Les Echos : chat avec Philippe Calavia, directeur général délégué des Affaires économiques et financières d'Air France
http://www.lesechos.fr/info/chats/300158702.htm
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bibi : Les résultats opérationnels d'Air France ont été portés par la bonne couverture pétrole instaurée par le groupe. Quelle est sa part dans l'amélioration de la marge Ebitda ? Comment garder un même niveau de marge avec un pétrole qui augmente encore ?
Philippe_Calavia : Bibi, enchanté ! Deux choses fondamentalement expliquent l'amélioration de nos résultats l'an dernier : tout d'abord, la baisse des coûts unitaires hors carburant et ensuite l'amélioration de nos recettes unitaires. Vous dire, au sein de l'ensemble de nos recettes, ce que représente exactement la part des surcharges liées au carburant n'est pas très pertinent. Ce qui compte, c'est ce que le client estime globalement juste comme prix du billet tout compris, c'est à dire ce qu'il a à payer en comparaison de la qualité du produit qu'on lui offre. Comment allons-nous faire dans l'avenir pour continuer à améliorer nos résultats avec un carburant toujours aussi cher ? La recette est toujours la même : proposer un service toujours amélioré à nos clients afin qu'ils choisissent Air France et KLM de préférence à d'autres ET poursuivre nos efforts de réduction des coûts.
boniface : Quelle a été précisément l'augmentation des coûts liées à la hausse du prix du kérosène l'an dernier ? Que prévoyez-vous pour cette année et les années à venir en la matière ainsi qu'en matière de recettes (surcharges carburant) ? D'une manière générale, que représentent les carburants dans vos coûts et comment pensez vous faire face à des prix durablement élevés ?
Philippe_Calavia : L'augmentation de la facture carburant, l'an dernier, a représenté pour nous environ 800 millions d'euros, c'est à dire en gros une augmentation de 4 % de nos coûts totaux. Nous considérons que les coûts du carburant devraient encore augmenter cette année d'une somme équivalente. Nous avons d'ailleurs fait notre budget sur la base d'un prix du baril moyen sur l'année de l'ordre de 70 dollars. Nous ne pensons pas que ce prix devrait baisser significativement à l'avenir. Comment ferons-nous face et pourrons nous continuer à améliorer nos résultats ? Il n'y a pas de recette miracle, il faut maintenir la vigilance sur les dépenses et la qualité du produit servi au client afin qu'il accepte lui-même les surcharges carburant comprises dans le prix des billets. Par rapport à nos concurrents, nous avons toutefois un avantage supplémentaire : celui des synergies découlant de la fusion avec KLM. Nous sommes, en effet, en mesure grâce à cette opération d'améliorer le service au client (réseau plus étendu, fréquences plus nombreuses...) et de réduire nos coûts en mettant en commun la force de frappe d'Air France et celle de KLM.
bibi : Envisagez vous un baril du brut à 100 dollars ? Quels en seraient les effets sur les marges opérationnelles du groupe ?
Philippe_Calavia : Re-bonjour Bibi ! Vous êtes un peu accroc au baril, semble-il !!! Malheureusement vous n'avez pas tort ! Pour le moment, nos efforts tendent à absorber le prix actuel d'environ 70 dollars. Mais, comme vous, nous pensons que ce prix pourrait encore augmenter dans l'avenir. Si cela se fait progressivement, nous nous adapterons comme nous l'avons fait depuis deux-trois ans, d'une part en continuant à baisser nos coûts et, d'autre part, en tentant de convaincre nos clients de la nécessité de payer progressivement le juste prix du carburant. Quand vous montez dans votre voiture, si vous en avez une, vous payez le prix du gasole, quand on prend l'avion, il faut s'attendre à ce que le prix du billet intègre également le coût du carburant. Toutefois, nous essayons de réduire l'impact pour le client en accordant une grande importance à la maitrise des coûts et en menant une politique financière de "couverture du carburant" aussi efficace que possible.
Jack : A partir de quel seuil pour le prix du baril de brut envisagez vous de revoir à la hausse votre surcharge carburant?
Philippe_Calavia : hI Jack ! Il n'y a pas de règle absolue en la matière. On est, avant tout, pragmatique ; mais, pour fixer un ordre de grandeur, on peut se référer à ce qui s'est fait depuis 2 ans environ et on constate, alors, que les surcharges ont varié chaque fois que le baril augmentait d'environ 5 dollars. Je vous rappelle que la dernière surcharge instituée en avril l'a été lorsque le baril a atteint 70 dollars, c'est à dire le niveau où il est encore actuellement. Je vous signale également qu'Air France-KLM est l'une des très rares compagnies à s'être engagée publiquement à redescendre le niveau de ses surcharges au cas où le prix du baril baisserait .
choiseul : Comment se fait-il que malgré les efforts d'Air France pour faire payer les surcoût pétroliers à ses clients, le cours de bourse baisse à chaque fois que le pétrole monte ?
Philippe_Calavia : Malheureusement, vous touchez là une des (multiples) imperfections du marché qui ne tient pas suffisamment compte, malgré nos rappels systématiques et appuyés, de la qualité de nos couvertures. C'est à nous de faire des efforts supplémentaires d'explication pour être encore plus convaincants vis à vis des analystes et investisseurs.
Emilie : Selon une enquête menée par Eric Laurent, les réserves actuelles de pétrole nous permettraient de nous approvisionner seulement 10 ans en pétrole. Quelle solution alternative envisagez-vous au sein d'Air France ?
Philippe_Calavia : Tout d'abord, je ne crois pas, heureusement, qu'il ne reste que 10 ans de réserve. Si c'était le cas, le prix du baril serait bien plus haut, bien plus élevé qu'il ne l'est aujourd'hui. C'est vrai qu'il est difficile de s'y retrouver dans les diverses études sur le niveau des réserves pétrolières, ce qui est sûr en revanche c'est que l'extraction coûtera de plus en plus cher (schiste bitumineux du Canada, sable de l'Orénoque...). Comme énergie alternative, les compagnies aériennes sont de simples opérateurs et n'ont pas de capacité de recherche suffisante pour imaginer l'après pétrole. Comme vous vous en doutez, de gros acteurs industriels comme les constructeurs d'avion, les fabricants de moteurs et bien sûr les pétroliers doivent travailler en secret sur ces sujets.
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