ca y est
100 $ la livre est pulvérisé !
Le boom du nucléaire fait flamber les cours de l'uranium
SINGAPOUR (Reuters) - Les cours spot de l'uranium sont au plus haut depuis la fin des années 70 alors que l'énergie nucléaire connaît un nouvel engouement lié à l'envolée des prix des hydrocarbures et au fait qu'elle est moins génératrice de gaz à effet de serre.
Alors que les autorités françaises ont volontiers souligné que la production d'électricité d'origine nucléaire avait contribué à limiter la facture énergétique, les prix du combustible nucléaire poursuivent leur ascension et ont atteint 113 dollars la livre, selon Ux Consulting, un bureau d'analyse spécialisé sur le marché de l'uranium.
Les prix spot de l'uranium sont ainsi passés de 9,50 dollars la livre fin 2002 à 36,25 dollars fin 2005 puis 60 dollars à la fin de l'année dernière.
Les prix pourraient encore augmenter en raison de la demande croissante des pays et des faibles disponibilités en combustible.
Des années de sous-investissement dans l'exploitation d'uranium à cause de prix peu élevés et du lobby antinucléaire ont entraîné une pénurie de combustible dans le monde.
"L'environnement est favorable à une renaissance du nucléaire. Les opérateurs de marché se sont tellement concentrés du côté de l'offre, qu'ils ont oublié que c'est aussi une histoire de demande et le développement de nouveaux programmes d'exploitation n'a pas encore décollé" a déclaré Joël Crane, analyste à la Deutsche Bank à Melbourne.
Plusieurs pays d'Europe, les Etats-Unis, la Russie, la Chine et même certains groupes environnementaux, comme Greenspirit, sont favorables au nucléaire notamment parce qu'il émet moins de gaz à effet de serre que les combustibles fossiles.
Les risques d'accidents nucléaires comme Tchernobyl et la crainte que l'uranium enrichi soit utilisé à des fins militaires ont certes freiné le développement de l'énergie nucléaire.
Certains observateurs considèrent toutefois que l'uranium pourrait encore augmenter de 50 dollars par livre.
"Le pic des années 70 s'élevait à 120 dollars par livre en termes réels. Etant donné la faiblesse du dollar, la forte demande et l'offre limitée, nous pouvons considérer que le pic pourrait être de plus de 150 dollars", estime ainsi Paul Carter, directeur général de la firme de courtage Argonaut Securities à Perth.
"La demande tire les prix mais la faiblesse du dollar signifie qu'on est prêt à payer un peu plus que dans d'autres devises", précise-t-il.
Actuellement 435 réacteurs nucléaires sont en fonctionnement dans le monde, dont 58 en France répartis sur 19 sites pour une capacité totale installée de 63.363 mégawatts.
La France est ainsi le deuxième producteur mondial d'électricité d'origine nucléaire après les Etats-Unis avec une production de 428,7 terawatts/heure d'électricité nucléaire l'année dernière, soit 78% de sa production totale d'électricité.
Au niveau mondial, 28 réacteurs sont en construction, 64 planifiés, et quelque 158 projets sont en cours.
L'Inde et la Chine arrivent en tête des nouveaux projets de construction avec respectivement sept et cinq nouvelles centrales.
En France, les travaux de construction du réacteur de troisième génération EPR (European Pressurized Reactor) à Flamanville (Manche) débuteront fin 2007.
Les constructeurs des réacteurs qui entreront en service d'ici cinq à sept ans cherchent à s'assurer dès maintenant des prix pour leurs premiers chargements d'uranium.
"Ces premiers chargements devront intervenir alors que d'autres réacteurs tournent presque à plein régime - plutôt à près de 90% de leur capacité qu'à 70% - ce qui signifiera une augmentation de la consommation de combustible", prévient Paul Carter.
Un nouveau réacteur a besoin d'environ 600 tonnes d'uranium pour le premier chargement. Il consomme ensuite 200 tonnes par an.
En 2006, la production d'uranium est estimée à 103 millions de livres (46.720 tonnes) tandis que la consommation a atteint 177 millions de livres (80 000 tonnes).
"Cette année, la prévision pour la demande est d'environ 183 millions et celle de la production de 117 millions", note Alice Wong, vice-Présidente de Cameco Corp.
"Depuis 1985, la consommation d'uranium a dépassé la production et la première progresse plus rapidement que la seconde", ajoute-t-elle.
La différence entre production et consommation a pu être comblée par les stocks et par le recyclage des armes nucléaires. Mais un traité entre la Russie et Etats-Unis pour convertir l'uranium militaire en uranium faiblement enrichi, expire dans six ans.
"L'accord entre la Russie et les Etats-Unis se termine en 2013 et on ne sait pas trop ce qui va se passer alors", relève Steve Kidd, directeur de la World Nuclear Association à Londres, tout en se montrant assez confiant.
"Le marché sera approvisionné d'une manière ou d'une autre mais la question reste de savoir à quel prix", estime-t-il.
Pour Andrew Harrington, de l'Australian and New Zealand Bank, "la réduction de l'offre secondaire empirera et le déficit pourra difficilement être comblé par l'accroissement des capacités".
L'échéance à laquelle le marché retrouvera l'équilibre dépend beaucoup de l'Australie et de l'autorisation donnée par Canberra à l'ouverture de nouvelles mines.
L'Australie détient 40% des réserves mondiales d'uranium mais les exportations ne sont autorisées que depuis certains Etats - comme ceux de Western Australia ou du Queensland, particulièrement riches en minerai - en raison d'une réglementation datant du mouvement anti-nucléaire des années 70.
Les nouveaux approvisionnements pourraient venir d'Afrique avec la Namibie ainsi que du Canada, où le projet Cigar Lake de Cameco devrait être opérationnel en 2012. Le site devrait fournir à terme 18 millions de livres d'uranium par an, mais le projet prend actuellement du retard en raison d'inondations.
"Le délai prévu pour le démarrage de l'exploitation de Cigar Lake est un peu optimiste", estime Paul Carter.
Alors que le délai de mise en exploitation d'une mine d'uranium est d'au moins dix ans, la hausse des cours a encore de beaux jours devant elle.
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