Ce que l’on sait du procédé innovant de recyclage des batteries lithium-ion par Eramet, BASF et Suez
MYRTILLE DELAMARCHE Usine Nouvelle le 11/09/2019
Les groupes Eramet, BASF et Suez ont annoncé le 11 septembre leur collaboration dans le projet ReLieVe de recyclage en boucle des batteries lithium-ion. Eramet lève un coin de voile sur les différentes étapes de ce procédé.
Réunis au sein du projet ReLieVe, trois grands groupes européens – Eramet, BASF et Suez – ont décroché un financement européen de 3,1 millions d’euros (sur un total de 4,7 millions d'euros), à travers l’EIT Raw Materials, pour développer à grande échelle un procédé innovant de recyclage en boucle fermée (upcycling) des batteries lithium-ion.
Le projet, qui doit démarrer en janvier 2020 pour une durée de deux ans, recourra à l’expertise particulière de chacun des groupes : Suez assure la collecte et le démantèlement des batteries en fin de vie, Eramet développe le procédé de recyclage grâce à ses connaissances en extraction métallique (nickel, cobalt, manganèse et lithium), et BASF recomposera les matériaux actifs de nouvelles cathodes.
"Bien que ce programme de R&D ait démarré en 2012, nous avons préféré repartir d’une feuille blanche", commente Pierre-Alain Gautier, directeur de la stratégie d’Eramet. Pour atteindre la qualité nécessaire à un recyclage en boucle des matières de batteries en nouvelles batteries, "les solutions viennent de l’amont (comment sont conçues les batteries à recycler ?) et de l’aval (quelle sera la demande des clients pour ces matières ?). Ce qui explique ce mariage avec BASF et Suez".
COMMENT ÇA MARCHE ?
Tout commence avec de la transformation numérique, au cœur de la transformation actuelle d’Eramet. Les partenaires établissent actuellement une base de données des batteries qu’il faudra recycler dans les années à venir. Leur catégorisation "permettra de constituer des lots suffisamment homogènes", dévoile Sophie Lebouil, ingénieure de recherche et responsable du projet batteries chez Eramet Ideas, le centre de R&D d’Eramet.
"Après avoir identifié les batteries en entrée de procédé et constitué ces lots acceptables, nous recourons à des procédés éprouvés chez Eramet sur des gisements primaires. D’abord un broyage des batteries, pour en extraire une black mass qui contient les oxydes métalliques valorisables. Puis nous traitons cette black mass par hydrométallurgie, qui est le seul procédé permettant d’arriver à des degrés suffisants de pureté pour produire des matières de qualité batterie." BASF intervient lors de l'étape suivante de production des cathodes.
AU CŒUR DE LA STRATÉGIE D’ERAMET
"Ce projet s’inscrit dans la continuité de la volonté du management de développer les activités dans les métaux de la transition", précise Pierre-Alain Gautier. "Cela concerne les mines primaires comme le recyclage, notamment dans le cadre de la problématique de sécurisation des approvisionnements en matières critiques." Certes, le marché des batteries en fin de vie n’est pas encore très important "mais en 2027 il va devenir très conséquent".
"Environ 50 000 tonnes de batteries devraient être recyclées en Europe d'ici 2027,et ce chiffre pourrait être multiplié par plus de dix en 2035", selon Jean-Marc Boursier, directeur général adjoint de Suez, en charge des Opérations et des activités Recyclage & Valorisation de l’Europe du Nord et de la valorisation des déchets dangereux en Europe.
DES PROJETS CONCURRENTS
Eramet a donc un peu de temps pour se préparer. Le groupe n’est pas seul en course. "L’EIT Raw Materials soutient 14 projets sur la chaîne de valeur des batteries", précise son directeur Didier Zimmermann. Les projets concernant le lithium en Europe sont quant à eux réunis au sein de l’European lithium Institute, "une sorte de petit EIT du lithium" piloté par le Fraunhofer Institute allemand qui a agrégé, côté français, le BRGM, le CNRS et le CEA.
"Il y a déjà une offre considérable des recycleurs en France et en Europe", reconnaît Pierre-Alain Gautier. "Mais elle ne répond pas aux trois enjeux qui nous semblent prioritaires : un recyclage en boucle fermée, à même de fournir des matières de haute pureté (battery grade), qui soit rentable et qui permette un positionnement différent de l’offre de la Chine."
En France, Bolloré travaille sur une technologie de récupération du lithium de ses batteries lithium-metal-polymère sur son site d'Ergué-Gabéric (Finistère). Euro Dieuze Industrie (groupe Veolia) s'affirme capable de recycler 90% de la masse d'une batterie lithium-ion à Dieuze (Moselle). Quant à Snam, il a développé une unité de reconstruction qui produit des batteries neuves issues à 80% de composants recyclés à Viviez, dans l'Aveyron.
FAUTE DE FILIÈRE DE COLLECTE, UN DANGER POUR LES SITES DE RECYCLAGE
Si le projet vise en priorité le flux, qui deviendra intéressant en termes de masse et de déconstruction, des batteries des véhicules électriques, Eramet n’exclut pas pour autant les autres catégories de batteries. On retrouve actuellement des batteries lithium-ion dans tous les flux de déchets (DEEE, ordures ménagères, collecte sélective), où elles sont à l’origine de nombreux départs de feu.
"L’innovation réside dans la préparation. C’est au cœur de nos questionnements : combien sommes-nous prêts à mixer nos flux entrants, et comment en accepter de plus hétérogènes ?", explique Pierre-Alain Gautier. "Comment intégrer les batteries de téléphones portables, de déchets électriques et électroniques (DEEE) ? Au final, le procédé qui assurera de bons produits en restant suffisamment rentable mixera peut-être un feed primaire et du recyclage. Là, Eramet peut apporter réponse un peu différente de ses concurrents."