par energy_isere » 26 févr. 2025, 00:58
Cobalt : la République démocratique du Congo suspend ses exportations
Une offre surabondante ayant entraîné une chute des prix du métal, Kinshasa, principal pays producteur, met ses exportations en pause dans l’objectif de relancer son cours.
Julien Gouesmat le 25/02/25 LaTribune
Ses prix n'étaient pas tombés aussi bas depuis près de dix ans. Le cobalt, longtemps présenté comme un métal stratégique, essentiel dans la conception des batteries, a vu son cours péricliter au cours des dernières années. La faute à une offre largement excédentaire venue de République démocratique du Congo. Lundi 24 février, Kinshasa — principal producteur du métal — a annoncé suspendre ses exportations durant quatre mois dans le but de faire rebondir le cours.
Une offre excédentaire
Le décret ministériel aurait été signé samedi dernier et s'applique sur tous les acteurs présents en République démocratique du Congo, y compris les principales entreprises extractrices du cobalt, Glencore et le chinois CMOC.
Ce dernier, initialement connu pour sa production de molybdène, est particulièrement responsable de la récente chute des prix. Avec l'ouverture d'une deuxième mine en 2023, CMOC a doublé sa production au cours de l'année 2024. Au même moment, l'Indonésie augmentait également la cadence de production, inondant les marchés d'un métal pourtant considéré comme stratégique il y a quelques années.
L'annonce de Kinshasa est donc brutale, sans pour autant être efficace selon des experts contactés par La Tribune. En effet selon ces derniers, le cours du cobalt ne devrait pas s'envoler, en raison de l'offre déjà excédentaire et des importants stocks qui vont se constituer au Congo durant les 4 mois d'interdiction d'export.
Un métal moins stratégique qu'avant
D'autres leviers étaient pourtant sur la table pour la République démocratique du Congo. L'an dernier, le président congolais Félix Tshisekedi avait proposé une solution moins drastique, à savoir la mise en place de quotas de productions. Mais certains responsables avaient jugé la proposition risquée pour deux raisons. D'abord parce qu'il aurait fallu faire face à une levée de boucliers de la part des entreprises productrices. Ces dernières sont gourmandes en extraction de cobalt, la faute à la géologie. En effet, il constitue un sous-produit, inévitablement présent lors de l'extraction d'autres minerais comme le cuivre et le nickel. Par conséquent, diminuer la production de cobalt impliquerait une diminution de la production de ses coproduits.
L'autre raison qui a poussé Kinshasa à préférer l'arrêt des exportations à la mise en place de quotas est l'importance du cobalt dans l'économie congolaise. Ce dernier représente 15 à 20 % des revenus du pays et l'application de quotas aurait pu diminuer l'intérêt à long terme des investisseurs.
Dans les faits, cette crainte est déjà une réalité. Longtemps considérée comme stratégique dans le développement des batteries électriques, la demande en cobalt devait exploser d'ici 2030 selon les données du Cobalt Institute. Si la demande a bien augmenté, le métal pourrait atteindre un plafond de verre plus vite que prévu. Déjà, en Chine, les nouvelles batteries LFP (lithium-fer-phosphate) ne contiennent plus de cobalt.
Il en est de même pour d'autres technologies de batteries où sa part diminue au profit du nickel, lui aussi excédentaire. En 2022, le responsable des batteries de Panasonic avait annoncé viser « le zéro cobalt dans un proche avenir ». L'ex-star des métaux se contente aujourd'hui de ne représenter que 6,5 % du prix d'une cellule performante, selon le cabinet Benchmark Minerals. Même s'il commence à perdre de sa superbe, il reste important pour la transition énergétique (aimants), pour la chimie et la pétrochimie.
Droits humains bafoués
L'heure de gloire du cobalt se situe au milieu des années 2010, période durant laquelle il a frôlé les 100 000 dollars la tonne. La désertion des investisseurs et entreprises n'est pas qu'une conséquence des évolutions technologiques. À la fin de cette même décennie 2010, les accusations de travail clandestin et de travail des enfants dans les mines congolaises sont accréditées par des rapports d'Amnesty International et des reportages de journalistes.
Près de 200 000 personnes travailleraient dans des mines artisanales, illégales et souvent très dangereuses, dont 40 000 enfants. La plupart des produits extraits étant exportés vers la Chine.
https://www.latribune.fr/economie/inter ... 19156.html
[quote] [b]Cobalt : la République démocratique du Congo suspend ses exportations
Une offre surabondante ayant entraîné une chute des prix du métal, Kinshasa, principal pays producteur, met ses exportations en pause dans l’objectif de relancer son cours.[/b]
Julien Gouesmat le 25/02/25 LaTribune
Ses prix n'étaient pas tombés aussi bas depuis près de dix ans. Le cobalt, longtemps présenté comme un métal stratégique, essentiel dans la conception des batteries, a vu son cours péricliter au cours des dernières années. La faute à une offre largement excédentaire venue de République démocratique du Congo. Lundi 24 février, Kinshasa — principal producteur du métal — a annoncé suspendre ses exportations durant quatre mois dans le but de faire rebondir le cours.
Une offre excédentaire
Le décret ministériel aurait été signé samedi dernier et s'applique sur tous les acteurs présents en République démocratique du Congo, y compris les principales entreprises extractrices du cobalt, Glencore et le chinois CMOC.
Ce dernier, initialement connu pour sa production de molybdène, est particulièrement responsable de la récente chute des prix. Avec l'ouverture d'une deuxième mine en 2023, CMOC a doublé sa production au cours de l'année 2024. Au même moment, l'Indonésie augmentait également la cadence de production, inondant les marchés d'un métal pourtant considéré comme stratégique il y a quelques années.
L'annonce de Kinshasa est donc brutale, sans pour autant être efficace selon des experts contactés par La Tribune. En effet selon ces derniers, le cours du cobalt ne devrait pas s'envoler, en raison de l'offre déjà excédentaire et des importants stocks qui vont se constituer au Congo durant les 4 mois d'interdiction d'export.
Un métal moins stratégique qu'avant
D'autres leviers étaient pourtant sur la table pour la République démocratique du Congo. L'an dernier, le président congolais Félix Tshisekedi avait proposé une solution moins drastique, à savoir la mise en place de quotas de productions. Mais certains responsables avaient jugé la proposition risquée pour deux raisons. D'abord parce qu'il aurait fallu faire face à une levée de boucliers de la part des entreprises productrices. Ces dernières sont gourmandes en extraction de cobalt, la faute à la géologie. En effet, il constitue un sous-produit, inévitablement présent lors de l'extraction d'autres minerais comme le cuivre et le nickel. Par conséquent, diminuer la production de cobalt impliquerait une diminution de la production de ses coproduits.
L'autre raison qui a poussé Kinshasa à préférer l'arrêt des exportations à la mise en place de quotas est l'importance du cobalt dans l'économie congolaise. Ce dernier représente 15 à 20 % des revenus du pays et l'application de quotas aurait pu diminuer l'intérêt à long terme des investisseurs.
Dans les faits, cette crainte est déjà une réalité. Longtemps considérée comme stratégique dans le développement des batteries électriques, la demande en cobalt devait exploser d'ici 2030 selon les données du Cobalt Institute. Si la demande a bien augmenté, le métal pourrait atteindre un plafond de verre plus vite que prévu. Déjà, en Chine, les nouvelles batteries LFP (lithium-fer-phosphate) ne contiennent plus de cobalt.
Il en est de même pour d'autres technologies de batteries où sa part diminue au profit du nickel, lui aussi excédentaire. En 2022, le responsable des batteries de Panasonic avait annoncé viser « le zéro cobalt dans un proche avenir ». L'ex-star des métaux se contente aujourd'hui de ne représenter que 6,5 % du prix d'une cellule performante, selon le cabinet Benchmark Minerals. Même s'il commence à perdre de sa superbe, il reste important pour la transition énergétique (aimants), pour la chimie et la pétrochimie.
Droits humains bafoués
L'heure de gloire du cobalt se situe au milieu des années 2010, période durant laquelle il a frôlé les 100 000 dollars la tonne. La désertion des investisseurs et entreprises n'est pas qu'une conséquence des évolutions technologiques. À la fin de cette même décennie 2010, les accusations de travail clandestin et de travail des enfants dans les mines congolaises sont accréditées par des rapports d'Amnesty International et des reportages de journalistes.
Près de 200 000 personnes travailleraient dans des mines artisanales, illégales et souvent très dangereuses, dont 40 000 enfants. La plupart des produits extraits étant exportés vers la Chine.
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https://www.latribune.fr/economie/international/cobalt-la-republique-democratique-du-congo-suspend-ses-exportations-1019156.html