1er semestre 2025), Cédric Philibert évoque une possible crainte liée à la stabilité des réseaux sur un territoire immense, mais aussi une « question d'emplois », avec de possibles fortes tensions entre le pouvoir central et les provinces.
Le parc nucléaire chinois, malgré les très nombreux chantiers en cours de construction (29 actuellement), compte encore pour sa part pour un peu moins de 5% du mix électrique chinois.
Du charbon pas uniquement pour produire de l'électricité
Mais l'usage du charbon en Chine ne se résume pas à la production d'électricité. À la baisse dans ce secteur s'ajoute « le ralentissement de la construction, avec moins d'acier et de ciment qui sont largement produits en Chine à partir du charbon », constate Cédric Philibert.
En revanche, les produits qui sont généralement issus de la pétrochimie (plastique, ammoniac pour des engrais azotés, etc.) dans le reste du monde « sont fabriqués en Chine à partir du charbon, le pays ne disposant pas d'importantes réserves de pétrole et de gaz ». Même constat pour la production d'hydrogène.
In fine, le recul du charbon à des fins de production d'électricité devrait compenser la hausse de sa consommation dans ce secteur et la Chine devrait suivre la trajectoire des États-Unis et d'une grande partie de l'Europe, anticipe Cédric Philibert, qui souligne « d'autres sujets d'inquiétude comme l'Indonésie ou le Vietnam ».
Un rôle central à jouer dans la lutte contre le changement climatique
La Chine devrait annoncer de nouveaux objectifs en matière d'émissions et d'énergie dans les prochains mois, en publiant son 15e plan quinquennal pour la période 2026-2030. Xi Jinping avait promis en avril dernier que le pays détaillerait ses engagements pour 2035, avant la COP30 de Bélem qui aura lieu en novembre.
Lors des négociations climatiques, la Chine joue - malgré son poids majeur dans les émissions mondiales - « un rôle plutôt positif », juge Cédric Philibert. Historiquement, « c'est toujours la Chine qui au dernier moment a fait le petit pas de sorte que la négociation ne soit pas rompue ». En convainquant notamment des pays plus récalcitrants à tout engagement comme l'Inde et les pays pétroliers du Moyen-Orient, et pour cause : « personne ne voulait se confronter à la Chine ».
En matière de transition énergétique, la Chine est d'ailleurs « en avance sur tous ses objectifs sauf le nucléaire, de 5 ans sur les énergies renouvelables », souligne Cédric Philibert. « Le pays sait aujourd'hui que le changement climatique est un danger pour elle comme les autres pollutions, avec une vigilance notamment sur les rendements de ses cultures. Et la Chine en a fait le cœur de sa stratégie industrielle, en devenant la championne du solaire photovoltaïque, des véhicules électriques et des batteries notamment ». Tout en mettant en œuvre cette révolution sur son propre territoire.
La Chine a « déjà indiqué qu’elle comptait mettre le pied sur l’accélérateur en matière de transition bas carbone, en réaction à la stratégie trumpienne en faveur des énergies fossiles. Elle va également renforcer sa pénétration commerciale dans les autres pays asiatiques, tant en matière d’électrification des transports terrestres que d’infrastructures fournissant de l’électricité renouvelable », prévoit Christian de Perthuis.