La plupart de ces produits sont utilisés de façon courante dans les boues de forage, même verticaux sans fracturation, et leurs propriétés sont bien connues. Evidemment, les boues de forage sont bien canalisées, puis récupérées en surface et traitées. Ce sont des sociétés spécialisées (NOV BRANDT EUROPE, par exemple), qui récupèrent ces boues pour les traiter. Les volumes sont bien suivis, avec des bordereaux de suivi des cargaisons évacuées par camion, jusqu’au site ultime d’évacuation. C’est aussi l’intérêt du sous-traitant, qui a intérêt à s’assurer que les quantités sont bien respectées pour sa facturation. Il faut savoir que le déchet reste, en permanence, sous la responsabilité de la compagnie pétrolière. Il arrive qu’il se produise des pertes de boue lors des opérations de forage, mais là, personne ne sait où ça va. Lorsque les pertes se produisent dans des zones présentant des aquifères de surface, le forage se fait à l’eau claire. Lorsque les pertes se produisent à des profondeurs où il n’y a plus d’aquifères d’eau potable, la boue est simplifiée à l’extrême pour réduire les consommations de produits (c’est souvent la galère pour mixer en continu de la nouvelle boue de forage pour remplacer la boue perdue) : eau + bentonite (argile), plus soude pour le pH.
Dans le détail, même si je ne suis pas spécialiste des produits à boue (je vais me renseigner auprès de confrères, ingénieurs boue, pour vérifier que je n’ai pas écrit d’âneries) :
- Le « proppant », ou agent de soutènement, est constitué de billes calibrées de matériaux tel le sable ; il sert à empêcher la fracture de se refermer, et il a donc vocation à rester en place.
- L’acide chlorhydrique semble incompatible avec l’hydroxyde de sodium (et non le carbonate de sodium ou de potassium) cité plus loin. En général, on pompe des fluides alcalins (pH de 9 à 10) et donc enrichis en hydroxyde de sodium. L’utilisation de l’acide chlorhydrique est réservée à des opérations spéciales, pour des opérations sporadiques lorsque la zone à traiter contient des carbonates. Dans ce cas, il est injecté pur (généralement en concentration dite 15X). Il sert aussi à réguler finement le pH du gel utilisé en fracturation hydraulique (qui est différent de la boue forage, alcaline, elle). Les ions sodium et chlorure sont parfaitement anodins. Les hydroxydes ou les ions H+ résistent mal à la dilution, par définition même du pH.
- Le réducteur de friction est fondamentalement un lubrifiant, destiné à réduire les pertes par frottement entre le train de tiges, qui tourne, et les cuvelages, fixes. Ce sont des huiles minérales, moins denses que l’eau, dont elles sont séparées par simple décantation. Je ne vois pas ce que le polyacrylamide vient faire là.
- Le « surfactant », en français tensioactif, permet l’émulsion de phases non miscibles. Je ne vois pas comment l’isopropanol, le grand frère de l’alcool éthylique de nos boissons fermentées, pourrait augmenter la viscosité d’un mélange (sinon par la réalisation d’une émulsion, mais on parle d’une légère augmentation de viscosité, rien à voir avec ce que l’on veut obtenir), mais je crois plutôt qu’il est utilisé comme tensioactif.
- L’augmentation de la viscosité de la boue de forage est obtenue par des polymères, comme, justement le polyacrylamide, placé par erreur dans la mauvaise case. On en utilise aussi dans les boues de forage de puits verticaux. Dans les temps anciens, on obtenait le même effet avec de l’amidon. L’objectif est de permettre la remontée des copeaux de roche broyée, qui ne remonteraient pas en utilisant simplement de l’eau, pas assez visqueuse (vitesse de chute des copeaux supérieure à la vitesse ascensionnelle de la boue en cas de forage à l’eau claire).
- Le chlorure de potassium est un produit pas sympa, qui achève les condamnés à mort aux USA lorsqu’il est injecté en intraveineuse. On en utilise, parce que l’ion potassium a la particularité d’empêcher les argiles, traversées en forage, de gonfler. On stabilise ces argiles avec ces ions potassium. Une fois dilués, les ions chlorure et potassium redeviennent parfaitement anodins.
- Le « gelling agent » est vraiment spécifique à la fracturation hydraulique. Il faut que le fluide pompé soit très visqueux, beaucoup plus que la boue de forage, pour « porter » les grains de sable jusqu’à leur destination ultime, au cœur de la fracture. Il faut ensuite « casser » le gel, comme une mayonnaise qui tombe, pour pouvoir expulser les liquides du puits en laissant le sable au fond. Pour casser le gel avec retard, on utilise le « persulfate d'ammonium » (
http://www.cdc.gov/niosh/ipcsnfrn/nfrn0632.html). Je ne connais pas ces produits, et ne me prononcerai pas. Wikipedia signale juste que l’hydroxyethyl cellulose est utilisé dans des médicaments. On peut donc créditer ce produit d’une toxicité modérée. De mémoire, mais sans garantie, je crois qu’on ajuste le timing de destruction retardée du gel en agissant, finement, sur le pH. C’est sans doute là que l’acide chlorhydrique trouve sa place.
- Le « scale inhibitor » est destiné à prévenir le dépôt de précipités (tartre, sulfate de baryum, etc.) sur les tuyaux. L’éthylène glycol est utilisé comme antigel. Il est dangereux par ingestion.
- Le « pH adjusting agent », déjà rencontré, sert à monter le pH. Je vois mal un carbonate remplir ce rôle, ordinairement dévolu aux hydroxydes. Les foreurs utilisent de la soude (soude caustique, comme on disait puis). Ce produit redevient parfaitement anodin par dilution.
- On a vu le persulfate d’ammonium, qui permet de choisir le moment où on casse le gel.
- Le « crosslinker » m’est mal connu. Je le comprends comme étant un produit qui permet de maintenir la viscosité d’un gel, alors que les températures croissantes dans un puits tendraient à la faire chuter. Je ne connais pas les borates (de sodium -
http://www.cdc.gov/niosh/ipcsnfrn/nfrn0567.html - ou de calcium), mais leurs toxicités apparaissent faibles.
- L’iron control évite le dépôt de rouille sur les tuyaux, par réduction chimique de la rouille. L’acide citrique est parfaitement anodin. Sauf pour les personnes souffrant d’aigreurs d’estomac.
- Les deux derniers sont moins anodins, mais on les utilise pendant toute la durée d’un forage, sauf pour la traversée des aquifères de surface. L’inhibiteur de corrosion est un produit pas sympa. Il permet d’éviter la corrosion du matériel tubulaire dans le puits, et surtout celle des cuvelages, qui ont vocation à rester à perpétuité. On ne peut pas faire l’économie de ce produit. Malheureusement, il n’en a pas été trouvé d’anodins. L’arsenic a vite été prohibé, pour le remplacer par des inhibiteurs organiques. Le N,N-dymethylformamide a la fiche de sécurité suivante :
http://www.cdc.gov/niosh/ipcsnfrn/nfrn0457.html.
- Le bactéricide est également indispensable, pour interdire toute contamination bactérienne des niveaux géologiques traversés. On connaît des peuplements bactériens anaérobies involontaires dans le Dogger du Bassin de Paris, parce que la boue de forage était préparée, sans traitement, à partir de l’eau de l’étang d’à côté. Du coup, quand ces bactéries trouvent des ions sulfate, elles se régalent et les réduisent en sulfure d’hydrogène, meurtrier. Ca peut durer indéfiniment. Heureusement, les bactéries voyagent peu (sauf dans les puits d’injection d’eau), et elles restent aux endroits où on les a mises, aux abords de puits. Les propriétés du glutaraldéhyde sont décrites au lien :
http://www.cdc.gov/niosh/ipcsnfrn/nfrn0158.html : c’est le moins sympa de la bande.
Il faut bien comprendre que tous ces produits, sauf le sable, l’agent gélifiant, le briseur de gel et sans doute le crosslinker, sont utilisés dans les forages ordinaires, même verticaux.
C’est pour cela que les DREAL, Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, sont sourcilleuses sur les conditions d’élimination de ces produits, une fois les opérations de forage terminées. Les recoupements entre les quantités facturées par le fournisseur (qui reprend les palettes de produits non consommés) et les quantités évacuées par camion permettent de s’assurer que tout a bien été éliminé dans les règles.