Le cours du baril de pétrole devrait rester bas en 2009 en raison de la récession
LE MONDE | 27.01.09
Au milieu de la débâcle économique mondiale - encore illustrée lundi 26 janvier par l'annonce de plus de 70 000 licenciements (Caterpillar, Pfizer, ING, Philips, General Motors...) -, il n'y a guère de raisons de se réjouir. Sauf une : le prix du pétrole.
Après avoir atteint 147,20 dollars en juillet, le baril est retombé à moins de 50 dollars fin 2008. Economistes et analystes du secteur le voient osciller autour de 40 dollars en 2009. Une énergie bon marché soutiendra la relance. Elle n'est encore que le symptôme d'une récession sans précédent depuis 1929. L'or noir résiste encore à la crise, malgré l'entrée en récession des grandes nations industrielles, le ralentissement prononcé des pays émergents, le dévissage des places boursières, les licenciements massifs ou la fragilité persistante du système bancaire.
A New York, le baril de light sweet crude pour livraison en mars a terminé la séance de lundi à 45,73 dollars, tandis que le brent de la mer du Nord clôturait à Londres à 46,96 dollars.
Cette résistance a surpris les experts, sans les convaincre que le phénomène durera. L'Américain Nouriel Roubini, un des rares économistes à avoir prévu la crise, voit le baril dans une fourchette de 30 à 40 dollars. Ces dernières années, les experts ont péché par excès de prudence. Une étude de la Deutsche Bank révélait fin 2007 qu'ils avaient sous-estimé en moyenne d'un tiers l'augmentation entre 1999 et 2006. Hormis quelques fins limiers, comme ceux de Goldman Sachs, aucun n'avait prévu un baril à près de 150 dollars. Encore moins une chute sous les 40 dollars.
Vont-ils encore se tromper ? Ces derniers jours, les prix ont été soutenus par la discipline inattendue de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). En quatre mois, elle a annoncé trois baisses de sa production en septembre (- 520 000 barils), octobre (- 1,5 million) et décembre (- 2,2 millions). Soit 4 % de la production mondiale. Elle s'y tient à peu près, ce qui tranche sur l'indiscipline traditionnelle au sein du cartel.
Son secrétaire général, Abdallah Salem Al-Badri, assure que les deux premières décisions ont été répercutées "à presque 100 %". La troisième est en passe de l'être. "Les onze membres de l'OPEP soumis aux quotas (hors Irak) ont abaissé leur production à 26,1 millions de barils par jour en janvier, contre 27,7 millions en décembre, soit une baisse de 1,5 million", a déclaré à l'AFP Conrad Gerber, dirigeant de Petro-Logistics, une société indépendante. Ce qui démontre un "très bon respect" des quotas, puisqu'ils sont respectés à 75 %.
Mi-février, l'Organisation fera un point sur les marchés. Son nouveau président, l'Angolais Jose Botelho de Vasconcelos, n'a pas exclu que ses membres se retrouvent avant la réunion prévue le 15 mars à Vienne. Ni qu'ils décident à cette date de resserrer à nouveau les vannes si les prix tombent sous les 40 dollars. Mais l'objectif de l'Arabie saoudite de faire remonter le prix à 75 dollars semble hors de portée à court terme.
Les stocks commerciaux de brut sont, en effet, très élevés aux Etats-Unis. A 332,6 millions de barils, ils sont sensiblement au-dessus de leur moyenne des cinq dernières années, indique la société Platts. De son côté, la consommation va reculer en 2009. Une première depuis 1983 ! Les prévisions diffèrent selon les sources, mais toutes donnent la même tendance : - 800 000 barils pour le département américain de l'énergie, - 500 000 pour l'Agence internationale de l'énergie (AIE), - 200 000 pour l'OPEP. Il est probable qu'ils reverront ces chiffres à la baisse, comme ils l'ont fait ces derniers mois, préviennent des économistes, persuadés que la récession n'a pas atteint son point bas.
MENACE SUR L'INVESTISSEMENT
L'incertitude sur la durée de la crise dominera le sommet annuel du monde pétrolier, réuni du 9 au 13 février, à Houston. Daniel Yergin, président du Cambridge Energy Research Associates (CERA), souligne que "jamais dans l'histoire les prix n'avaient changé aussi brutalement en si peu de temps". Cet expert juge "crucial pour les industriels de l'énergie de savoir si la reprise interviendra au second semestre 2009 ou si le monde subira un ralentissement plus long".
L'effondrement des prix pèse déjà sur les cours de Bourse des pétroliers et parapétroliers. Et surtout sur la valeur des sociétés nationales des pays producteurs, selon le consultant PFC Energy cité par le Financial Times. Cette situation est inquiétante, car elle limite la capacité d'investissement de groupes comme Gazprom (Russie), Petrobras (Brésil) ou PetroChina (Chine). Les majors ExxonMobil, BP, Shell, Total ou ENI s'en tirent mieux.
L'année 2009 ne sera pas florissante, selon la compagnie franco-américaine Schlumberger, qui s'attend à une "rapide et substantielle réduction des dépenses d'exploration-production". Au prix actuel du brut, estime son PDG, Andrew Gould, "la plupart des nouvelles réserves d'hydrocarbures ne sont pas rentables à développer". L'AIE estime à 270 milliards d'euros par an les investissements nécessaires pour répondre à la demande.