Désolé pour la longueur du post : il est possible de faire une lecture survolante
en ne lisant que les parties en gras.
Bravo pour la démarche, qui nous offre la possibilité de nous attaquer au monde fascinant des indicateurs. Pardon pour le cours un peu lourdingue,
le lecteur déjà renseigné sur le fonctionnement des indicateurs peut sauter directement à la fin du bloc quote ci-dessous 
.
Quand une grandeur physique est inatteignable, quelle qu'en soit la raison,
on se sert d'indicateurs. Quand le Mur de Berlin va-t-il tomber ? Quand aurons-nous un remède contre le cancer ? Combien de planètes favorables à la vie dans l'univers ? Le coût de la vie augmente-t-il en France ? Notre eau est-elle polluée ? Toutes ces questions n'ont pas de réponse scientifique, en revanche on peut leur proposer des indicateurs, c'est-à-dire la mesure de valeurs simples, éventuellement simplistes, qui "donnent une idée" de la réponse.
Un indicateur n'est pas une réponse à la question posée, il se veut être un élément de réponse utile à celui qui pose la question. Ses caractéristiques permettent de l'apprécier : fiabilité, durabilité, rusticité, coût, etc. : on y retrouve toutes les caractéristiques généralement liées à la
science de la mesure, et en particulier son coût évidemment.
Ce qu'on ne retrouve pas, c'est la proximité avec la grandeur non mesurable, justement parce qu'on ne sait pas la mesurer. Un indicateur est donc
- une valeur mesurable "facilement" : mesurable ça veut dire un chiffre, ou mieux enciore, une valeur logique plus/moins, on/off etc., et facilement ça veut dire gratuitement, et sans l'intervention de scrutateur de spaghetti
- une valeur qui ne respecte pas le phénomène que l'on cherche à mesurer, mais qui en donne une idée.
Ce dernier point n'est pas polémique : un
indicateur n'est pas le phénomène, de même qu'un panneau indicateur sur l'autoroute ne vous certifie en rien que vous atteindrez votre destination. Une fois qu'on a admis tout cela, on peut le résumer en :
"Mieux vaut un mauvais indicateur que pas d'indicateur du tout".
En revanche, on peut être exigeant sur l'ergonomie de l'indicateur.
Prenons un exmple d'indicateur, bien connu de tous, l'
Indice des Prix à la Consommation.
Cet indicateur est typique de ce qu'on peut attendre, et ne pas attendre, d'un indicateur. A sa création, il avait une fonction purement économique, il était peu coûteux et fiable ; quelques décennies plus tard, il a perdu certaines de ses qualités initiales, mais surtout, l'exploitation hasardeuse qu'on en a fait souligne le principe majeur de l'indicateur :
l'indicateur n'est pas le phénomène.
Alors qu'est-il ? Avouons-le tout de suite, un indicateur est
révélateur des hypothèses faites sur la grandeur non vérifiable ; sans parler de "valeur intuitive" ni rentrer à l'opposé dans la notion de "
modélisation", on peut dire qu'
un indicateur est sous-tendu par une compréhension personnelle de la grandeur non mesurable par son créateur. Un indicateur est une émanation de son créateur, et non pas de la grandeur non mesurable : cela aussi, il faut l'admettre, et quand deux théories s'affrontent sur un sujet, il n'y a rien de mieux que de
créer deux indicateurs, et de trouver des points de résolution du dilemme. Aussi longtemps que ce travail n'est pas fait, les deux indicateurs se valent.
Dernier point, le prix. En économie,
le prix est fréquemment l'indicateur le plus complexe, puisqu'il agrège la totalité des contraintes se portant sur un bien (ou un service) donné. Dans le cas où ces contraintes sont peu nombreuses, et caractéristiques de ce qu'on veut mesurer, le prix est un indicateur extrêmement fiable, tel que le prix de la voiture d'occasion. A l'autre bout, le prix peut ne présenter aucun intérêt : quel est le prix de l'environnement terrestre ?
Regardons l'indicateur ci-dessus à l'aune de cette définition. Tout d'abord, la notion de "parcourir la surface production-prix dans le sens contraire des aiguilles d'une montre"
laisse beaucoup de place à l'interprétation : si l'on regarde les années passées, on reste un peu dubitatif sur certaines périodes. Il est possible de sortir de ce problème en proposant une version plus rigoureuse de cette même phrase, par exemple en fixant des minima ou maxima aux pentes.
L'utilisation du prix du baril est délicate. On a vu plus haut que le prix est lui-même un indicateur ultra-complexe ; donc s'en servir pour créer un indicateur (qui se doit d'être simple) conduit malheureusement à
conserver une complexité dont on souhaite se débarrasser ; en termes plus simples,
la scrutation de la courbe de l'indicateur doit être instantanée, quel que soit l'observateur.
Là aussi, il est possible d'améliorer la situation en se débarrassant d'une partie cette complexité, par exemple en utilisant un ratio, du type prix du baril actuel/PIB.
Enfin,
quelle est la pensée qui sous-tend cet indicateur ? Si je comprends bien la présentation :
- le fléchissement physique de la production sera le phénomène principal
- ce phénomène précèdera tous les autres
- il entraînera une augmentation du prix du baril
C'est à ce moment-là que j'ai une difficulté : pour continuer le "sens des auiguilles d'une montre", est-ce qu'on s'attend à ce que la courbe continue jusqu'à retrouver une croissance positive ? J'ai plutôt l'impression que non ?
En conclusion : y a de l'idée, mais
cet indicateur reste trompeur dans beaucoup de circonstances.
Pour conserver l'exploitation de cette courbe, il me semble qu'au voisinage du Pic, la production (de pétrole naturel) va fléchir, d'une façon à peu près irrémediable. "A peu près" signifie qu'on pourra avoir des rémissions d'un ou deux ans pendant lesquelles la production stagne, mais on aura bien un fléchissement sur le long terme ; les points vont donc se maintenir dans une zone "à gauche" de la courbe, sans être capables de refranchir vers la droite. De plus, le prix va grimper, puis osciller autour d'une certaine valeur (100 USD ?). Ainsi, de même que les points se sont "entassés", dans la période orange 1987-2002, dans un tout petit domaine, signalant au passage une période économique très homogène, nous pourrions fort avoir un nuage bien dense dans la zone -4 à -2%, 70-125 USD.
Cette notion "d'entassement" reste sujette à interprétation ; elle ne prend de valeur qu'après avoir constaté l'entassement, c'est-à-dire après que le Pic soit passé ;
ce que nous souhaitons, c'est quand même un précurseur de Pic, ou au pire, un indicateur qui nous le signale au moment de sa survenance.