
Celle-ci devenant de moins en moins pertinente au fur et à mesure que le temps passe (je doute que 5 ans nous sépare de l'effondrement total des réseaux électriques mondiaux), une petite mise à jour me paraissait s'imposer.
L'idée de base de Duncan est d'utiliser le ratio "énergie produite par tête de pipe" pour construire sa prospective. Comme aujourd'hui, cette énergie vient essentiellement des combustibles fossiles et que l'épuisement de ces sources est décrite par de nombreux modèles, je vous propose de revisiter la théorie d'Olduvai à la lumière du ratio "énergie fossile consommée par tête de pipe".
Analyse des cinquante dernières années

Jusqu'au deuxième choc pétrolier, les "Trente Glorieuses" mondiales se traduisent par d'énormes progrès techniques qui sont industrialisés à grande échelle (du transistor à l'avion de ligne moderne), principalement en Occident, ce qui assoit sa domination. Le ratio croit régulièrement jusqu'à un maximum local d'environ 1,3 tep/individu/an (pour des questions de lisibilité, j'omettrai l'unité les fois suivantes)
Puis, pendant vingt ans (1980-2000), le ratio est resté quasi-stable, et le progrès "technico-industriel" a également cessé de progresser par rupture : la GenIV n'a pas dépassé le stade de prototype, le Concorde n'a pas eu de successeur et la micro-électronique s'est contentée d'appliquer la loi de Moore (2 fois plus tous les 18 mois).
Enfin, depuis la veille de l'an 2000, le ratio est reparti à la hausse, mais ce sont les puissances émergentes (Chine, Brésil, Inde...) qui en profitent pour se doter des infrastructures industrielles qui leur manque, plutôt que de fournir à l'Occident de nouvelles ruptures technico-industrielles qui lui permettraient de maintenir sa suprématie.
Théorisation
De ce constat, on peut tirer une loi empirique : le développement à l'échelle multi-continentale d'une filière technico-industrielle nécessite le franchissement d'un "seuil de disponibilité énergétique" ; par exemple :
- l'industrie lourde conventionnelle (mines, sidérurgie, raffineries...) se développe vers 0,5
- l'industrie lourde "à procédés avancés" (centrales électriques thermiques et hydrauliques, aluminium et matériaux composites, offshore, verre "float", xTL, CCS...) se développe à partir de 1
- l'industrie lourde "hi-tech" (nucléaire 2G/3G, micro-électronique, systèmes d'armes...) se développe à partir de 1,3
- l'industrie "du futur" (GenIV, nano-technologies, Z-machine...) nécessite d'atteindre le palier de 1,5 minimum
- le transport maritime se développe dès 0,5
- le transport ferroviaire se développe dès 0,75
- le transport routier vers 1
- le transport aérien subsonique vers 1,2
- le transport interplanétaire à 2 minimum
L'avenir du monde industriel selon la théorie d'Olduvai revisitée

Avec un "Pic Fossile par Tête de Pipe" (PFTP) assez marqué autour de 2015 (j'utilise les résultats du modèle de déplétion pétrole-gaz-charbon de Lahérrère), nous vivons clairement en ce moment les dernières années de l'Age d'Or. Nous tutoyons la valeur magique de 1,5 qui nous laisse croire que surgénérateurs et Z-machines à foison nous sortirons de la situation : malheureusement, nous n'allons pas rester suffisamment longtemps à ce niveau pour que ces rêves techniques aient beaucoup de chances de se réaliser : la "fenêtre de tir" sur le palier 1,5 va rester ouverte seulement 10 ans et nous ne sommes pas prêts à en tirer parti. En 2020, elle se refermera et la longue descente va commencer.
Entretemps, nous aurons commencé à nous soucier d'efficacité énergétique, ne serait-ce que parce que le prix des énergies fossiles est devenu élevé, mais les économies réalisées ne serviront qu'à alimenter de nouveaux besoins - avez-vous remarqué que la climatisation se répand plus vite dans nos immeubles que les ampoules fluocompactes ? - et surtout à permettre aux puissances émergentes de vite construire les utimes réseaux de transport et infrastructures industrielles "hi-tech" qui leur permettront de rivaliser avec les puissances occidentales en terme de capabilités technico-industrielles.
Note d'optimisme : la capture et la séquestration du carbone reste une technologie accessible et déployable jusqu'en 2050

Conséquences géopolitiques
En 2045, soit dans une génération puisqu'on se marie/PACS tard désormais, le monde quittera le seuil 1,3 et donc perdra, probablement à tout jamais, sa capabilité à renouveler ses centrales nucléaires ou ses flottes aéronautiques. Les plus prévoyants auront fait des stocks

Cela dit, comme la pénurie énergétique se fera de plus en plus sentir, et que certains pays imprévoyants seront en train de voir s'effondrer des pans stratégiques de leur industrie hi-tech et seront donc incapables de maintenir en l'état leurs systèmes d'armes, les tensions internationales finiront alors par se transformer en conflits. A partir de cette étape, il est impossible de faire la moindre prévision
