Remas a écrit :Est-ce qu'Audi arrivera à faire aussi bien que Tesla ? Peut-être
C'est un peu sévère pour Audi, et plus généralement le groupe VAG, de les suspecter de ne pas réussir à développer et commercialiser avec succès une grosse berline électrique ! Contrairement à la marque VW qui a parfois tendance à investir des niches qui ne sont pas faites pour elles- cf la
Phaeton, échec commercial retentissant qui fait figure de cas d'école dans les errements du
Product Planning de Wolfsburg - Audi a un plan produit réfléchi et prudent qui fait que chaque modèle est un succès. On peut donc dire par retour d'expérience que si Audi a décidé d'y aller, c'est qu'ils sont sûrs de leur coup.
Remas a écrit :je pense quand même que Tesla aura une sacré avance
En fait, Tesla Motors (TM) est plutôt en retard pour être capable de passer du statut de gros artisan automobile à celui de constructeur. Aujourd'hui, avec environ 30 000 véhicules produits par an, TM est dans une logique qui s'accorde bien avec la fabrication d'objets de luxe : faibles cadences, relativement forte personnalisation (même si on est un ou deux ordres de grandeur de ce que sait faire Daimler), assemblage manuel - sur ce dernier point, les robots flambant neufs que TM aime montrer à la presse ne s'occupent que de la construction du cadre aluminium, pièce essentielle qu'il n'est pas facile de monter et souder manuellement avec les exigences de qualité qu'on peut attendre d'un tel assemblage.
Si TM veut aller plus loin que sa part de marché actuelle de 0,2%, il lui faut descendre du luxe vers le marché du premium. Or ce marché est aujourd'hui quasiment dominé par Audi sur tous les fronts.
En automobile, on ne peut se contenter de concentrer ses efforts de conquête sur un seul front, celui qui est le plus visible, à savoir le front du produit. TM a montré qu'il sait concevoir de bons véhicules dans le domaine du luxe, il va falloir maintenant faire la même chose dans le premium : ce marché, dix à cinquante fois plus importants, n'est pas constitué que d'acheteurs hyper-riches qui s'achètent une voiture électrique comme on s'achète un smartphone : les voitures Tesla sont des voitures qu'on aime montrer, avec lesquels on aime jouer un peu (un petit coup d'accélération pour se faire des frissons, un peu de pianotage sur le gigantesque écran de commandes tactile...) mais dont on se fiche un peu de la fonction première (rouler par tous temps, sur toutes sortes de parcours). Le premium est souvent la voiture principale du foyer, il doit aussi bien servir pour la ville que pour les trajets longue distance de plusieurs heures. Sur ce point, malgré les efforts de TEsla pour développer un réseau de bornes de recharge rapide, on est encore loin de pouvoir envisager avec aisance une escapade improvisée Stuttgart-Lubéron en passant par l'autoroute puis les routes de montagne, surtout si on roule avec la clim' (les 450 km d'autonomie des Tesla sont atteints clim' atteinte et à 90 km/h stabilisés). Le combat de l'autonomie n'est donc pas encore gagné, mais tout le monde aujourd'hui en est au même point.
Mais il y a d'autres fronts, sur lesquels TM est beaucoup moins à l'aise. D'abord, le réseau commercial : il va falloir convaincre plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d'entrepreneurs dans le monde pour monter un réseau de concessionnaires dignes de ce nom, avec l'inconvénient majeur du véhicule électrique pour ce business : la voiture nécessite très peu d'entretien, donc les véhicules reviennent rarement au garage. Or c'est sur cette activité que se fait la marge du concessionnaire. Il va donc falloir trouver autre chose pour persuader les futurs concessionnaires d'investir lourdement dans ces projets nécessitant des infrastructures de réparation coûteuses, complexes et très peu développées dans le monde de l'entretien automobile : entretien des batteries, réparation de pièces aluminium et fibre de carbone...
Il faudra aussi que les véhicules de TM sachent démontrer leur durabilité et surtout le maintien de leur valeur dans le temps : environ la moitié des achats premium se font via des organismes de financement ou des achats de flotte : ces clients-là n'achètent pas des voitures uniquement sur la base du look et des performances, ils veulent être sûrs que les véhicules seront revendables à bon prix en occasion après 3 à 5 ans d'utilisation. Les batteries TM, directement dérivées des celles qu'on met dans les PC portbales, seront probablement à changer au moment de la revente : voilà un coût de remise en état qui n'est pas pour plaire à cette clientèle...
Enfin, il y a aussi le front de la fabrication : pour produire 10 fois de véhicules et devenir menaçant pour Audi, il va falloir savoir construire des usines capables de produire 1000 véhicules par jour et non 100. Pour cela, il va falloir changer certains procédés (personne ne sait faire de la fibre de carbone à cette cadence) et beaucoup plus robotiser les opérations. Encore des investissements en perspective, sur lesquels TM a peu de recul : c'est un peu comme si on demandait à Rolex de construire une usine de Swatch.