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par franck1968 » 09 mars 2006, 20:00
Les stocks mondiaux de morue restent très bas
LE MONDE | 08.03.06 | 13h06 • Mis à jour le 08.03.06 | 13h06
En mars 2005, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) révélait que 75 % des zones de pêche de la planète étaient exploitées à leur maximum, surexploitées ou carrément épuisées. Tel est le cas, bien documenté, de l'effondrement des stocks de morue dans l'Atlantique Nord depuis les années 1990. Le temps de la pêche miraculeuse de ce poisson de fond, qui a duré plusieurs siècles et dont les prises ont atteint un record de près de 2 millions de tonnes par an dans les années 1980, est terminé.
Le Canada et l'Opano (Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest) ont pris diverses mesures (quotas de pêche, moratoire, interdiction de la pêche commerciale) pour éviter le pire mais rien n'y a fait. Avec les années, les stocks ne se rétablissent pas.
Bien des explications ont été avancées pour expliquer cette situation. Notamment la surpêche dans les eaux internationales comme dans les eaux canadiennes ; la hausse exponentielle de la population de phoques, qui s'alimentent en poissons ; le refroidissement des eaux du Golfe du Saint-Laurent et de l'Atlantique Nord.
Deux études récemment publiées, l'une aux Etats-Unis, l'autre au Canada, apportent un éclairage nouveau sur cette incapacité de l'espèce à se régénérer. La première, effectuée par le Centre de recherches marines de Stony Brook, dans l'Etat de New York, et publiée en février dans la revue Ecology Letters, émet l'hypothèse - appuyée par une expérience scientifique réalisée sur une autre espèce de poisson, la capucette - que la pêche de poissons de grande taille induit une transformation génétique de l'espèce. A la faveur d'une pêche intensive, la morue, par exemple, se serait en quelque sorte programmée pour disparaître, en intégrant des facteurs qui nuisent à son rétablissement, comme le fait de réduire la taille de ses spécimens, lesquels produisent moins d'oeufs, avec des alevins qui meurent plus jeunes et qui grandissent beaucoup moins vite.
SITUATION TRAGIQUE
La seconde étude, réalisée par des chercheurs du ministère canadien des pêches et des océans et publiée en février dans le Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques, conclut que même le peu qui reste de la pêche côtière à la morue au large des côtes canadiennes handicape les chances de voir l'espèce se rétablir.
"Malgré l'imposition de restrictions sévères de pêche durant plus d'une décennie, les stocks n'ont pour la plupart pas réussi à récupérer aux taux prédits dans le nord-ouest de l'Atlantique", soulignent les auteurs de l'étude. D'après leur analyse des douze stocks de morue identifiés au large de Terre-Neuve, du Labrador et dans le Golfe du Saint-Laurent, l'arrêt total de la pêche aurait permis à six stocks de grossir d'au moins 5 % par an, alors que dans quatre autres, le taux de croissance annuel aurait été supérieur à 10 %.
Avec la poursuite d'une pêche restreinte (moins de 7 000 tonnes par an, soit un quinzième du niveau des années 1980), les chercheurs estiment que "les taux moyens de croissance d'au moins huit stocks sur douze seront négatifs ou très faibles, de l'ordre de 2 % maximum par an". Dans le Golfe du Saint-Laurent, la situation est à ce point tragique que le stock s'achemine d'après eux vers l'extinction pure et simple. Un processus qu'ils jugent irréversible. Dans les autres zones, en revanche, un arrêt total de la pêche pourrait - lentement - renverser la situation et permettre un certain rétablissement des stocks. Mais une telle interdiction, en haute mer, n'est nullement à l'ordre du jour.
Les chercheurs de Stonny Brook préconisent donc une révision complète de la gestion des pêches, peut-être en n'autorisant que les prises de poissons de taille moyenne et en laissant les plus gros et les plus petits à l'eau. Raison avancée : l'absence de régénération "défie la théorie actuelle des pêcheries", qui postule que la pêche n'a pas d'impact sur la génétique des poissons et qu'elle contribue au rétablissement des stocks en laissant "moins de spécimens en concurrence pour la nourriture".
Anne Pélouas