par energy_isere » 19 avr. 2025, 00:11
Relocaliser la fabrication de l’iPhone aux États-Unis ? Voici pourquoi ce pari est quasi irréaliste
Article de Chloé RÉBILLARD. 18 avril 2025
Alors que Donald Trump fait le yoyo sur les droits de douane, difficile de s’y retrouver. Une chose est sûre : les chaînes de valeurs ultra-mondialisées de nombreux produits technologiques, comme l’iPhone, sont au cœur de la guerre commerciale menée par le président des États-Unis.
Où en sommes nous sur les taxes douanières ? Les retournements et annonces incessants de Donald Trump rendent la réponse compliquée. Le président américain poursuit sa stratégie de vouloir relocaliser l’industrie sur le sol américain à coups de barrières douanières. En particulier vis à vis de la Chine.
Pourtant, le président américain a discrètement reculé sur les produits électroniques. Car les géants américains du secteur comme Apple ont un modèle basé sur une mondialisation à tous crins, avec des ramifications multiples. Un modèle dans lequel la Chine joue un rôle central.
IPhone, ordinateur Dell et autres objets technologiques américains: vendredi 11 avril au soir, une note des douanes américaines a ainsi annoncé l’exemption pour une série de produits des 145 % de droits de douane désormais imposés aux autres importations venues de Chine. Ils sont néanmoins encore taxés à 20 %. Howard Lutnick, secrétaire au Commerce, a assuré deux jours plus tard que ces produits auront tout de même droit à une surtaxe… sans être précis ni sur l’échéance, ni le montant : « ils sont inclus dans les droits de douane des semi-conducteurs, qui arriveront probablement dans un mois ou deux ».
L’iPhone fait le tour du monde avant d’atterrir dans votre poche
La marque Apple est un cas d’école de la mondialisation, à tel point que c’est même imprimé dans la coque de ses IPhone : « Conçu en Californie, assemblé en Chine ». Dans une liste publiée en 2024 portant sur l’année fiscale 2023, Apple énumère ses principaux fournisseurs (« Supplier List ») : 448 entreprises différentes, sans préciser leur rôle. Ensemble, elles représentent « 98 % de nos dépenses directes en matériaux, fabrication et assemblage de nos produits dans le monde entier pour l’exercice 2023. » MacBook, IPhone et autres Air Pods font ainsi le tour du monde avant d’atterrir dans la poche du consommateur.
Dans le cas de l’iPhone, les ramifications peuvent être très complexes. Par exemple, l’entreprise Cirrus Logic, dont le siège social est au Texas, conçoit des circuits acoustiques. Mais ce sous-traitant d’Apple n’a pas d’usine, il vend à la marque des droits sur ses brevets pour qu’elle fasse ensuite fabriquer les composants en Asie. Autre curiosité de la chaîne de valeur : c’est Samsung, basé en Corée du Sud, grand concurrent d’Apple sur le marché des smartphones, qui fabrique la plupart des écrans de l’iPhone.
Parmi les multiples fournisseurs d’Apple, la Chine est un carrefour central. Tim Cook, le patron d’Apple déclarait en 2017 : « Le coût de production n’est pas la raison pour se fournir en Chine. C’est la qualité des compétences industrielles et leur concentration à un seul endroit. C’est une vraie expertise que nous aurions du mal à trouver aux États-Unis. » Le temps où l’attractivité des pays asiatiques se limité à une main-d’œuvre bon marché a vécu. Les puces qui se logent dans nos téléphones sont désormais fabriquées à travers le continent asiatique, certaines entre la France et l’Italie (avec STMicroelectronics), rarement aux États-Unis même si les investissements s’y sont multipliés ces dernières années dans les usines de semi-conducteurs.
Selon le Financial Times , sur les 187 principaux fournisseurs d’Apple, 169 sont soit en Chine, soit à Taïwan. Certains sont des géants à l’image de TSMC, basé à Taïwan, qui est le principal fabricant de semi-conducteurs pour la marque. Ou encore de Foxconn, l’assembleur taïwanais historique de l’iPhone, qui opère notamment dans les villes chinoises de Shenzhen et Zhengzhou. À côté fourmillent de multiples « petits » fournisseurs qui conçoivent, fabriquent ou assemblent, des câbles, batteries, emballages et autres parties de la chaîne de fabrication du téléphone.
Quel serait le prix en bout de chaîne d’un IPhone ?
Depuis plusieurs années, dans un contexte de montée en puissance des tensions entre la Chine et les États-Unis, le géant américain tente de se départir de sa dépendance à la Chine en diversifiant son approvisionnement auprès d’autres pays. Ainsi, les principaux assembleurs d’Apple s’implantent de plus en plus au Vietnam et en Inde, deux pays qui étaient également frappés par les droits de douane réciproques de Donald Trump mais bénéficient actuellement de la suspension de 90 jours actée par le gouvernement américain (qui impose leurs importations à hauteur de 10% en attendant). Luxshare, l’un des assembleurs des IPhone 16, est le premier fournisseur d’Apple à avoir annoncé réfléchir à une relocalisation aux États-Unis après les annonces du président américain. L’entreprise chinoise est déjà implantée au Vietnam mais aussi en Malaisie, ou encore au Mexique. Cependant son déménagement est loin d’être acté: lancer une chaîne de production lui demanderait plus d’un an et les revirements incessants de Donald Trump n’offrent pas un climat suffisamment apaisé pour investir.
En attendant, l’immense majorité des iPhones est toujours assemblée en Chine. Si des droits de douane lui étaient appliqués à hauteur de 145 % à leur arrivée aux Etats-Unis, le prix final de ces téléphones risquerait donc de s’envoler.
Schématiquement, le prix d’un IPhone, comme de tout autre produit, se construit autour de trois axes majeurs : le coût de fabrication, le transport et la logistique, et la marge de l’entreprise (qui a aussi eu des frais de recherche et développement, et de marketing). Le spécialiste TD Cowen évaluait le coût de fabrication de l’iPhone de 16 à 485 dollars, quand un journal japonais Nikkei l’estimait lui à 568 dollars… Apple le vend en bout de chaîne autour de 1 000 dollars. La marque américaine est réputée pour se ménager une marge confortable. Mais avec des droits de douane à 145 %, réduire sa marge ne suffirait pas à absorber l’entièreté du différentiel de prix.
Si les droits de douane s’appliquaient aux IPhone, l’augmentation du coût serait faramineuse, remettant en question, le modèle même de la marque. « Le coût total d’un IPhone augmenterait de plus de 90 % », signalait dans une note Wamsi Mohan, analyste pour la Bank of America.
L’efficience de la stratégie trumpiste est plus que contestée. Dresser un mur douanier autour des États-Unis dans l’espoir de revenir en arrière sur plusieurs décennies de mondialisation intégrée apparaît comme un pari fou pour nombre d’économistes et d’analystes. Et dans le cas de l’iPhone, il semble quasi impossible.
https://www.msn.com/fr-fr/finance/autre ... 2ecc&ei=23
[quote][b][size=110] Relocaliser la fabrication de l’iPhone aux États-Unis ? Voici pourquoi ce pari est quasi irréaliste[/size][/b]
Article de Chloé RÉBILLARD. 18 avril 2025
Alors que Donald Trump fait le yoyo sur les droits de douane, difficile de s’y retrouver. Une chose est sûre : les chaînes de valeurs ultra-mondialisées de nombreux produits technologiques, comme l’iPhone, sont au cœur de la guerre commerciale menée par le président des États-Unis.
Où en sommes nous sur les taxes douanières ? Les retournements et annonces incessants de Donald Trump rendent la réponse compliquée. Le président américain poursuit sa stratégie de vouloir relocaliser l’industrie sur le sol américain à coups de barrières douanières. En particulier vis à vis de la Chine.
Pourtant, le président américain a discrètement reculé sur les produits électroniques. Car les géants américains du secteur comme Apple ont un modèle basé sur une mondialisation à tous crins, avec des ramifications multiples. Un modèle dans lequel la Chine joue un rôle central.
IPhone, ordinateur Dell et autres objets technologiques américains: vendredi 11 avril au soir, une note des douanes américaines a ainsi annoncé l’exemption pour une série de produits des 145 % de droits de douane désormais imposés aux autres importations venues de Chine. Ils sont néanmoins encore taxés à 20 %. Howard Lutnick, secrétaire au Commerce, a assuré deux jours plus tard que ces produits auront tout de même droit à une surtaxe… sans être précis ni sur l’échéance, ni le montant : « ils sont inclus dans les droits de douane des semi-conducteurs, qui arriveront probablement dans un mois ou deux ».
L’iPhone fait le tour du monde avant d’atterrir dans votre poche
La marque Apple est un cas d’école de la mondialisation, à tel point que c’est même imprimé dans la coque de ses IPhone : « Conçu en Californie, assemblé en Chine ». Dans une liste publiée en 2024 portant sur l’année fiscale 2023, Apple énumère ses principaux fournisseurs (« Supplier List ») : 448 entreprises différentes, sans préciser leur rôle. Ensemble, elles représentent « 98 % de nos dépenses directes en matériaux, fabrication et assemblage de nos produits dans le monde entier pour l’exercice 2023. » MacBook, IPhone et autres Air Pods font ainsi le tour du monde avant d’atterrir dans la poche du consommateur.
Dans le cas de l’iPhone, les ramifications peuvent être très complexes. Par exemple, l’entreprise Cirrus Logic, dont le siège social est au Texas, conçoit des circuits acoustiques. Mais ce sous-traitant d’Apple n’a pas d’usine, il vend à la marque des droits sur ses brevets pour qu’elle fasse ensuite fabriquer les composants en Asie. Autre curiosité de la chaîne de valeur : c’est Samsung, basé en Corée du Sud, grand concurrent d’Apple sur le marché des smartphones, qui fabrique la plupart des écrans de l’iPhone.
Parmi les multiples fournisseurs d’Apple, la Chine est un carrefour central. Tim Cook, le patron d’Apple déclarait en 2017 : « Le coût de production n’est pas la raison pour se fournir en Chine. C’est la qualité des compétences industrielles et leur concentration à un seul endroit. C’est une vraie expertise que nous aurions du mal à trouver aux États-Unis. » Le temps où l’attractivité des pays asiatiques se limité à une main-d’œuvre bon marché a vécu. Les puces qui se logent dans nos téléphones sont désormais fabriquées à travers le continent asiatique, certaines entre la France et l’Italie (avec STMicroelectronics), rarement aux États-Unis même si les investissements s’y sont multipliés ces dernières années dans les usines de semi-conducteurs.
Selon le Financial Times , sur les 187 principaux fournisseurs d’Apple, 169 sont soit en Chine, soit à Taïwan. Certains sont des géants à l’image de TSMC, basé à Taïwan, qui est le principal fabricant de semi-conducteurs pour la marque. Ou encore de Foxconn, l’assembleur taïwanais historique de l’iPhone, qui opère notamment dans les villes chinoises de Shenzhen et Zhengzhou. À côté fourmillent de multiples « petits » fournisseurs qui conçoivent, fabriquent ou assemblent, des câbles, batteries, emballages et autres parties de la chaîne de fabrication du téléphone.
Quel serait le prix en bout de chaîne d’un IPhone ?
Depuis plusieurs années, dans un contexte de montée en puissance des tensions entre la Chine et les États-Unis, le géant américain tente de se départir de sa dépendance à la Chine en diversifiant son approvisionnement auprès d’autres pays. Ainsi, les principaux assembleurs d’Apple s’implantent de plus en plus au Vietnam et en Inde, deux pays qui étaient également frappés par les droits de douane réciproques de Donald Trump mais bénéficient actuellement de la suspension de 90 jours actée par le gouvernement américain (qui impose leurs importations à hauteur de 10% en attendant). Luxshare, l’un des assembleurs des IPhone 16, est le premier fournisseur d’Apple à avoir annoncé réfléchir à une relocalisation aux États-Unis après les annonces du président américain. L’entreprise chinoise est déjà implantée au Vietnam mais aussi en Malaisie, ou encore au Mexique. Cependant son déménagement est loin d’être acté: lancer une chaîne de production lui demanderait plus d’un an et les revirements incessants de Donald Trump n’offrent pas un climat suffisamment apaisé pour investir.
En attendant, l’immense majorité des iPhones est toujours assemblée en Chine. Si des droits de douane lui étaient appliqués à hauteur de 145 % à leur arrivée aux Etats-Unis, le prix final de ces téléphones risquerait donc de s’envoler.
Schématiquement, le prix d’un IPhone, comme de tout autre produit, se construit autour de trois axes majeurs : le coût de fabrication, le transport et la logistique, et la marge de l’entreprise (qui a aussi eu des frais de recherche et développement, et de marketing). Le spécialiste TD Cowen évaluait le coût de fabrication de l’iPhone de 16 à 485 dollars, quand un journal japonais Nikkei l’estimait lui à 568 dollars… Apple le vend en bout de chaîne autour de 1 000 dollars. La marque américaine est réputée pour se ménager une marge confortable. Mais avec des droits de douane à 145 %, réduire sa marge ne suffirait pas à absorber l’entièreté du différentiel de prix.
Si les droits de douane s’appliquaient aux IPhone, l’augmentation du coût serait faramineuse, remettant en question, le modèle même de la marque. « Le coût total d’un IPhone augmenterait de plus de 90 % », signalait dans une note Wamsi Mohan, analyste pour la Bank of America.
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