Les jeunes victimes de la flambée du pétrole
Symbole américain de la liberté adolescente, les traditionnelles soirées passées à se balader en voiture et faire des tours de parking appartiennent désormais au passé.
Pour les adolescents américains fous de voitures, c'est l'été de la fin. Kevin Ballschmiede, 16 ans, traîne sur un parking de sa ville, proche de Chicago, en se languissant de son Dodge Ram 1999, "sa fierté et sa joie", Comme le plein, près de 100 litres, peut aujourd'hui coûter plus de 100 dollars [63 euros], il a laissé sa voiture à la maison et est venu en stop. D'une côte à l'autre des Etats-Unis, cet été les jeunes semblent moins conduire. D'après la police, les jeunes sont de moins en moins nombreux à passer leur temps à tourner en rond en voiture. Ils traînent de plus en plus sur les parkings, dans les centres commerciaux ou les cinémas.
La flambée du prix de l'essence est trop récente pour que les statistiques gouvernementales reflètent cette nouvelle tendance, mais les chiffres montrent une chute générale de la demande. Les jeunes et les parents que nous avons rencontrés racontent que le prix de l'essence les force à faire des choix difficiles. Une chose est sûre, le nombre de jeunes conducteurs sur les routes était déjà en baisse depuis les dix dernières années. Cette tendance est alimentée par le resserrement de la législation des Etats sur les heures où les jeunes ont le droit de conduire, l'augmentation du prix des assurances et la disparition des cours de conduite financés par les établissements scolaires, qu'on doit désormais suivre dans des auto-écoles privées, plus chères.
Aujourd'hui, les adolescents qui ont le permis non seulement conduisent moins, mais ils doivent aussi trouver de quoi payer l'essence. Tout long déplacement impliquant un groupe de jeunes donnera probablement lieu à des négociations serrées pour déterminer qui paiera. Et certains commencent à s'apercevoir que le prix de l'essence met hors de portée leur rêve de posséder une voiture. Tim Chou, 19 ans, qui fait des études d'ingénieur à l'université de l'Illinois à Urbana-Champaign, a dû renoncer à sa Nissan Quest 1996, trop gourmande en carburant.
"Mes parents ont décidé de faire don de ma voiture à une association caritative parce qu'ils ne voulaient plus payer l'essence et l'assurance", explique-t-il. "Je suppose que cet été je vais faire pas mal de covoiturage."
O
n est vendredi soir et Elliot Lee, 19 ans, un autre élève ingénieur, est dans un Starbucks avec une bande d'amis. Tous déclarent que le prix de l'essence modifie leur style de vie. "Avant, je me baladais en voiture et je traînais dehors avec mes amis au moins cinq fois par semaine en été, mais je n'ai plus les moyens d'acheter de l'essence", confie-t-il. Depuis qu'il est revenu chez lui, à East Dundee, pour l'été, il a retiré 100 dollars de son compte-épargne pour payer le carburant. C'est peut-être dans le centre des petites villes que le changement est le plus visible. Pendant des décennies, le tour en voiture du vendredi et du samedi soir a été un des rites de passage des adolescents. C'est un phénomène typiquement américain – on tourne en rond en écoutant de la musique, on se fait des gestes d'un véhicule à l'autre et on brûle de l'essence.
"Avec l'essence à 1,18 dollar le litre, on ne fait plus de tour en voiture", confie Ewelina Smosna, qui vient de finir ses études secondaires au lycée Taft de Chicago, et flâne dans les Streets of Woodfield, un centre commercial en plein air de Schaumburg. "On gare la voiture et on se balade à pied." Dans des villes comme Elkhart dans l'Indiana, Grand Haven dans le Michigan ou Mount Pleasant en Caroline du Sud, la police constate une baisse considérable de la circulation les vendredi et samedi soir. "Ce n'est plus du tout comme en 2005, où on roulait pare-chocs contre pare-chocs dans le centre-ville", explique Dave Scott, un policier de Grand Haven, une station balnéaire très fréquentée au bord du lac Michigan. "En été, la circulation était tellement chargée dans le centre qu'on ne pouvait pas rouler à plus de 16 km/h. Vendredi dernier, je n'ai même pas eu à attendre pour franchir un feu."
http://www.courrierinternational.com/ar ... j_id=87340
Un changement radical de nos modes de vie et un renoncement au « progrès » est le prix à payer pour éviter le désastre. Comme cela paraît irréalisable, l’occultation du mal s’ensuit inévitablement (jean-Pierre Dupuy).