Cet article est très intéressant.
Quelques réactions :
- une petite perspective historique n'est pas inutile : depuis au moins les années 70, les survivalistes se préparent à la catastrophe imminente... qui n'est pas arrivée jusqu'ici. Il me semble qu'il faudrait au moins essayer que les préparations contribuent à se faire plaisir, ou à apprendre des choses utiles même hors catastrophe, sous peine d'avoir l'impression, 30 ans plus tard, d'avoir perdu beaucoup de temps et d'argent.
- l'auteur oppose "vivre seul, sans morale, en étant prêt à se défendre en tuant des gens" et "vivre en groupe, avec une morale et des idéaux élevés, en contribuant au changement de la société".
Ce faisant, il amalgame plusieurs débats, qui auraient gagné à être bien distincts :
- survivre à tout prix ou non ?
- Si on est attaqués, recourrir à la violence défensive ou non ? (questions sous-jacentes : quelle éthique, quelle morale? Doit-on se tenir à ses choix éthiques dans toutes situations et à tout prix?)
- vivre seul (ou en famille nucléaire), ou bien s'inscrire dans un groupe, une communauté ou des réseaux de solidarité ?
Ce faisant, il rate des discussions intéressantes. En voici une première "vivre seul et même isolé, en étant prêt à recourrir à la violence défensive, est-ce le meilleur moyen de survivre?"
AMHA, se terrer seul ou avec sa femme et ses gosses dans une petite maison isolée, c'est aberrant. Je l'ai dit amplement dans le fil sur les pillards : les pillards, s'ils sont suffisamment organisés et décidés, finiront par vous avoir. Comme la maison est isolée, ils ont tout leur temps : bombe artisanale, gaz incapacitant, incendie... les moyens sont nombreux de se débarasser des occupants avant de rentrer voir ce qu'il reste comme bouffe et équipements utiles (même après un incendie on trouve toujours quelque chose, et puis, même s'il n'y a plus rien à ramasser, "z'avaient qu'à pas résister..."). En tous cas, si vous devez garder vos champs chaque nuit posté dans une cahute avec un fusil, vous allez vite souffrir du manque de sommeil!
Précisemment, ces groupes de pillards qui vous tournent autour, prouvent qu'on peut tout à fait être organisés socialement, et quand même violents et non-éthique! Faire un raccourci "groupe social = éthique idéale" est extraordinairement naïf!
Certains vont peut-être hurler au biofascisme, mais à mon humble avis, l'homme est un animal social.
Animal, donc chaque être humain a effectivement, chevillé au corps, l'envie de survivre personnellement, puis de se reproduire. Aussi, le fait de faire passer l'"évolution de la société" avant sa propre survie, comme le fait l'auteur, ne me paraît pas être un signe de bonne santé! Il faut avoir des tendances morbides, ou une grosse dose de dissociation entre l'intellect d'un côté et ses besoins et sentiments de l'autre, pour être ainsi prêt à se sacrifier à un idéal.
Social car, au cours des âges, il s'est avéré que les meilleures chances de survie et de reproduction pour les animaux humains étaient assurées par des groupes! Certains animaux vivent en couple, d'autre en très petits groupes autour d'un seul mâle, d'autres encore en groupe plus importants, avec des "astuces sociales" pour que chacun y trouve son compte. Le mariage est une astuce sociale permettant à plusieurs mâles de coopérer sans être obnubilés par la compétition pour les femelles. Ces idées ont été développées notamment par différents auteurs, entre autres Desmond Morris et Michel Odent.
Aussi, je pense que la meilleure chance de survie est plutôt à rechercher dans un groupe comprenant entre 20 et 200 individus, ce qui correspond plus ou moins au clan ou au village qu'on retrouve si souvent dans les organisations sociales passées et présentes. Ce groupe fonctionne s'il y a de la solidarité, des alliances, des amitiés, etc. D'où la nécessité de construire effectivement des alternatives sous forme de groupes locaux et solidaires : SEL, associations, jardins collectifs, fête de quartier, villages traditionnels, etc. Naturellement, ces solidarités sont évoluées, culturelles, modernes et tout! Heureusement, on n'est pas forcés de constituer une troupe de baboins avec les grognements et les bagarres qui vont bien! N'empêche que ces solidarités, évoluées culturelles modernes etc., correspondent aussi à nos besoins phylogénétiques. D'ailleurs, la plupart des gens ont du plaisir à être ensemble et à coopérer, ce qui montre bien la satisfaction phylogénétique.
Ainsi, développer des solidarités locales constitue à la fois : 1) le ferment de la société post-PO, 2) le moyen de se faire plaisir en assouvissant sa soif de relations sociales positives, 3) et probablement la meilleure chance de survie, au milieu d'un groupe solidaire face à la crise! Il est vrai que pour bien vivre en groupe, il faut renoncer à certaines formes d'égoïsme. Mais il n'y a, heureusement, pas besoin pour autant de renoncer à son instinct de survie : cet instinct est tout à fait capable d'apprécier la sécurité apportée par le groupe.
Et finalement, la question de la non-violence et de l'éthique, qui lui fait convoquer Mathin Luther King et Gandhi, me semble s'appliquer quelle que soit la taille du groupe : qu'on soit seul, ou une communauté de 10, ou une communauté de 1000, la question reste entière : en cas d'attaque violente, qu'est-ce qu'on fait? On se défend ou bien on est absolument non-violent? Ca c'est bien une discussion éthique, morale, philosophique...
Le fond de l'air est frais.