Dominique Baillard
http://www.rfi.fr/actufr/articles/077/article_44066.asp
« Certains industriels de l’agro-alimentaire se posent des questions
», témoigne le responsable des achats d’un grand fabricant d’huile
alimentaire, « nos huiles sont aujourd’hui de l’énergie déguisée ».
Avec le boum des biocarburants, les cours de l’huile de colza se sont
envolés ces dernières années poussant les fabricants de plats
cuisinés ou de biscuits à la délaisser. En quelques années son prix
a doublé pour atteindre aujourd’hui 800 dollars la tonne. C'est à
base de colza qu'on fabrique en Europe le diester, ou diesel vert,
qui joue un rôle important dans le développement actuel de la
filière. « Il y a quatre ans l'huile de colza était le parent pauvre
des huiles alimentaires qu’on écoulait avec un discount par rapport à
l’huile de soja vers l’Algérie ou le Maroc », raconte un trader basé
à Rotterdam. Maintenant ces pays du Maghreb ont opté pour des huiles
de soja ou de tournesol pour leur consommation courante et le Maroc
se met à importer du colza pour le réexporter sous forme raffinée
vers l’Europe. Un comble !
Comme la ménagère européenne, l’industriel est sensible au goût, aux
qualités nutritives mais aussi au prix. Depuis deux ans, la part du
colza s’érode dans la consommation alimentaire, on l’estime à 2,8
millions de tonnes en 2004 pour l’ensemble des pays de l’Union, un
chiffre qui tombera à 2,4 millions de tonnes en 2007, au profit des
autres huiles fabriquées à base d’oléagineux. Une mutation très nette
pour le tournesol en provenance de la mer Noire car la récolte a été
particulièrement abondante cette année en Russie et en Ukraine mais
aussi parce que les industriels se refusent à employer de l’huile de
soja OGM bon marché mais qui pourrait effrayer les consommateurs,
quant à l’huile de soja non OGM, son prix ne la rend pas vraiment
compétitive.
L’huile de palme, de loin la moins chère, souffre de ses faibles
qualités nutritionnelles et techniques. A une température ambiante
inférieure à 20°C, elle se fige comme du saindoux, ce qui ne rend pas
les plats très appétissants, d’où la faible substitution en sa faveur
sous les latitudes septentrionales. Selon le trader déjà cité, le
bouleversement du marché des huiles engendré par l’engouement pour
les bio carburants réside surtout dans la hausse générale des prix.
Il estime que la filière énergie a ajouté une prime de 20 % à
l’ensemble des huiles. Et de s’interroger : « le choix du bio
carburant part d’un bon sentiment mais est-ce raisonnable d’utiliser
de la bouffe comme carburant ? » s’interroge t’il en concluant : « Il
suffit d’une mauvaise récolte de soja au Brésil pour faire exploser
le marché, dans ce cas ce sont les pays les plus pauvres qui en
pâtiront les premiers ».
par Dominique Baillard
31/05/2006