BP peut-il remonter à la surface ?
L' Expansion 10/06/2010
La valeur du géant pétrolier a passé aujourd'hui le cap symbolique des 50% de chute depuis le début de la marée noire. L'avenir de la compagnie se noircit, et la crainte d'une OPA refait surface. Pourtant les analystes restent plutôt confiants. Explications.
A mesure que des litres de pétrole se déversent dans le Golfe du Mexique, le titre BP s'affaisse un peu plus sur les marchés. Ce jeudi, le cours du groupe s'est effondré de plus de 15% en début d'échanges à la Bourse de Londres. La veille, il avait chuté dans des proportions identiques à Wall Street, tombant à son plus bas niveau depuis 14 ans. Plus grave encore, la valeur a passé aujourd'hui le cap symbolique des 50% de chute depuis le début de la marée noire.
Pour les analystes, cette baisse spectaculaire trouverait son origine dans une double crainte des investisseurs. Ces derniers appréhenderaient en effet que le géant pétrolier ne soit contraint de suspendre le paiement de dividendes, pour apaiser l'opinion publique américaine et répondre aux pressions gouvernementales. Mas ils s'inquiéteraient surtout de l'impact financier de la catastrophe. Certains iraient en effet jusqu'à redouter que cette tragique marée noire ne débouche sur la remise en cause de l'avenir du groupe, voire sur une faillite de l'entreprise. "L'action souffre maintenant des craintes de l'avenir même de BP. Il ne s'agit plus seulement d'un bruit de baisse du dividende. Maintenant, c'est de capacité de survie dont il s'agit", a déclaré Jon Najarian, fondateur du site d'informations optionMonster.com.
Il faut dire que les mauvaises nouvelles s'accumulent sur la tête du géant pétrolier. La marée noire lui aurait déjà coûté 1,43 milliard de dollars, selon les chiffres annoncés ce jeudi. Un montant qui inclut l'ensemble des dépenses effectuées par le groupe, comme les mesures de nettoyage et de confinement, le forage de puits de secours, les aides versées aux Etats riverains, ou encore les dommages déjà remboursés. Or à cette somme déjà considérable, il va falloir ajouter les actions en justice qui ne vont pas manquer de pleuvoir. Au final, les analystes évaluent la facture définitive en dizaine de milliards de dollars, 37 exactement selon les estimations de Crédit Suisse. 9,7 milliards selon UBS.
Pour la majorité des spécialistes du secteur, le géant britannique devrait malgré tout pouvoir supporter une facture de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Et ce même si les trois plus grandes agences de notation mondiales ont baissé d'un niveau la note de BP. L'entreprise, qui pourrait étaler dans le temps ses dommages et intérêts, présente une faculté d'emprunt considérable, et a généré 27 milliards de dollars de cash sur ses activités en 2009. Selon Mark Fletcher, stratège chez Citigroup, compte tenu de sa puissance financière, BP serait en mesure d'absorber 10 milliards de dollars par an en coûts supplémentaires à partir de 2011.
C'est d'ailleurs ce qu'a voulu rappelé en substance BP pour rassurer les investisseurs. Selon le groupe, aucune raison valable ne justifie l'effondrement de son cours de Bourse. Il a souligné que sa trésorerie était plus élevée qu'avant le déclenchement de cette catastrophe, en raison d'un rebond des prix du pétrole. "De plus, notre ratio d'endettement est actuellement en-dessous du plancher de notre fourchette de prévisions", a souligné BP, avant de rappeler l'importance de ses actifs, avec plus de 18 milliards de barils de réserves prouvées, et 63 milliards de barils de ressources à la fin 2009.
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Une OPA est-elle envisageable ?
Malgré ces chiffres plutôt encourageants, la question de l'OPA hostile reste en suspend. Il y a quelques semaines encore ce scénario paraissait plus théorique que réaliste. Aujourd'hui, "il est possible d'imaginer que toutes les compagnies concurrentes gardent un oeil sur le prix de l'action et que, pour chacune d'entre-elles, il existe un nombre magique à partir duquel une OPA serait possible", expliquait récemment à L'Express Dougie Youngson, analyste chez Arbuthnot Securities. Avec 90 milliards de dollars évaporés en Bourse depuis le début de la crise, le nombre magique a-t-il été atteint ? En tous cas, le nombre potentiel de repreneurs, lui augmente. A l'image de Total et Shell, dont les capitalisations boursières dépassent désormais celle du britannique. Quant à Exxon Mobil il pèse maintenant bien plus du double de la valeur de BP...
Pour l'heure, aucun des concurrents du pétrolier n'a donné un quelconque signe d'intérêt à l'égard du géant britannique. Absorber une entité de cette taille, à l'image souillée pour longtemps, n'est pas donné à tout le monde. Il y a moins d'une semaine Christophe de Margerie, le PDG de Total, jugeait d'ailleurs inconcevable qu'une offre publique d'achat soit lancée sur BP. "Il est hors de question de parler de ce genre de choses, parce que profiter de la situation épouvantable dans laquelle ils sont pour faire une opération est complètement non éthique. Ce ne serait pas concevable. C'est juste impensable." déclarait-il au magasine Jeune Afrique. Reste à espérer que BP saura être reconnaissant !