par energy_isere » 02 août 2024, 10:29
A La Réunion, le long chemin vers une filière biomasse-énergie locale
Pour atteindre 100% d’énergies renouvelables, l'Ile de la Réunion importe massivement des pellets de bois et du biofuel de colza. Soutenue par le producteur d'énergies renouvelables Albioma, une filière biomasse locale tente de se structurer.
Aurélie Barbaux 01 août 2024
Le producteur d'énergies renouvelables Albioma le sait bien. Remplacer le charbon par des pellets de bois importés de l’autre bout du monde dans ses deux centrales électriques thermique de Bois Rouge (100 MW) au nord de l’île et Le Gol (110 MW) au sud-est, n’est pas une solution idéale. Même si cinq mois par an, c'est la bagasse, le résidu de canne à sucre, issu de sucreries du territoire, qui prend le relais.
Albioma cherche donc à réduire cette part. «Depuis sa conversion en novembre 2022, la centrale de Bois-rouge est alimentée pour un gros tiers de pellets venus d’Amérique du Nord, d’un petit tiers d’Europe et un tiers du bassin indo-pacifique», explique Pascal Langeron, directeur général adjoint pour la zone La Réunion - Mayotte d’Albioma. Pour accompagner sa sortie du charbon, Albioma avait acquis une unité de production pellets au Canada. Elle est destinée à terme à approvisionner les centrales d’Albioma aux Caraïbes. Il vient de faire l’acquisition d’une seconde en Australie. «Il faut 26 jours de mer pour faire venir les pellets du Canada à la Réunion, contre 16 jours depuis l’Australie», argumente Pascal Langeron. «Et nous regardons également du côté de l’Afrique australe», qui est une bonne piste. Albioma regarderait également du côté de l’Asie du Sud-est, notamment en Malaisie et au Vietnam. Reste à y trouver des pellets respectant la nouvelle réglementation RED III européenne !
Lorsqu’il a annoncé la conversion des centrales charbon-bagasse de la Réunion à la biomasse, Albioma s’était aussi engagé à s’approvisionner en partie en biomasse locale. A la centrale de Bois-Rouge, une unité dédiée d’une capacité de 50 000 tonnes par an a été construite et mise en service en novembre 2023. En avril 2024, elle recevait son premier lot de plaquettes d’acacia issu d’un programme de défrichage, laissant dans le grand bâtiment vert un parfum entêtant. Une unité de même capacité est prévue à la centrale Le Gol. Mais pour l’heure, Albioma n’a aucune certitude de pouvoir les alimenter. Les cultures énergétiques, notamment la canne-énergie, ne sont pas vraiment une option sur l'île. Le schéma biomasse locale de 2018 évaluait le potentiel disponible à 100 000 tonnes par an, hors bagasse, mais les chiffres ont depuis été revus nettement à la baisse. «Parce qu’il faut laisser des déchets verts au sol, le potentiel a été réévalué de 45 000 tonnes à 7000 tonnes», explique Benjamin Cousin, le responsable approvisionnement biomasse locale d’Albioma à La Réunion. Et si les 10 000 tonnes de bois d’emballage devraient bien être trouvées, les 10 000 tonnes de bois forestier étaient aussi un chiffre “très optimiste”, pour Benjamin Cousin. Sans parler des 25 000 tonnes de bois d’élagage, qui n’ont que très peu de chance d’être utilisables en bois-énergie, tant la demande en BRF (bois raméal fragmenté) pour amender les cultures augmente aussi sur l’île. D’autant plus que la souveraineté alimentaire est une des priorités de la Région...
Assurer un débouché à une interprofession du bois
Surtout, il n’existe aucune filière pour exploiter ce potentiel. Sur l’île, l’industrie du bois “vivote”, observe Benjamin Cousin. Il n’existe que trois scieries à La Réunion. Et les rares exploitants forestiers (quatre ou cinq) sont sous-équipés. Alors, avec l’ONF, l’Inrae, le Cirad, Fibois France et Albioma, la Région a lancé en avril le programme Giroflée (Gestion Innovante des RessOurces Forestières pour une EnergiE durable). Il vise à la création d’une interprofession du bois sur l’île pour collecter et valoriser broyats d’emballages bois, déchets verts, plaquettes forestières, à partir de cryptomeria et d’acacia, deux espèces invasives qui prospèrent sur l’île. Pour la développer, «le Cirad a commencé le découpage des itinéraires techniques», indique Benjamin Cousin. Une étude, cofinancée par l’Ademe, a été commandée à l’Association française d’agroforesterie (AFaf) sur le potentiel sur l’île de cette nouvelle pratique agricole. Elle doit rendre sa copie en janvier 2025.
De son côté, Albioma s’engage à acheter toute la biomasse-énergie disponible. «Si on part des 100 000 tonnes, on est capable de rémunérer la filière entre 60 et 80 euros la tonne de biomasse, soit 8 millions d’euros restituables par an à la collectivité», avance Pascal Langeron. De quoi, il l'espère, susciter des vocations.
https://www.usinenouvelle.com/article/a ... e.N2216610
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Pour atteindre 100% d’énergies renouvelables, l'Ile de la Réunion importe massivement des pellets de bois et du biofuel de colza. Soutenue par le producteur d'énergies renouvelables Albioma, une filière biomasse locale tente de se structurer.
Aurélie Barbaux 01 août 2024
Le producteur d'énergies renouvelables Albioma le sait bien. Remplacer le charbon par des pellets de bois importés de l’autre bout du monde dans ses deux centrales électriques thermique de Bois Rouge (100 MW) au nord de l’île et Le Gol (110 MW) au sud-est, n’est pas une solution idéale. Même si cinq mois par an, c'est la bagasse, le résidu de canne à sucre, issu de sucreries du territoire, qui prend le relais.
Albioma cherche donc à réduire cette part. «Depuis sa conversion en novembre 2022, la centrale de Bois-rouge est alimentée pour un gros tiers de pellets venus d’Amérique du Nord, d’un petit tiers d’Europe et un tiers du bassin indo-pacifique», explique Pascal Langeron, directeur général adjoint pour la zone La Réunion - Mayotte d’Albioma. Pour accompagner sa sortie du charbon, Albioma avait acquis une unité de production pellets au Canada. Elle est destinée à terme à approvisionner les centrales d’Albioma aux Caraïbes. Il vient de faire l’acquisition d’une seconde en Australie. «Il faut 26 jours de mer pour faire venir les pellets du Canada à la Réunion, contre 16 jours depuis l’Australie», argumente Pascal Langeron. «Et nous regardons également du côté de l’Afrique australe», qui est une bonne piste. Albioma regarderait également du côté de l’Asie du Sud-est, notamment en Malaisie et au Vietnam. Reste à y trouver des pellets respectant la nouvelle réglementation RED III européenne !
Lorsqu’il a annoncé la conversion des centrales charbon-bagasse de la Réunion à la biomasse, Albioma s’était aussi engagé à s’approvisionner en partie en biomasse locale. A la centrale de Bois-Rouge, une unité dédiée d’une capacité de 50 000 tonnes par an a été construite et mise en service en novembre 2023. En avril 2024, elle recevait son premier lot de plaquettes d’acacia issu d’un programme de défrichage, laissant dans le grand bâtiment vert un parfum entêtant. Une unité de même capacité est prévue à la centrale Le Gol. Mais pour l’heure, Albioma n’a aucune certitude de pouvoir les alimenter. Les cultures énergétiques, notamment la canne-énergie, ne sont pas vraiment une option sur l'île. Le schéma biomasse locale de 2018 évaluait le potentiel disponible à 100 000 tonnes par an, hors bagasse, mais les chiffres ont depuis été revus nettement à la baisse. «Parce qu’il faut laisser des déchets verts au sol, le potentiel a été réévalué de 45 000 tonnes à 7000 tonnes», explique Benjamin Cousin, le responsable approvisionnement biomasse locale d’Albioma à La Réunion. Et si les 10 000 tonnes de bois d’emballage devraient bien être trouvées, les 10 000 tonnes de bois forestier étaient aussi un chiffre “très optimiste”, pour Benjamin Cousin. Sans parler des 25 000 tonnes de bois d’élagage, qui n’ont que très peu de chance d’être utilisables en bois-énergie, tant la demande en BRF (bois raméal fragmenté) pour amender les cultures augmente aussi sur l’île. D’autant plus que la souveraineté alimentaire est une des priorités de la Région...
Assurer un débouché à une interprofession du bois
Surtout, il n’existe aucune filière pour exploiter ce potentiel. Sur l’île, l’industrie du bois “vivote”, observe Benjamin Cousin. Il n’existe que trois scieries à La Réunion. Et les rares exploitants forestiers (quatre ou cinq) sont sous-équipés. Alors, avec l’ONF, l’Inrae, le Cirad, Fibois France et Albioma, la Région a lancé en avril le programme Giroflée (Gestion Innovante des RessOurces Forestières pour une EnergiE durable). Il vise à la création d’une interprofession du bois sur l’île pour collecter et valoriser broyats d’emballages bois, déchets verts, plaquettes forestières, à partir de cryptomeria et d’acacia, deux espèces invasives qui prospèrent sur l’île. Pour la développer, «le Cirad a commencé le découpage des itinéraires techniques», indique Benjamin Cousin. Une étude, cofinancée par l’Ademe, a été commandée à l’Association française d’agroforesterie (AFaf) sur le potentiel sur l’île de cette nouvelle pratique agricole. Elle doit rendre sa copie en janvier 2025.
De son côté, Albioma s’engage à acheter toute la biomasse-énergie disponible. «Si on part des 100 000 tonnes, on est capable de rémunérer la filière entre 60 et 80 euros la tonne de biomasse, soit 8 millions d’euros restituables par an à la collectivité», avance Pascal Langeron. De quoi, il l'espère, susciter des vocations.
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