nemo a écrit : ↑28 juin 2024, 12:04
Les croyances d'hier ont construit le monde d'aujourd'hui, ce qu'on croit aujourd'hui produira le monde de demain.
Globalement, je suis en phase avec ta compréhension du fonctionnement de l'homme. Les décisions sont gouvernées par la politique, et la politique est elle meme gouvernée par le spirituel. Les seuls choix qu'on peut faire d'une certaine façon dans notre vie sont des choix spirituels. Ensuite la "mécanique" de notre vie se déroule à partir de ces choix qui sont à la racine ( et du hasard de nos vies).
En revanche, je ne crois pas contrairement à toi qu'on sortira un jour du bordel d'aujourd'hui. Toutes les époques et les civilisations ont leur bordel. Je vais prendre un exemple concret. Dans les choix de base, il y a de savoir si on veut être aimé ou être respecté, et selon moi les deux sont incompatibles. Ben il y aura toujours une distribution de la population qui penchera plutôt d'un côté ou plutôt d'un autre, à des degrés divers. Alors les hommes sont condamnés comme Sisyphe à rediscuter les mêmes questions à l'infini, comme l'ont fait nos parents, nos grand-parents...
Je viens de voir des chercheurs a appeller voter contre le RN, avec moult commentaires du public sur les réseaux qui comprennent que ce genre de tribune est contre-productif. Les chercheurs ne sont pas plus idiots que les autres, ils savent bien que M. Durand ne va pas suspendre son vote RN en raison de leur tribune, et que ce discours à sans unique va plutôt renforcer la frange de l'electorat qui regrette un entre-soi des élites. Si les chercheurs ne sont pas idiots et qu'ils publient quand même leur tribune, il y a une raison. La raison, selon moi, c'est qu'il veulent exprimer un mépris de classe, ils veulent clamer leur vision hiérarchique, dire que ceux qui votent RN sont des gogos, des sous-diplomés, des beaufs qui croient à des balivernes. De ce point de vue, c'est cohérent et réussi. Ils expriment parfaitement leur mépris, leur vision pyramidale de la société, le message est bien reçu.
Cet exemple illustre pourquoi ça ne changera pas. Parce que des personnes qui ont un profond mépris pour les autres et qui campent sur une position du camp du bien, c'est le fond de l'ame humaine, c'est le mécanisme de base pour justifier notre propre violence. Ca nous menace tous. Le mieux qu'on puisse faire, ce n'est pas de lutter contre le camp du mal, c'est selon moi au contraire de faire admettre qu'il n'y a pas de camp du mal. Il faut reussir à parler à tout le monde, sans diaboliser celui qui est different, essayer sincèrement de comprendre pourquoi il arrive à des conclusions differentes des notres, admettre que l'autre a la même intelligence que nous et discuter sans condescendance nos choix spirituels respectifs. Diaboliser l'electeur du RN ou diaboliser l'etranger ou diaboliser le non-vacciné, tout ça relève pour moi de la même logique. Le choix spirituel sous-jacent, c'est : je souhaite peindre l'autre comme un repoussoir pour que la violence monte contre ce groupe, pour que des logiques de bouc-émissaires se mettent en place.
C'est pour ca que la question de l'identité est fondamentale. Parce que l'identité te permet de te coordonner avec tes semblables sans violence. Quand tu as confiance dans ce que tu es, dans les projets que tu mets en oeuvre, tu ne te débats pas à essayer de discréditer les autres. Par exemple, je sais que les maths participent à la comprehension du monde. Les gens disent parfois bcp de mal des maths. Je peux leur dire tranquillement que c'est ce que j'aime, une clé de lecture du monde qui me convient personnellement, mais que d'autres lectures du monde sont possibles.
Dit autrement, je ne crois pas que la spiritualité soit possible sans identité. Parce que nous sommes et nous serons toujours confrontés à des rapports de force. Quand tu connais ta propre identité, tu admets ta subjectivité, et tu reconnais à l'autre le droit d'avoir une subjectivité differente de la tienne. C'est la base pour discuter d'egal à egal. Paradoxalement, savoir dire "Je" ou "Nous", sans nombrilisme, c'est une étape importante pour accepter sa subjectivité et respecter les autres.