Ah ben tiens justement :
Dennis Meadows :
« La démocratie a échoué à traiter le problème environnemental »
https://www.lemonde.fr/planete/article/ ... vyzffOokQg
Le physicien américain Dennis Meadows, 76 ans, est l’un des auteurs des « Limites de la croissance » en 1972, qui alerta sur les dangers de l’expansion démographique et économique pour l’environnement.
Votre rapport est paru il y a quarante-cinq ans. Quels changements avez-vous observé depuis ?
Le produit intérieur brut [PIB] mondial a continué de progresser. Jusqu’aux années 1990, lorsque les énergies fossiles étaient bon marché, cette croissance était génératrice de bien-être et permettait de réduire les écarts de revenus entre les riches et les pauvres. Ce n’est plus le cas, car désormais, la progression du PIB est en grande partie tirée par les dépenses engendrées par la pollution et le changement climatique, comme les travaux de réparations liés aux inondations ou à la montée des eaux.
A quoi ressemblera le monde dans quarante ans si l’on ne fait rien ?
Le prédire avec précision est impossible, mais une chose est sûre : le changement climatique accélère. Dans quelques décennies, les océans seront plus hauts à cause de la fonte des glaces, il y aura davantage de tempêtes, les régions autour de la Méditerranée seront plus sèches et les tensions liées aux inégalités plus intenses. Notre mode de vie, gourmand en biens matériels et en énergies fossiles, n’est donc pas tenable. Ajoutons que le rythme auquel la population mondiale progresse aujourd’hui n’est pas soutenable, du fait de la limitation des ressources naturelles et des énergies fossiles. Il devra donc ralentir d’une façon ou d’une autre.
Suggérez-vous d’instaurer un contrôle des naissances ?
La réponse ne relève pas de mon champ d’expertise mais, à moins de trouver comment envoyer des gens sur la Lune, il n’y aura pas de solution miracle. Soit les naissances se stabiliseront d’une façon ou d’une autre, soit la mortalité augmentera. Comment adapter nos modes de vie aux contraintes écologiques ? Il était plus facile d’envisager des changements fondamentaux avant les années 1990, lorsque nous pouvions nous concentrer sur autre chose que les dommages liés à la multiplication des crises financières et climatiques. Aujourd’hui, je vois mal comment les gens pourraient accepter de vivre avec moins. Nous ne choisirons donc pas le changement : il nous sera imposé, plus ou moins brutalement, par la hausse du prix des énergies fossiles et la limitation des ressources.
Si elle n’augmente plus le bien-être, pourquoi sommes-nous toujours accros à la hausse du PIB ?
En grande partie car les dirigeants politiques et les leaders financiers au pouvoir sont les premiers à tirer profit du système actuel et n’ont aucun intérêt à le faire évoluer. Aux Etats-Unis, certains Etats ont dû rendre le changement climatique « illégal » car leurs dirigeants refusent d’y croire. Mais les politiques peuvent bien faire ce qu’ils veulent : les contraintes naturelles détermineront notre futur, pas eux.
Les initiatives locales favorables à l’environnement se multiplient. L’impulsion peut-elle venir de la société civile ?
Ces initiatives sont excellentes, mais elles ne changeront pas le système. Au mieux, elles profiteront aux régions les mettant en œuvre. Prenez l’État du New Hampshire [nord-est des États-Unis], où je vis. Autrefois, notre production alimentaire était quasiment autosuffisante. Quand les prix de l’énergie ont baissé, la production s’est délocalisée vers les pays à moindres coûts : il devenait rentable de produire de la nourriture là-bas, et de l’acheminer jusqu’à nous par cargo. Maintenant que les prix de l’énergie remontent, des projets agricoles se développent à nouveau, et c’est une bonne chose pour l’avenir de ce territoire. De plus en plus d’entreprises et d’États se convertissent également au développement durable…
Comme la croissance verte, ce concept est un fantasme utile aux industries et aux dirigeants du système actuel pour justifier leur existence, tout en s’abstenant de mettre en œuvre les mesures réellement nécessaires. En vérité, le réchauffement climatique est déjà trop avancé pour espérer l’interrompre par un hypothétique développement durable.
Pourquoi la décroissance a-t-elle tant de mal à s’imposer dans le débat public ?
J’admire les décroissants, ils forment un réseau d’idées utiles, mais ils sont naïfs, et la façon dont ils s’y prennent est condamnée à l’échec. En anglais, le mot « degrowth » est connoté trop négativement pour susciter l’adhésion des politiques. Il serait plus pertinent d’utiliser une autre expression, comme celle de bien-être humain.
Au lieu de gaspiller leur énergie à tenter de convaincre les citoyens de réduire leur train de vie, les décroissants devraient plutôt leur faire comprendre que leur mode de vie est menacé par les tempêtes, les inondations et les autres mauvaises surprises qui se multiplieront dans les années à venir. L’urgence devrait être de développer la résilience de nos sociétés face à ces chocs, afin qu’elles puissent continuer à fournir les services de base.
Comment ?
Cette résilience peut se déployer à l’échelle des habitations, des quartiers, des villes. Là où je vis, les tempêtes provoquent régulièrement des coupures d’électricité, parfois pendant plusieurs jours. Je me suis donc équipé d’un générateur de secours. J’ai des réserves de nourriture au sous-sol. Je fais le plein lorsque le réservoir de mon véhicule est à moitié vite, afin de ne jamais être à court d’essence en cas d’urgence.
Le président français Emmanuel Macron s’est engagé à agir en faveur de l’environnement. Peut-il réussir ?
Non. Il n’est pas différent des autres. Les problèmes engendrés par le changement climatique et la pollution exigent de déployer des mesures extrêmement coûteuses à court terme mais dont les effets ne se mesureront pas avant des décennies.
Aucun homme politique ou parti ne remportera une élection avec un tel programme. C’est la limite de la démocratie, qui a échoué à traiter le problème environnemental – même si elle reste le meilleur régime que nous connaissions.