Yann Arthus-Bertrand: "Je dérange"
Par Vincent Olivier, publié le 25/06/2009
L’Express.fr (
http://www.lexpress.fr/actualite/enviro ... 70142.html)
Le réalisateur de Home répond aux polémiques qui ont accompagné la sortie de son documentaire. Et il annonce déjà une suite...
Il arrive un peu tendu, presque méfiant. Malgré le succès planétaire de son documentaire Home, Yann Arthus-Bertrand se sent mal aimé des médias. La semaine dernière pourtant, il a contacté L'Express afin de répondre "sur le fond" à "des attaques injustifiées". Résultat : deux heures et quart d'entretien... et l'annonce d'une suite à Home.
8 millions de Français devant leur téléviseur, des dizaines de milliers dans les salles de cinéma et, pourtant, vous vous dites "blessé". Pourquoi?
Avant même que le film sorte, on a beaucoup parlé de marketing, de gros sous, mais très peu des images de Home et du message qu'il sous-tendait. J'ai même eu droit à des procès d'intention. Pour certains, je ne proposerais pas assez de solutions -comme si c'était à moi d'expliquer à un architecte comment bâtir une maison écolo. Pour d'autres, j'aurais dû évoquer le nucléaire, alors que ce n'est pas le propos et qu'il n'y a pas, à ce jour, de consensus sur la balance bénéfices/risques de cette énergie.
Vous en voulez aux journalistes?
Je m'interroge sur ce qui fait l'actualité. Le 5 juin, Journée mondiale de l'environnement, les médias ne parlaient que de cette histoire de Gasquet et la cocaïne! Parfois, la hiérarchie de l'information me paraît incompréhensible. Enfin, certains journalistes pensent manifestement qu'être bon, c'est être cynique et méchant. Or, moi, je bouleverse les codes: j'assure une diffusion gratuite de mon film, mais j'ai recours à des financements privés. J'utilise l'hélicoptère, mais je fais en sorte qu'il soit "compensé carbone". Sans doute cela dérange-t-il... Cela dit, je reconnais une erreur: nous n'avons pas montré le film aux journalistes en avant-première. Du coup, comme ils n'avaient rien à se mettre sous la dent, ils se sont attaqués à moi.
Et cette polémique sur la diffusion du film à la veille des élections européennes, pour favoriser le vote écologiste?
La date a été choisie il y a deux ans, alors que personne ne savait précisément quand auraient lieu les européennes! Pour le reste, moi qui ai toujours voté vert, je savais que mon film était fort et je me doutais qu'il aurait un impact. Lequel? Difficile à dire. Probablement avons-nous fait voter des gens qui, sinon, n'auraient pas voté du tout. Quant à savoir si cela a favorisé la droite ou la gauche... Lorsqu'on a projeté le film à l'Elysée, en avant-première, j'étais assis à côté de Nicolas Sarkozy, et je vous garantis que, pendant deux heures, il n'a pris ni coup de fil ni Texto. A la fin, il m'a dit qu'il avait adoré le film, alors qu'il lui a peut-être fait perdre des voix.
Ne craignez-vous pas d'être instrumentalisé?
Tant mieux si je le suis ! L'important n'est pas d'être ou non utilisé. L'important, c'est de faire avancer la cause à laquelle on croit. Alors oui, je me sers de mon nom, et tant pis si ça énerve que je parvienne, en l'espace de quelques minutes, à obtenir 10 millions d'euros de François-Henri Pinault pour tourner, en toute liberté, le film dont je rêvais...
A force de tourner "d'en haut" comme vous le faites, ne risquez-vous pas, en quelque sorte, d'"esthétiser" la déforestation, l'urbanisation, tous les phénomènes de pollution?
D'abord, ne négligez pas le texte du film. D'autre part, je l'avoue, j'aime cadrer, j'aime les belles images... et, de toute façon, je ne sais pas faire moche ! Enfin, la beauté est universelle. Vous savez, la mer que l'on vide de ses poissons reste bleue, le ciel qui se charge de CO2 ne change pas non plus de couleur.
Y aura-t-il une suite à Home?
Au départ, je ne le souhaitais pas. Et puis j'ai entendu le silence, sur le Champ-de-Mars, à l'issue de la projection. Et j'ai eu envie de faire un Home 2.