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En avril prochain, des millions de foyers, outre-Manche, vont voir leurs factures énergétiques bondir de 54 %. Une tendance à la hausse durable, résultat de la dépendance du pays au gaz couplé aux conséquences à moyen terme de la transition écologique, remarque la presse britannique.
“Votre grand-mère avait raison, mettez un pull. N’hésitez pas, non plus, à rouler vos vieux collants en boule sous les portes. Et puis commencez dès maintenant à prier pour un printemps clément.” Si le gouvernement se révèle incapable de résoudre la crise énergétique, “à vous de prendre les choses en main”. Tel est, en substance, le message un brin ironique adressé par The Sunday Times à ses lecteurs, le dimanche 6 février.
Quelques jours plus tôt, les autorités britanniques ont confirmé une mesure redoutée depuis plusieurs semaines : le rehaussement de 54 % du prix plafond de l’énergie. “Les cours du gaz, qui représente 40 % du mix électrique et chauffe 85 % des logements du pays, ont augmenté de manière disproportionnée ces derniers mois, explique la BBC. Résultat, une trentaine de fournisseurs ont mis la clé sous la porte depuis l’été dernier au Royaume-Uni. Cette hécatombe a contraint le régulateur du secteur, Ofgem, à autoriser les fournisseurs restant à répercuter cette augmentation sur les factures des particuliers.”
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Une hausse de 693 livres par an
Et la note s’annonce particulièrement salée. “La hausse concernera, à partir d’avril, 22 millions de foyers dont la facture moyenne atteindra 1 971 livres (2 331 euros) par an, soit une augmentation de 693 livres (819 euros)”, calcule la radiotélévision publique britannique. Dévoilées le jeudi 3 février par le ministre des Finances Rishi Sunak, les mesures de soutien d’une valeur totale de 350 livres par ménage ne couvriront, de leur côté, qu’une fraction de ces dépenses supplémentaires. “Seulement 150 livres auront été versés au moment de l’entrée en vigueur du nouveau plafond en avril”, précise la BBC.
Surtout, les Britanniques vont continuer à subir longtemps cette flambée du coût de l’énergie. À l’horizon se profile, déjà, une nouvelle hausse du plafond en octobre. “Personne ne sait vraiment quand les prix vont commencer à redescendre”, alerte The Guardian. D’ici deux ans, selon l’un des principaux fournisseurs britanniques. Une prévision optimiste, rétorque l’Agence internationale de l’énergie.
Le parc nucléaire réduit à peau de chagrin
“Les factures élevées sont amenées à faire partie intégrante du mix britannique”, abonde The Economist. À moyen terme, du moins. En cause, notamment, la transition vers les énergies renouvelables. La part du solaire, de l’éolien et de la bioénergie “a en effet augmenté drastiquement au cours des dernières décennies” pour atteindre 35,9 % du mix électrique au troisième trimestre 2021. “Problème, les énergies renouvelables ne fonctionnent que par intermittence”, tempère l’hebdomadaire économique. Lorsque le soleil ne brille pas ou que le vent manque (“ces derniers mois ont compté parmi les plus calmes des dernières décennies”), la production d’électricité ralentit. “Il faut alors se replier sur d’autres sources d’énergie, explique The Economist. Et plus on développe le renouvelable, plus les infrastructures des solutions de repli sont importantes et, logiquement, coûteuses.” Le charbon écarté, seul… le gaz fait figure, pour l’heure, de roue de secours réaliste.
Dans le même temps, ajoute le magazine libéral, le vieillissant parc nucléaire britannique, “qui constitue 16 % du mix avec une électricité décarbonée, fiable” et peu coûteuse “est réduit à peau de chagrin”. Deux réacteurs ont été définitivement mis à l’arrêt le 7 janvier. En 2028, seule une centrale historique sera encore en activité. “Le gouvernement souhaite en construire de nouvelles, mais pour l’heure les travaux ne sont en cours que sur un site pour une livraison prévue en 2026.”
Des solutions à long terme
Comment compenser ? Avec du gaz, une nouvelle fois. Une énergie déjà chère, donc, et soumise aux aléas géopolitiques, comme l’illustrent les débats récurrents autour du gazoduc Nord Stream 2. Sans compter que, pour atteindre son objectif de neutralité carbone du mix électrique en 2035, le pays prévoit d’installer des technologies de séquestration du carbone dans ses centrales thermiques. “Cela n’a jamais été réalisé à une telle échelle, souligne The Economist. Et cette opération d’envergure risque de coûter cher et par conséquent de faire grimper les prix encore un peu plus.”
Certes, des solutions existent pour faire baisser les factures, tempère le New Scientist. Une meilleure isolation des logements, véritables passoires outre-Manche, conduirait à une réduction de la consommation globale des ménages. “Sur ce point-là, les gouvernements successifs ont manqué de volonté politique, explique avec amertume l’hebdomadaire conservateur The Spectator, alors que tout le monde sait qu’il s’agit d’un levier primordial.” Le remplacement des chaudières à gaz permettrait également de réduire la dépendance du pays aux fluctuations des prix de cette énergie fossile, en bonne partie importée. Enfin, le développement annoncé des technologies de stockage de l’électricité issues du solaire et de l’éolien viendrait réduire graduellement la nécessité de recourir aux sources d’énergie de secours. Des solutions “du temps long”, prévient le New Scientist, “qui ne permettent pas de soulager la douleur actuelle”. Passer au vert, résume The Economist, “ça coûte cher”. En temps, comme en argent.