Feu vert controversé à la fracturation hydraulique en Angleterre
Vincent Collen Les Echos 24/05/2016
Malgré les oppositions, le groupe Third Energy a été autorisé à rechercher du gaz de schiste dans le sous-sol du Yorkshire. Le potentiel du Royaume-Uni reste incertain.
A l'arrêt depuis près de cinq ans, la recherche de gaz de schiste dans le sous-sol britannique va reprendre. Lundi soir, les autorités locales ont donné leur feu vert à la petite société Third Energy dans le Yorkshire, au nord de l'Angleterre. Le conseil du comté, à majorité conservatrice, a pris sa décision à l'issue de deux journées de débats entre partisans et opposants d'un projet hautement controversé.
Les associations de défense de l'environnement ont bruyamment manifesté. Le conseil avait reçu 4.375 objections de la part de la population locale, contre seulement 36 marques de soutien. Le gouvernement a salué la décision, estimant que ce projet était « une opportunité fantastique » pour créer des emplois et « renforcer la sécurité énergétique » du pays.
Situation paradoxale
Le Royaume-Uni était jusqu'à présent dans une situation paradoxale. Au niveau national, l'exploration par fracturation hydraulique est autorisée. Mais, sur le terrain, une série de revers a empêché l'essor du gaz de schiste. En 2011, la société Cuadrilla avait provoqué de légers séismes dans l'ouest de l'Angleterre. Un moratoire avait alors été imposé. L'an dernier, la même société était sur le point d'obtenir une nouvelle autorisation mais les autorités locales l'ont bloquée.
Outre l'opposition de principe des défenseurs de l'environnement, la population locale redoute les perturbations liées à l'exploitation, en particulier le bruit et la pollution provoqués par les allers-retours des camions-citernes transportant l'eau nécessaire à la fracturation. La décision de lundi est « un signal très positif pour les investisseurs échaudés par les échecs de Cuadrilla », estime Eric Oudenot, du Boston Consulting Group.
Une exploitation hypothétique
L'exploitation du gaz de schiste en Grande-Bretagne reste toutefois hypothétique. Third Energy se contentera d'abord de tester le sous-sol du Yorkshire dans un seul puits, pour vérifier qu'il répond positivement à la fracturation. Si c'est le cas, la société devra demander des autorisations pour d'autres puits. D'autres acteurs sont sur les rangs - dont Total et Engie, qui ont pris des participations dans des permis d'exploration -, mais leurs projets sont moins avancés.
Les associations de défense de l'environnement n'ont pas baissé les bras et pourraient gêner les travaux lorsqu'ils démarreront. Selon le « Times », Third Energy prévoit de commencer l'exploration cet hiver, comptant sur le mauvais temps pour décourager les activistes. « Les réactions de l'opinion publique seront un test pour les majors, qui laissent pour l'instant agir les petites sociétés avant de se lancer », poursuit Eric Oudenot. D'autant que la chute du prix du gaz a remis en question la rentabilité de ces projets.
Même si ces projets voient le jour, le potentiel du sous-sol britannique reste à prouver. Les réserves ont été officiellement estimées à 37.000 milliards de mètres cubes, mais l'exploitation sera-t-elle possible ? La déception en Pologne, où aucun puits ne s'est avéré exploitable, est dans toutes les têtes.
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