EDF défend son nouveau réacteur nucléaire au cours du premier débat public sur l'EPR
LE MONDE | 04.11.05 | 13h28 • Mis à jour le 04.11.05 | 13h28
Nucléaire, démocratie irradiée" , "Bidon (radioactif), votre débat" ... C'est sous les pancartes d'une cinquantaine de militants antinucléaires que les 200 participants au premier débat public sur le projet EPR (réacteur à eau pressurisée européen), organisé jeudi 3 novembre à Lyon, sont passés pour accéder à l'amphithéâtre de l'université Jean-Moulin.
Après l'annulation de la séance inaugurale de Cherbourg, à quelques kilomètres du site de Flamanville (Manche) retenu pour la construction de la "tête de série", c'est à Lyon que le dialogue s'est engagé.
A la tribune, trois dirigeants d'EDF défendent un projet qui permet, selon le gouvernement, de "maintenir ouverte l'option nucléaire" en matière de politique énergétique. Les premières centrales, mises en service à la fin des années 1970, devront être remplacées à partir de 2020. "Il faut se préparer à cette échéance" , plaide Joël Dogué, chargé de la communication sur l'EPR, avant de rappeler que l'enjeu est européen : "En 2020-2025, c'est la moitié de l'outil de production d'électricité qu'il faudra changer."
Un membre de la Société française d'énergie nucléaire (SFEN), une association regroupant des partisans de cette énergie, acquiesce, ajoutant que si la Finlande a choisi l'EPR, "c'est pour sa sûreté et sa compétitivité" . Ce pays avait, auparavant, fait plancher 500 experts pendant huit mois sur ce réacteur et ses concurrents américain et russe. Aux adversaires du projet, le patron de la Chambre de commerce et d'industrie de Lyon réplique que "ne plus avoir d'industries nucléaires, c'est tuer nos grandes écoles, nos chercheurs".
Le débat s'engage, ponctué de murmures quand on évoque les doutes sur l'invulnérabilité de l'EPR au crash d'un avion de ligne, pimenté par l'intervention virulente d'un militant écologiste. "Cela fait deux cents ans que l'on vide la Terre de toutes ses ressources et qu'on la remplit de toutes nos ordures", lance Alexandre Rafalovitch, un militant Vert dont le père a activement participé au programme nucléaire français.
Les questions générales cèdent parfois la place à des interrogations plus techniques. Pourquoi ne pas attendre la "génération 4", ces réacteurs qui produiront très peu de déchets à longue vie et consommeront beaucoup moins d'uranium ? La France est engagée dans ce programme mondial, répondent les experts d'EDF, mais la première centrale de ce type ne verra pas le jour avant 2040.
Peut-on substituer d'autres sources d'énergie au nucléaire, s'interroge un ancien d'EDF ? Si l'on recourait au gaz, par exemple, il faudrait dépenser 25 milliards d'euros de plus, sans compter la perte de recettes des exportations d'EDF, tranche le représentant de la SFEN. "Eh bien, il faut baisser notre niveau de vie et réduire notre consommation d'énergie" , assure un militant écologiste.
D'autres s'interrogent sur les chances de l'EPR à l'exportation, au moment où Areva souhaite en vendre 4 à la Chine, 6 aux Etats-Unis et 2 à l'Inde. Au cours des travaux préparatoires aux débats, note un participant, un juriste a évoqué des mesures de rétorsion américaines contre Areva, la France n'ayant pas lancé d'appel d'offre pour son projet de Flamanville.
Les réunions de ce débat public à visée essentiellement pédagogique, s'étaleront jusqu'au 17 février 2006. Pour répondre aux critiques sur le manque de transparence des acteurs de la filière (EDF, Areva), une réunion exceptionnelle rassemblera le 14 novembre, à Caen, les deux commissions particulières (EPR et gestion des déchets nucléaires) pour débattre du "partage des connaissances" .
Jean-Luc Mathieu, président de la commission du débat public sur l'EPR, a aussi demandé une étude sur la façon dont quatre pays disposant de centrales (Etats-Unis, Allemagne, Finlande et Suisse) diffusent les informations sensibles sur le nucléaire civil.