L'ancienne base militaire aérienne de Creil se transforme progressivement en terrain pour 350 000 panneaux solaires. Le projet, entrepris en 2019, se terminera en 2026. Plusieurs défis géotechniques et environnementaux ont dû être relevés, même si certaines associations pointent du doigt des dommages irréversibles sur la biodiversité locale.
La transformation de l'ancienne base militaire aérienne 110 de Creil (Oise) se poursuit. Après l'installation d'un centre de renseignement dans les locaux, ces terrains accueillent désormais des panneaux solaires.
Une fois les travaux terminés, cette centrale deviendra l'une des plus grandes de France et permettra de produire l'équivalent de la consommation d'électricité de la métropole creilloise. Pour le moment, 40 % du parc est déjà en activité.
En tout, les panneaux occupent 150 hectares, dont 105 sont des prairies, indispensables pour la faune et la flore.
Des défis géotechniques et environnementaux
Dès le départ, ce projet a fait face à plusieurs défis. D'abord, d'un point de vue géotechnique, étant donné que cette installation se situe sur une ancienne base militaire. "Nous construisons notre centrale sur plus de 175 hectares, donc nous avons un terrain hétérogène qui a déjà un historique militaire", explique Hamza El Hassnaoui, responsable de construction.
Une dépollution a été nécessaire, celle-ci a visé "plus de 75 000 cibles", dont sept obus et mines "que nous avons trouvés et que nous avons traités l'année dernière, et avec ce traitement de sol, nous avons bien remobilisé le chantier, et surtout le sol".
Ensuite, il a fallu faire face à des exigences environnementales et écologiques, en s'adaptant au calendrier écologique. La faune et la flore étant sensibles en période printanière, "il faut éviter de les perturber, de faire les travaux les plus lourds, les plus sonores", du 1ᵉʳ mars au 31 juillet, souligne Sophie Jacquot, responsable du suivi environnemental.
C'est pourquoi, durant ce laps de temps, la dépollution pyrotechnique, le battage des pieux ou encore la démolition de bâtiments sont proscrits. "C'est assez significatif", car ces contraintes font doubler la durée de chantier pour la mise en service du parc.
"Éviter, réduire, compenser"
Depuis ses débuts, au moment de l'appel à manifestation d'intérêt, le projet a évolué : il recouvrait à l'origine à peu près "200 hectares sur les 250, donc on a vraiment fait ce travail d'évitement renforcé pour concilier toutes les attentes du territoire". Les responsables ont proposé une technique d'implantation "est-ouest, comme des toitures de maison" avec une couverture dense et un cortège de mesures pour "éviter, réduire, compenser".
C'est en réponse aux demandes des associations, qui pointent du doigt que 1,10 m de distance avec le sol n'est pas suffisant et est néfaste pour certaines espèces (Pipit farlouse, par exemple), "que nous sommes repassés sur une installation plein sud, avec un écartement de 1,50 à 2 m en interrangées" afin de favoriser le passage de la lumière.
Ces mesures compensatoires permettent de pallier les effets résiduels sur la faune et la flore. "On avait des pelouses qui ont tout de même été utilisées par les panneaux photovoltaïques, donc ça réduit les habitats pour la faune et la flore", reconnaît Sophie Jacquot. C'est pourquoi "on leur met à disposition des terrains supérieurs aux alentours de la base aérienne 110, pour qu'ils puissent justement continuer leur cycle écologique sur ces nouveaux habitats qu'on crée". De plus, 46 % du site restera en zone à caractère naturel.
Pour elle, ces mesures n'ont pas été faites trop tard, mais étape par étape : "une grande centrale comme ça ne se fait pas du jour au lendemain, mais tranche par tranche". Par exemple, au début du chantier, en automne 2023, l'activité agricole sur les terrains a été arrêtée, "donc il y a déjà un état de jachère qui a été mis en œuvre, ensuite les travaux d'installation de prairie ont suivi".
"Un espace à forts enjeux écologiques"
Pour Thierry Rigaux, administrateur de Picardie Nature, le défaut initial de ce projet est d'avoir été conçu sur un espace à forts enjeux écologiques. "Et les espaces ne se répartissent pas n'importe où sur le territoire, ils le font en fonction d'habitats. Il y avait un bloc d'environ 200 hectares de prairies qui était présent depuis à peu près cinquante ans au moins, sans pesticides, et c'est ce territoire-là qui a été fortement réduit alors qu'il présentait des populations exceptionnelles d'espèces animales et végétales, dont beaucoup de protégées", détaille-t-il.
Et quand on lui demande ce qu'il pense de la hauteur des panneaux de 1,10 m, l'administrateur est catégorique. Pour lui, il ne s'agit plus d'un habitat approprié pour les espèces concernées. "Si vous avez vu les images aériennes des panneaux, vous voyez bien que le milieu est complètement artificialisé, il y a une sorte de toit permanent, d'infrastructures, de panneaux photovoltaïques qui est incompatible avec les exigences de ces espèces", poursuit Thierry Rigaux.
Il regrette que les "très grandes surfaces de prairies" se retrouvent réduites et des pertes sont "incontestables, d'ailleurs, personne ne les conteste parce qu'on met des mesures de compensation pour essayer de réduire l'impact du projet".
"On verra ce qui est possible sous les panneaux. À mon avis, ce ne sera vraiment pas grand-chose, ce qui est clair, y compris pour l’agriculture, la production, l’élevage, la surface potentielle consacrée à l’élevage a fortement réduit aussi, c’est un projet ni favorable pour la biodiversité, ni pour l’agriculture", conclut-il. La totalité de la centrale photovoltaïque entrera en fonctionnement début 2026.